Madame Bovary

Les Amis de Flaubert – Année 1952 – Bulletin n° 3 – Page 12

 

À René-Marie Martin

           Madame Bovary
 

Que n’a-t-on dit de toi, pauvre Emma Bovary !

De quel venin sortit ta légende scabreuse ?

Combien de viragos à l’âme ténébreuse

Derrière leurs rideaux formèrent ton jury ?

 

On n’eût pas plus tramé contre une Dubarry !

Et pourtant tu n’étais qu’une tendre amoureuse

Qu’obsédait ta jeunesse incomprise et peureuse

Dans l’hostilité morne et les rancœurs de Ry.

 

Indolemment soumise à ta douce faiblesse,

Tu cherchais chez l’amant, cependant sans noblesse,

Tes rêves bleus gâchés par l’époux ennuyeux.

 

Mais, de l’ombre du mal, tous te jetaient la pierre.

Le fiel, non le poison, a fermé ta paupière

Quand les hommes ingrats ont perdu tes beaux yeux.

 

Jean E. FRIEDERICH.

(Extrait du Recueil : Aurores et Crépuscules).