Les exemplaires en grand papier de Madame Bovary

Les Amis de Flaubert – Année 1958 – Bulletin n° 13 – Page 23

 

Les exemplaires en grand papier de Madame Bovary

M. Auguste Lambiotte, le distingué Président de la Société des Bibliophiles de Belgique — un chercheur et un savant — a récemment publié dans la Revue de sa Société Le Livre et l’Estampe, un remarquable travail de patiente érudition concernant les premiers exemplaires de Madame Bovary, parus comme on le sait en 1857, et dédicacés par Gustave Flaubert à ses proches et à ses amis.

M. Lambiotte nous a autorisé à reproduire ce travail du plus haut intérêt pour les Flaubertistes. Nous l’en remercions vivement, ainsi que la Revue trimestrielle de la Société des Bibliophiles et Iconophiles de Belgique. L’un et l’autre ont fait à notre égard preuve d’une grande et fructueuse bienveillance.

Tous ceux qui ont suivi les ventes de ces dernières années ont été frappés par l’ardeur toujours croissante avec laquelle les bibliophiles se disputent les éditions originales en grand papier des chefs-d’œuvre de la littérature contemporaine.

Quand l’exemplaire a été dédicacé à un personnage célèbre et relié à l’époque, bref, lorsque sont réunies toutes les herbes de la Saint-Jean, il n’y a pas de limite aux enchères.

La faveur exceptionnelle que rencontrent de tels livres auprès des collectionneurs d’aujourd’hui nous a poussé à inventorier les exemplaires connus à ce jour des originales en grand papier de certains chefs-d’œuvre, tels que Madame Bovary, l’Éducation Sentimentale, Trois contes, Dominique, Poèmes Saturniens, Fêtes Galantes, la Bonne Chanson, sans oublier les Fleurs du Mal.

Nous commencerons notre travail par Madame Bovary pour célébrer le centième anniversaire de sa publication.

Nous décrirons tout d’abord les exemplaires avec envoi d’auteur, en donnant des indications succinctes sur le destinataire du livre, la reliure, les ventes successives où le livre a passé.

Nous mentionnerons également les exemplaires avec envoi qui ont été distribués dans la région rouennaise et dont la liste de la main de Flaubert a paru dans le Mercure de France (articles de Francis Ambrière du 15 novembre 1937 et du 1er août 1938). Cependant, certains de ces exemplaires n’ayant jamais figuré dans aucune vente, nous ne pouvons les décrire. Nous les signalons par l’indication : Liste Flaubert.

Nous décrirons enfin les exemplaires sans envoi, en reliure d’époque et en reliure moderne.

Ce relevé, malgré tous nos soins, peut contenir des erreurs ; il peut aussi être incomplet. Que nos lecteurs nous permettent de corriger ces imperfections, nous les en remercions d’avance.

Madame Bovary — Michel Lévy frères, 1857

a) Exemplaires sur vélin fort, avec envoi d’auteur.

1. Louis Bouilhet, dédicataire — Poète et auteur dramatique normand

(1821-1869), condisciple et ami de Flaubert.

On a perdu la trace de cet exemplaire qui a été présenté en 1923 à un libraire de Paris. Il portait en sus de la dédicace manuscrite : « Imprimé pour Monsieur Louis Bouilhet » (voir à ce sujet le Bulletin du Bibliophile du 1er février 1923, page 109).

2. Charles Baudelaire (1821-1867).

Envoi : « Au poète Baudelaire, hommage d’une profonde sympathie littéraire. Gve Flaubert ».

Demi-reliure d’époque en maroquin vert foncé, tête dorée, non rogné, couverture conservée. Cette reliure a été exécutée par Lortic sur les indications de Baudelaire, et les couvertures ont été conservées, en dépit des règles de l’époque. (Voir à ce sujet l’article de Vandérem dans le Bulletin du bibliophile du 1″ mai 1927, pages 195 et 196).

3. Victor Hugo (1802-1885).

Envoi : « Au maître, souvenir et hommage. Gve Flaubert ».

Cet exemplaire provenant de la bibliothèque de Georges Hugo dont il porte l’ex-libris, relié en plein maroquin-grenat, cadre de 7 filets sur les plats, dos orné, tranches dorées sur témoins, couverture conservée (Chambolle-Duru), a passé successivement dans les ventes :

Claude Lafontaine (1923) — 24.000 francs.

Voûte (1938) n° 292 — 51.000 francs.

Jarry (Blaizot) 21-22 mars 1939, n° 122 — 45.000 francs.

Il contient une lette de Flaubert à Maurice Schlesinger et deux pages du manuscrit, autographes ajoutés par Paul Voûte.

4. Alfred de Vigny (1797-1863).

Envoi : « À Mr de Vigny, hommage de la plus profonde admiration d’un inconnu. Gve Flaubert ».

Cet exemplaire en demi-reliure d’époque maroquin brun avec coins dos orné, tête dorée, non rogné, a passé à la vente Parran en novembre 1921, où il a atteint 7.700 francs. On le retrouve dans la vente du comte Alain de Suzannet décembre 1934, n° 42 — 26.000 francs

5. Jules et Edmond de Concourt (1830-1870 et 1822-1896).

Envoi « À Jules et Edmond de Goncourt, hommage de la plus haute et de la plus profonde sympathie pour leurs personnes et leurs œuvres. Gve Flaubert ».

Cet exemplaire, n° 332 de la vente Goncourt d’avril 1897 — 501 francs — a été relié à l’époque en maroquin rouge filets à froid, chiffre des Goncourt à froid en forme de médaillon sur fond or, compartiments de filets à froid sur le dos, tête dorée, dentelle intérieure, non rogné. Ex-libris des Goncourt sur une feuille de garde avec cette note autographe à l’encre rouge :

« Édition en un volume. Exemplaire dans lequel il a été intercalé une page du manuscrit original, à moi donnée par Mme Commanville, la nièce de Flaubert. Edmond de Goncourt ».

On le retrouve en dernier lieu à la vente Barthou 1935, n » 15 — 46.000 francs.

6. George Sand (1803-1876).

Envoi : « À Madame Sand, hommage d’un inconnu.

Gve Flaubert ».

Ce livre, en reliure du temps, a longtemps été exposé au Musée Carnavalet.

7. Alphonse de Lamartine (1790-1869).

Envoi : « À Monsieur de Lamartine, offert par l’auteur, son tout dévoué, Gve Flaubert ».

Reliure de Huser en plein maroquin rouge, doublé de même, tête et tranches dorées, couvertures conservées.

8. Sainte-Beuve (1804-1869).

Envoi : « À Monsieur Sainte-Beuve, humble hommage d’un inconnu. Gve Flaubert »

Cet exemplaire resté broché a passé successivement à la deuxième vente Sainte-Beuve (1870, n° 330) au prix de 40 francs mis à la vente Brivois en décembre 1920, où il a atteint 11.505 francs. Il est maintenant conservé dans la bibliothèque Jacques Doucet.

9. Jules Janin (1804-1874) — « Prince des critiques »

Envoi : « À notre père en lettres, Jules Janin. Gve Flaubert ».

Cet exemplaire, relié à l’époque en demi-maroquin vert, tête dorée, non rogné, a passé à la vente Jules Janin 1877 (Labitte), n° 768, au prix de 180 francs. Il a passé ensuite à la vente Noilly, mars 1886, n° 313, où il a atteint 335 francs. Noilly l’avait fait relier à nouveau par Marins Michel, et y avait inséré une suite de gravures et un portrait de Flaubert.

10. Paul de Saint-Victor (1825-1881), littérateur et critique.

Envoi : « À Paul de Saint Victor, hommage de la meilleure amitié et de la plus profonde sympathie littéraire. Gve Flaubert ».

Reliure d’époque en demi-maroquin rouge, compartiments de filets à froid dans le dos, tête dorée, tranche ébarbée.

Cet exemplaire a été adjugé 250 francs à la vente Saint-Victor 1882 (Porquet), n° 727.

Il est actuellement conservé dans la bibliothèque Smith-Lesouëf.

11. Henri Meilhac (1831-1897), auteur dramatique.

Envoi : « À Henri Meilhac. Gve Flaubert ».

Cet exemplaire en demi-maroquin vert, tête dorée, tranche ébarbée, a passé à la vente H. Meilhac en avril 1922 sous le n° 553, au prix de 1.400 francs.

12. Charles Asselineau (1821-1874), littérateur, critique et bibliophile.

Texte de l’envoi resté inconnu.

Cet exemplaire, relié à l’époque en demi-maroquin bleu non rogné, figurait sous le n° 185 dans la vente Asselineau en 1874 et a été adjugé 12 francs.

Nous craignons qu’il en soit de cet exemplaire comme de celui de Louis Ulbach, dont nous parlons in fine.

13. Nadar (1820-1910), littérateur-photographe-aéronaute.

Envoi : « À Nadar, avec une forte poignée de main.

Gve Flaubert ».

Nous ne connaissons pas la reliure de cet exemplaire.

14. Georges Bell (1825-1885), journaliste et littérateur.

Envoi : « À Georges Bell, hommage d’une profonde sympathie littéraire. Gve Flaubert ».

Maroquin lavallière janséniste, doublé de maroquin vert olive, un filet or, gardes de soie brochée, doubles gardes, tête dorée, non rogné, reliure de René Kieffer (catalogue Blaizot, n° 180 — janvier 1912 — 850 francs).

15. Adolphe Gaïffe, publiciste et dandy qui fut secrétaire de l’Artiste et de la Presse, puis secrétaire particulier de Solar. Un des hommes les plus beaux de sa génération et à ce titre célébré par Banville dans « Odelettes ».

Envoi : « À mon ami Gaiffe. Gve Flaubert ».

Vente Montgermont 5 décembre 1918, n » 137. Reliure en plein maroquin rouge janséniste, 7 filets intérieurs, tranches dorées sur témoins (Chambolle-Duru).

16. Amédée Pommier (1804-1877), poète, collaborateur de la Revue des

« Deux Mondes » et de l’Artiste.

Envoi : « Au poète A. Pommier, hommage d’un inconnu qui l’admire. Gve Flaubert ».

Ce livre, en demi-chagrin lavallière d’époque, plats toile, dos orné, tranches jaspées, a passé à la vente Robert de Bonnières en 1922, puis à la vente Sforza en 1933 sous le n° 314.

17. Louise Colet (1810-1876), poétesse et romancière, fut successivement l’amie de Cousin, Villemain, Hugo, Alfred de Vigny, Musset, et sa liaison orageuse avec Flaubert dura de 1847 à 1855.

Nous ignorons tout de l’état du volume.

18. Madame Sabatier (1822-1890), Aglaé Savatier, dite Apollonie Sabatier, surnommée la Présidente, immortalisée par Baudelaire.

Envoi : « À l’esprit charmant, à la ravissante femme, à l’excellente amie, à notre belle, bonne, insensible Présidente, Madame Aglaé Sabatier, mince hommage de son tout dévoué.

Gve Flaubert ».

Reliure d’époque en demi-maroquin vert à la Bradel, dos orné de filets dorés, tranches jaspées.

19. Madame Feydeau — Polonaise, femme de Ernest Feydeau

(1821-1873), homme de lettres, auteur de Fanny.

Envoi : « À Madame Feydeau, humble hommage de son tout dévoué, Gve Flaubert ».

Le nom du dédicataire a été en partie raturé, mais reste très lisible. Vente Lévy-Danon (12-15 novembre 1935), n° 167, prix : 5.150 francs. Demi-maroquin vert foncé, compartiments de filets à froid avec fleurons dorés, plats toile verte, tranches marbrées, reliure d’époque.

20. Madame Charles d’Harnois de Blangue (1830-1885), sœur de Madame Gustave de Maupassant.

Envoi : « À Madame d’Harnois de Blangue, née Virginie Le Poittevin, cordial hommage d’un vieil ami. Gve Flaubert ».

Exemplaire broché, couverture imprimée. Le dos manque en partie (catalogue Blaizot n° 249, décembre 1927).

21. Madame Le Poittevin (1793-1866), mère d’Alfred Le Poittevin, ami de jeunesse et confident de Flaubert.

Envoi et état inconnus (Liste Flaubert).

22. Laure Le Poittevin (1821-1903), fille de la précédente, mère de

Guy de Maupassant et sœur de Madame d’Harnois de Blangue.

Envoi et état inconnus (Liste Flaubert).

23. Madame Flaubert (1793-1872), mère de Gustave Flaubert.

Envoi : « À ma bonne mère, son vieux compagnon,

Gve Flaubert ».

L’envoi ci-dessus est reproduit page 80 du livre d’Albert Thibaudet : « Gustave Flaubert ».

Demi-reliure de chagrin noir, dos janséniste. Cet exemplaire est conservé à la Bibliothèque historique de la Ville de Paris.

24. Achille Flaubert (1813-1880), chirurgien, frère de Gustave Flaubert.

Envoi et état inconnus (Liste Flaubert).

25. Mademoiselle Juliet Herbert — gouvernante de Caroline Flaubert et amie de l’écrivain.

Envoi et état inconnus (Liste Flaubert).

26. Charles Beuzeville (1812-1885), rédacteur en chef du « Journal de

Rouen ».

Envoi et état inconnus (Liste Flaubert).

27. Thomas Brière de l’Isle (1806-1872), co-propriétaire et directeur du

« Journal de Rouen ».

Envoi et état inconnus (Liste Flaubert).

28. Amédée Le Froid de Méraux (1802-1874), rédacteur au « Journal de

Rouen », critique musical.

Envoi : « À mon ami A. Méraux. Puissent mes phrases être aussi mélodieuses que sa musique et aussi spirituelles que sa conversation. Gve Flaubert ».

Reliure de Noulhac (Catalogue Blaizot n° 193 de juin 1913).

29. André Pottier (1799-1867), conservateur de la Bibliothèque de Rouen

et directeur du Musée d’Antiquités de la Seine-Inférieure.

Envoi : « À mon cher et savant ami, M. Potier. Gve Flaubert ».

Demi-maroquin vert foncé, tête rouge, non rogné, joint carte de visite avec quelques mots autographes. Vente Pelay 1923 (Giraud Badin) — 10.000 francs.

30. Joseph-Pierre Chassan (1800-1871), avocat au Barreau de Rouen, membre de l’Académie de Rouen et auteur, entre autres ouvrages juridiques, d’un « Traité des délits par l’écriture ».

Envoi : « À M. Chassan, hommage respectueux de l’auteur.

Gve Flaubert ».

Demi-chagrin bleu, dos à cinq nerfs, titre poli, fleurons dorés, tranches peigne. Reliure d’époque provenant de la Librairie Ancienne et moderne Lanetin à Rouen.

Catalogue Matarasso (1938) et Edouard Lœwy (1955).

31. Théodore Douvre (1798-1877), juge de paix à Rouen.

Envoi et état inconnus (Liste Flaubert).

32. Pierre Lizot (1797-1861), Président du Tribunal civil de Rouen,

Envoi et état inconnus (Liste Flaubert).

33. Eugène Jolibois (1819-1896), avocat général à la Cour de Rouen

en 1857.

Envoi et état inconnus (Liste Flaubert).

34. Georges Pouchet (1833-1894), fils du directeur du Muséum Rouennais, docteur en médecine et professeur d’anatomie au Muséum.

Envoi et état inconnus (Liste Flaubert).

35. Jean Clogenson (1785-1876), Rouennais, membre du Comité Bouilhet.

Envoi et état inconnus (Liste Flaubert).

36. Henry Barbet (1789-1875), Maire de Rouen, Président du Conseil Général, Pair de France. Intervint en faveur de Flaubert au moment du procès sur Madame Bovary.

Envoi et état inconnus (Liste Flaubert).

37. Baron Ernest Leroy (1810-1872), préfet de la Seine-Inférieure jusqu’en 1870, il intervint en faveur de Flaubert (voir Correspondance Générale — tome IV — page 143).

Envoi et état inconnus (Liste Flaubert).

38. Pruss (1822-1873), consul à Rhodes, ami d’enfance de Flaubert qui

le retrouva à Rhodes, lors de son voyage en Orient en 1850 — (voir Correspondance Générale — tome II — page 354).

Envoi : « À mon ami Pruss, que ce livre lui parvienne et le fasse songer à l’auteur et au pays natal. Mille bonnes tendresses.

Gve Flaubert ».

Reliure en maroquin rouge, trois filets sur les plats, dos orné, doublé de maroquin vert olive, cadre de cinq filets, tranches dorées (Chambolle-Duru). Vente Blaizot, 18 février 1939, n° 56.

39. Ernest Christophe (1827-1892), sculpteur, élève de Rude.

Envoi : « À mon ami Christophe. Gve Flaubert ». Demi-maroquin rouge avec coins, tête dorée, ébarbé. Reliure de Amand. La dédicace à Christophe est sur un feuillet de garde.

Vente Pierre Louys, 27 novembre 1930 (Giraud-Badin) — 10.800 francs.

40. Charles Abbatucoi (1792-1857), garde des Sceaux.

Envoi : « À Mr Charles Abbatucoi. Hommage de son obligé, l’auteur, Gve Flaubert ».

Demi-reliure d’époque en veau fauve.

41. Gustave Rouland (1831-1898), fils du Ministre de l’Instruction Publique, qui portait le même prénom, chef de Cabinet de son père, intervint activement au moment du procès Bovary (voir Correspondance Générale — tome IV — pages 140 à 151).

Envoi : « À Mr Rouland. Hommage d’un compatriote. L’auteur, son tout dévoué. Gve Flaubert ».

Demi-reliure d’époque en maroquin noir, tranches peignées.

42. Alfred Baudry (1828-1884), dit « le Jeune » était le frère cadet de

Frédéric Baudry, bibliothécaire de l’Arsenal et membre de l’Institut.

Envoi : « À mon ami, très cher Al. Baudry, le seul qui vienne me voir dans ma solitude rustique. L’auteur indigne. Gve Flaubert ».

Maroquin Lavallière, double encadrement de trois filets or et de branches avec feuilles dorées et fleurs mosaïquées, dos à cinq nerfs orné de mêmes motifs, doublé de maroquin rouge avec trois filets or et une bande dorée et mosaïquée, dentelles, gardes soie, tranche dorée sur témoins, couverture, étui (Marius Michel). Vente Léon Schück, juin 1931, n° 225 : 30.100 francs.

43. Eugène Bataille (1815-1878), Conseiller d’État, ancien ami de Napoléon III. Il l’avait accompagné en Angleterre et avait pris part à l’expédition de Boulogne.

Envoi : « À E. Bataille, cordial hommage d’un ancien camarade de collège. Gve Flaubert ».

Ce livre était primitivement relié par Champs, en demi-maroquin bleu ardoise, couverture et dos conservés (voir catalogue Matarasso de 1949, n° 281). Il est maintenant dans une pleine reliure doublée de P.-L. Martin.

44. Sugnet.

Envoi : « Affectueux souvenir d’hospitalité. Gve Flaubert ».

Cet exemplaire est en demi-chagrin grenat, filets dorés, tranches jaspées, reliure d’époque. Catalogue du libraire Ed. Lœwy (8 juin 1948, n° 318).

45. Eugène Crépet (1827-1892), homme de lettres, baudelairien, père de

Jacques Crépet.

Envoi : « À mon ami Crépet. Gve Flaubert ».

Plein maroquin rose, doublé de moire (Noulhac).

46. Destinataire inconnu.

Dans le Bulletin Morgand de 1898, n° 31.047, est décrit un exemplaire sur vélin fort en demi-reliure, dos et coins maroquin brun, tête dorée, non rogné. Petite tache d’encre sur l’une des tranches du volume. Envoi autographe de l’auteur.

47. Destinataire inconnu.

Dans le catalogue Blaizot n° 106 de juin 1905, est décrit sous le n° 3702, un exemplaire relié par Chambolle-Duru en plein maroquin grenat, dos orné, filets sur les plats, doublé de maroquin brun, 5 filets faisant encadrement, tranches dorées. Portrait ajouté. Envoi autographe de l’auteur.

48. Marie-Antoine-Jules Senard (1800-1885), avocat de Gustave Flaubert dans le procès Bovary. Bâtonnier de l’Ordre des Avocats, député en 1848, puis Président de l’Assemblée Nationale, deuxième dédicataire de Madame Bovary.

Nous n’avons pu retrouver cet exemplaire malgré une enquête menée auprès des descendants de Jules Senard. Flaubert, qui n’avait pas la bosse des noms propres, orthographiait SENART, comme il écrivait POTIER pour POTTIER (voir plus haut exemplaire n° 29).

Enfin nous tenons à signaler l’exemplaire de :

Louis Ulbach. S’il fallait en croire Vicaire, nous devrions l’ajouter à notre liste de grands papiers. Il est en effet indiqué par Vicaire comme étant un exemplaire sur vélin fort, en demi-veau vert, filets (vente Louis Ulbach, Paris, Durel 1889). Mais si l’on se reporte au catalogue de cette vente, on lit : « 2 tomes en un volume in-12, demi-reliure veau vert, filets. Edition originale. Envoi autographe de l’auteur à M. L. Ulbach ».

b) Exemplaires non dédicacés, sur vélin fort.

Nous n’avons pas trouvé trace d’exemplaire broché. En revanche, les exemplaires reliés sont assez nombreux. Nous citerons successivement les reliures d’époque et les reliures modernes.

1. Exemplaire Ludovic Halévy.

Reliure d’époque en demi-maroquin à petit grain vert foncé, à coins, dos à quatre nerfs, à compartiments de filets à froid, orne d’un fleuron doré quatre fois répété, tête dorée, non rogne, étui en forme de reliure, plein maroquin vert orné de même.

Cet exemplaire porte l’ex-libris de Ludovic Halévy et est entièrement non rogné.

2. Exemplaire du Prince Napoléon,

Vente Rauch, mai 1952, n° 530 — 1.000 francs suisses. Reliure de l’époque en demi-chagrin violet, plats de papier marbré, tranche dorée.

Cet exemplaire Dorte sur la page de titre le cachet du Prince Napoléon. Il a été endommagé par l’incendie des Tuileries.

3. Vente Poulet-Malassis — juillet 1878, n° 210 — 79 francs.

Cet exemplaire primitivement relié à l’époque par Lortic père, en demi-maroquin olive, tête dorée, non rogné, a fait ensuite partie de la Bibliothèque Franchetti où il a été relié à nouveau par Lortic frères en plein maroquin rouge, dix filets dorés, dos orné, doublé de maroquin vert, gardes de moire verte, tranche dorée sur témoins.

On y a inséré les illustrations de Boilvin pour l’édition Lemerre. Enfin, il a figuré sous le n° 155 de la vente Muret (1937).

4. Exemplaire Arnauldet (vente Arnauldet 1878, n° 581 — 99 francs).

Il a passé ensuite à la Vente Truelle de Saint-Evron en avril 1883, où il a atteint 240 francs.

Demi-reliure de Petit en maroquin orange avec coins au chiffre d’Arnauldet. La suite en deux états des eaux fortes de Boilvin a été insérée dans le volume.

5. Exemplaire en reliure d’époque en demi-maroquin vert foncé, double filet à froid sur les plats, dos orné d’encadrements de filets à froid, tranche peignée.

Cet exemplaire apparaît dans le catalogue 26 de la Librairie Gallimard (1935, n° 147), puis sous le n° 2035 dans le catalogue présenté en 1956 par un groupe de libraires parisiens.

6. Exemplaire en reliure d’époque en demi-veau blond, dos orné de décors et filets à froid, pièces de titre rouge et verte, tranche lisse (catalogue Bérès, n° 34).

7. Exemplaire Philippe Burty — 1891 (Émile Paul), n° 1191 — 286 francs.

Demi-maroquin rouge janséniste avec coins, tête dorée, non rogné, couverture (reliure de Amand). Cet exemplaire apparaît ensuite au Bulletin Morgand sous les n° 20842 (1892) et 25465 (1895).

8. Exemplaire Behague (vente Behague, 1880 — 111 francs).

Demi-maroquin orange à coins, dos orné, tête dorée, non rogné, reliure de Hardy. Cet exemplaire apparaît ensuite au Bulletin Morgand, n° 6719 (1881) et au répertoire Morgand n° 3079 (1882).

9. Exemplaire Charles Cousin — 1891 (Durel), n° 521 — 295 francs.

Cartonnage percaline de Behrends, non rogné, lettre autographe ajoutée.

10. Bulletin Morgand — n° 10312 (1884), demi-reliure de Allô, dos et coins de maroquin rouge, tête dorée, non rogné.

11. Bulletin Morgand — n°s 24292 (1894) et 31046 (1898), demi-reliure dos et coins et maroquin brun, tête dorée, non rogné.

12. Bulletin Morgand — n° 214, de mars 1909 (500 francs), et n° 185, de mai 1914 (400 francs).

Maroquin bleu janséniste, tête dorée, non rogné. Reliure de Belz-Niédrée.

13. Bulletin Morgand — n° 333, de mai 1907 (500 francs), puis n° 180, de novembre 1910 (400 francs).

Cet exemplaire en demi-reliure maroquin orange à coins de Raparlier, tête dorée, non rogné, reparaît ensuite dans la vente Bosse de novembre 1918 (900 francs). Une lettre autographe de l’auteur est jointe au volume.

14. Vente Émile Müller — 1892, puis Bulletin Morgand, n° 23289 — 1893 (400 francs).

Maroquin bleu janséniste, tranches dorées de Cuzin. Portrait de Flaubert ajouté.

15 Vente Eugène Paillot — 1902. Paraît d’abord au Bulletin Morgand, sous le n° 11991. 1887 (3.000 francs).

Reliure de Cuzin sur brochure en maroquin brun janséniste, doublé de maroquin rouge.

Cet exemplaire est orné de sept aquarelles originales d’Edmond Morin, ainsi que du frontispice et de la suite de Boilvin sur Chine.

16. Vente J. Le Petit — décembre 1917 : n° 1126 — 555 francs.

Maroquin lavallière janséniste de Pagnant, tranches dorées sur témoins. Cet exemplaire est décrit également sous le n° 2391 du catalogue Blaizot, n° 84, de mai 1903.

17. Vente Octave Mirbeau — mars 1919, n° 249 — 1.005 francs.

Maroquin vert foncé janséniste, doublé de maroquin rouge antique serti par un filet or, gardes de soie, doubles gardes, tranches dorées sur témoins (Marius Michel). On retrouve cet exemplaire dans la vente Charles Torley 1928, n° 304 — adjugé 7.350 francs.

18. Vente Gabriel Latombe — 17 janvier 1921 — n° 242 — 3.500 francs.

Maroquin rouge, filets, dos orné, dentelles intérieures, tranches dorées sur témoins, couverture, reliure de Mercier.

Cet exemplaire rapparait à la vente de Mme Heartt. (Blaizot, mars 1931) n° 185 — 27.000 francs, puis à la vente Lucien Graux (1956), n° 111, où il atteint 725.000 francs, ayant été enrichi d’autographes intéressants (plan, traité, etc.).

19. Vente Gompel — 19 avril 1921 — 1.550 francs.

Maroquin chaudron foncé janséniste, dentelles intérieures, tranches dorées sur témoins, sous une enveloppe de demi-maroquin vert doublé de peau, dans un étui. Reliure de Blanchetière.

20. Vente Descamps-Scrive — 1925, n° 452 — 35.100 francs.

Maroquin grenat, filets sur les plats, dos orné, doublé de maroquin rouge, jeu de filets, tranches dorées sur témoins, couverture verte complète (Marius Michel).

Joint : une lettre autographe de Flaubert à un journaliste.

21. Vente Dr P. Portalier — décembre 1929 — 16.500 francs.

Maroquin vert olive, encadrement de trois filets dorés, doublé de maroquin rouge, gardes de moire verte, dos orné, tranches dorées sur témoins, 1er plat de la couverture conservé, reliure de Canapé.

22. Catalogue Blaizot, n° 268, janvier 1932.

Maroquin vert foncé, encadrement de filets avec motifs mosaïqués en maroquin rouge sur les plats, dos orné et mosaïqué, 5 filets intérieurs, doublure et gardes de moire, tranches dorées sur témoins, couvertures imprimées, reliure de Pagnant.

23. Vente du Président Mercier — 1937, n° 517 — 30.100 francs.

Demi-maroquin bleu, coins, dos orné de Mercier, non rogné, couvertures et dos conservés. Ce livre a été enrichi de lettres et documents importants.

24. Vente Bertaut — 26 mars 1945 (Carteret), n° 149 — 21.100 francs.

Plein maroquin brun décoré de bouquets stylisés sur les plats et aux angles. Tranches dorées, reliure de Kieffer. Exemplaire défraîchi auquel ont été jointes : une enveloppe autographe adressée à Théodore de Banville et des notes autographes de Flaubert.

25. Vente Giraud-Badin — 21 décembre 1950, n° 23 — 190.000 francs.

Maroquin mosaïqué doublé de Chambolle-Duru, tranches dorées sur témoins, couverture doublée et un peu restaurée.

Exemplaire orné d’une suite sur Chine de Boilvin, une suite avant lettre sur Japon de Fourcé, deux portraits de 11 aquarelles originales de Coindre.

Conclusion

Pour résumer cette énumération, parfois un peu monotone, nous dirons qu’à priori le nombre d’exemplaires décrits, soit 47 avec envoi et 25 sans envoi, montre l’inexactitude du chiffre de 50 vélin fort avancé par tous les bibliographes : Vicaire, Carteret et Dumesnil. Ce chiffre n’était au fond que la reproduction d’une affirmation de Noilly.

La maison Calmann-Lévy, que nous avons interrogée à ce sujet, n’a pas retrouvé dans les archives de Michel Lévy de documents probants. Quant au traité passé entre Flaubert et Michel Lévy le 24 décembre 1856, il était très large, puisque moyennant la somme globale de 800 francs il donnait le droit à l’éditeur, pour cinq ans, de publier Madame Bovary comme il le jugera préférable.

Nous pouvons donc dire qu’il y a eu vraisemblablement 50 exemplaires sur vélin fort mis à la disposition de l’auteur, tandis qu’au moins 25 autres étaient vendus en librairie.

Ce chiffre de 75 exemplaires sur grand papier est surprenant chez un débutant.

Fernand Vandérem, dans une de ses chroniques du Bulletin du Bibliophile, intitulée « Le problème des grands papiers », écrivait :

« Commercialement, pour la plupart des éditeurs, le grand papier ne compte pas, n’existe pas. On accorde quelques exemplaires sur grand papier aux auteurs tout à fait arrivés, pour leur faire plaisir. Mais c’est une faveur qu’on refuse d’office aux débutants.

» Les premiers ouvrages de Zola, de Daudet, de Loti, de Maupassant, de France, entre autres n’obtiennent qu’un tirage sur ordinaire et l’éditeur hausserait les épaules si ces écrivains obscurs lui parlaient de hollandes ou de japons.

» Peu à peu cependant, l’usage s’introduit en librairie d’accorder à tous les auteurs quelques exemplaires sur hollande, cinq, dix, quinze vingt-cinq au plus ».

Du reste, Flaubert, pour Salammbô, comme pour l’Éducation Sentimentale, n’a reçu que vingt-cinq exemplaires sur hollande (il le souligne dans plusieurs de ses envois) et l’inventaire que nous sommes en train d’établir pour ces deux livres, montre combien moins nombreux sont les exemplaires dédicacés.

Nous souhaitons à ce sujet que nos lecteurs nous viennent en aide, et nous communiquent les descriptions de tous les exemplaires sur hollande, de Salammbô et de l’Éducation Sentimentale dont ils auraient connaissance.

Nous tenons à rendre hommage à l’amabilité et à la compétence de tous ceux, bibliophiles, libraires et bibliothécaires, qui ont bien voulu nous renseigner et nous conseiller, et plus particulièrement : Mlle Marie Dormoy, conservateur honoraire de la Bibliothèque Littéraire Jacques Doucet ; Mlle Madeleine Charageat, conservateur adjoint au Musée Carnavalet ; Mlle Gabrielle Leleu, bibliothécaire honoraire à la Bibliothèque de Rouen ; M. Jacques Toutain-Revel, président des Amis de Flaubert ; M. René Dumesnil, le marquis du Bourg de Bozas, M. Robert Despreschins, M. Robert von Hirsch, le marquis de Montmort, M. Charles Vander Elst, M. Jacques Suffel, bibliothécaire à la Bibliothèque Nationale ; les libraires Georges Blaizot, Jacques Lambert, L. Lefèvre et C. Guérin, Édouard Lœwy, Nicolas Rauch, Raoul Simonson, Paul Van der Perre, et enfin M. Maurice Chalvet, à qui nous devons la description de précieux exemplaires qui n’ont pas connu le feu des enchères.

Auguste Lambiotte .

Sur l’indication précieuse de M. Lambiotte, précisons que les exemplaires numérotés 21, 22, 24, 25, 26, 27 et 31 à 37, soit treize exemplaires, ont été distribués par Flaubert dans la région rouennaise. Ces exemplaires n’ont jusqu’ici pas été retrouvés. Il y a matière à recherches ; ces recherches seront les bienvenues.


 

Bibliographie

(1) Correspondance de Gustave Flaubert ; 9 volumes (Couard, 1926-1933).

(2) Correspondance de G. Flaubert. Supplément par R. Dumesnil, Jean Pommier et Claude-Digeon ; 4 vol. (Lambert-Conard, 1954).

(3) Bulletin des Amis de Flaubert.

(4) Antoine Albalat. Gustave Flaubert et ses amis. (Plon, 1927).

(5) René Descharmes. Flaubert avant 1857 (1909).

(6) R. Dumesnil et Descharmes. Autour de Flaubert (1912).

(7) Maxime Du Camp. Souvenirs littéraires (Hachette 1882-1883, 2 vol.).

(8) Dumesnil et Demorest. Bibliographie de Gustave Flaubert (1939).

(9) Léon Letellier. Louis Bouilhet (1919),

(10) Albert Thibaudet. Gustave Flaubert (Gallimard 1935).

(11) Francis Ambrière. Le service rouennais de Madame Bovary –Mercure de France, 15 novembre 1937 et 1er août 1938.

(12) Manuel de l’amateur de livres du XIXe siècle, par G. Vicaire, tome 3.

(13) Le Trésor du Bibliophile, par L. Carteret, tome 1.

(14) Annuaire des Ventes de livres de Léo Delteil ; 12 vol. 1918 à 1931.

(15) Brécourt. Ventes de livres 1933-1934.

(16) Annuaire général des ventes publiques ; 2 vol. 1941-1942 et 1942-1943.

(17) Guide du Bibliophile et du Libraire, par E. de Grolier ; 5 vol. 1942-1951.

(18) Bulletin Morgand.

(19) Répertoire Morgand.

À propos des Exemplaires de Madame Bovary dédicacés à la famille Senard (Baudry-Bergier)

Au hasard de nos recherches, à la suite du travail de M. Lambiotte sur les Exemplaires dédicacés de Madame Bovary, dont ci-dessus le texte, nous avons eu sous les yeux l’article suivant paru dans le « Nouvelliste de Rouen » du 22 novembre 1891.

On a vendu jeudi à Bordeaux la bibliothèque de l’ancien Conseiller à la Cour, Bergier, dont nous avons raconté le suicide à la suite de pertes en Bourse.

M. Bergier était le gendre de Me Senard, ancien président de la Constituante ; le grand avocat rouennais était fort lié avec Flaubert, et son gendre avait hérité de lui diverses éditions originales du romancier.

On signale celle de Madame Bovary avec cette dédicace « À mon ami très cher, le seul qui vienne me voir dans ma solitude rustique. L’auteur indigne, G. Flaubert », vendu 342 francs ; l’édition originale de Salammbô avec cet écrit : « À mon petit père, son vieux Flaubert », vendue 301 francs ; une autre édition de Salammbô contenant une lettre autographe de Flaubert, sur papier azuré, probablement adressée à M. Senard, lui signalant un article paru dans La Liberté (sous la signature de George Sand), très élogieux ; a été vendue 105 francs.

Nous avions cru avoir retrouvé l’exemplaire de Madame Bovary, dédicacé par Flaubert à son illustre défenseur, dans celui ainsi dédicacé comme dit ci-dessus « à mon ami très cher, le seul qui vienne me voir dans ma solitude rustique… ».

Mais M. Lambiotte, plus savant que nous, nous a fait observer que :

« L’exemplaire de Madame Bovary qui se trouvait dans la vente Bergier, n’est pas l’exemplaire de Senard, mais bien celui d’Alfred Baudry, frère cadet de Frédéric Baudry, et c’est à Alfred Baudry qu’est adressée la dédicace dont vous me communiquez le texte.

» Il n’est pas étonnant que cet exemplaire se soit trouvé à la vente Bergier, car Alfred Baudry est mort avant son frère Frédéric et ce dernier avait épousé Lucile Senard. La fille de Frédéric Baudry avait, elle, épousé Bergier ; la femme de Bergier était donc la petite-fille de Senard.

» J’ignorais la dédicace que vous me donnez pour Salammbô (Lettre du 20 novembre…) ».

Nous transmettons donc tous ces précieux renseignements à nos amis lecteurs.