Autour d’un portrait de Gustave Flaubert

Les Amis de Flaubert – Année 1957 – Bulletin n° 10 – Page 64

 

Autour d’un portrait de Gustave Flaubert

Le Paris-Normandie du vendredi  1er février 1957 a inséré, en sa page littéraire, un article sur Un Portrait inconnu de Gustave Flaubert. Il s’agit en l’espèce d’un tableau représentant Gustave Flaubert, vers la trentaine, assis dans un fauteuil en velours rouge, présumé dans le « petit salon » de Croisset (aujourd’hui le Pavillon du bord de l’eau). L’écrivain est en bras de chemise, gilet et col ouverts. Il a une chevelure abondante et une moustache « Morse ». L’auteur du portrait est inconnu (on lit seulement, à peu près : ARLISTE ( ?) et on ne sait rien de la date de composition.

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Ce portrait est la propriété actuelle de M. Claude Menetret, libraire à Paris, qui a bien voulu écrire à ce sujet à la Société des Amis de Flaubert, puis à Paris-Normandie pour signaler cette œuvre. M. Jacques Toutain-Revel a cru devoir écrire à Paris-Normandie dans les termes que voici :

Rouen, 1er février 1957.

Monsieur le Directeur de « Paris-Normandie »,

Rouen.

Monsieur le Directeur,

« Paris-Normandie », en chronique littéraire de ce jour, reproduit aujourd’hui, avec un « portrait inconnu » de Gustave Flaubert, un article sur ce document.

M. Claude Menetret, qui détient ce portrait, avait bien voulu déjà nous le signaler. Je m’étais autorisé à répondre que la signature d’auteur : ARLISTE ( ?) ne correspondait à aucun nom de peintre et cachait soit un nom familial, soit signifiait peut-être tout simplement : Artiste ( ?).

Ce tableau s’entoure, en effet, d’un total mystère. Si c’est Flaubert à trente ans, le portrait a donc été fait vers 1851. Or, à cette époque, — et encore plus si c’est Flaubert à 35 ans, l’écrivain, retour d’Orient, était atteint de calvitie précoce — et le tableau le représente avec une abondante chevelure noire.

Si c’est avant 1851 (Flaubert fut en Orient de 1849 à 1851) l’écrivain était doté d’une barbe blonde. Alors ?

Ne s’agirait-il pas d’un portrait dit « de convention » ? c’est-à-dire fait à une date inconnue avec tous les atouts en main…

À quelqu’époque que ce soit, Gustave Flaubert, ne fait état de ce portrait dans sa Correspondance, personne ne semble pouvoir indiquer comment ce tableau d’apparence familiale est tombé dans un tout autre domaine. Rien aux deux ventes Franklin-Grout. Donc : prudence… prudence…

Ceci d’autant plus que pendant de longues années et aussi dans le domaine pictural, un portrait de jolie femme brune a été donné de manière certaine comme le portrait de Delphine Delamare, née Couturier (Emma Bovary), alors que des recherches récentes ont établi qu’il s’agissait tout simplement du portrait de Mme Joseph Court, femme du peintre rouennais, laquelle (heureusement pour notre honorable concitoyen) ne pouvait être en aucun cas comparée à la trop mélancolique Emma.

Je me permets d’espérer, Monsieur le Directeur, que vous ne m’en voudrez point de cette petite indication qui me permet de vous réitérer combien nous vous sommes reconnaissants de réserver en votre honorable journal une part à l’un de nos plus grands romanciers français.

Veuillez agréer, Monsieur le Directeur, l’expression de mes sentiments les plus distingués et dévoués.

Le Président : Jacques TOUTAIN-REVEL.

 

Nota. — Postérieurement, à cette correspondance, nous avons acquis la certitude que la famille Flaubert avait obtenu une photographie de Gustave Flaubert à l’époque de la trentaine. Le portrait dont s’agit ne serait-il pas la reproduction avantagée de cette photographie ?…