Les Amis de Flaubert – Année 1959 – Bulletin n° 15 – Page 60

Gustave Flaubert à la radio et à la télévision

I. À la radio Suisse

Mme Hélène Bataillard, une de nos fidèles adhérentes, demeurant à Lausanne, a bien voulu nous faire savoir que, les 29 janvier 1959 et 5 février 1959, elle a subi les épreuves de Échec et Mat. Il s’agissait de répondre, au cours de deux séances, à plusieurs questions (1ère séance, 10 questions ; 2e séance, 5 questions), sur le sujet suivant : Gustave Flaubert, sa vie et son œuvre.

Mme Hélène Bataillard a parfaitement répondu aux dix questions de la première séance. Elle a parfaitement répondu aussi aux trois premières questions de la seconde séance, mais a échoué à la quatrième question qui paraît avoir été celle-ci :

1° Lettre de Flaubert à une amie Mme Roger des Genettes et en date du 18 août 1872, où il s’agit « d’un livre qui va m’occuper pendant plusieurs années. C’est l’histoire de deux bonshommes qui copient une espèce d’encyclopédie critique mise en farce… »

2° Lettre de Flaubert à la même Mme Roger des Genettes et en date du 2 avril 1877, où il est écrit : « …Je crois qu’on n’a pas encore tenté le comique d’idées ; il est possible que je m’y noie, mais si je m’en tire, le globe terrestre ne sera pas digne de me porter ».

Quelle était cette œuvre et combien de chapitres comportait-elle ?

Mme Bataillard a parfaitement répondu.

« Que l’œuvre était Bouvard et Pécuchet ».

 » Qu’on ne pouvait indiquer le nombre de chapitres de l’œuvre, puisque celle-ci était inachevée et devait contenir — selon l’idée même de Flaubert énoncée notamment dans les deux lettres ci-dessus et encore plus dans une lettre écrite à Mme Juliette Adam, le 15 février 1880 — une véritable encyclopédie critique comprenant outre le roman proprement dit qui, inachevé à la mort de Flaubert (8 mai 1880) avait alors dix chapitres, tout d’abord plusieurs chapitres non encore rédigés (nombre, à l’évidence, inconnu), puis : Un Dictionnaire des Idées, un Catalogue des Idées Chic et un Sottisier.

Ce qui revient à dire que la réponse, en chiffres : nombre de chapitres de l’œuvre, était impossible à faire. La réponse était néanmoins : « L’œuvre, achevée ou non, devait avoir dix chapitres ».

Bienheureuse Radio qui sait mieux que Flaubert le nombre de chapitres d’une œuvre inachevée !

Mme Hélène Bataillard, ayant été éliminée, sur cette question, totalement du Concours, a fait appel de cette décision d’élimination qui la prive d’un beau voyage en avion de 10.000 kilomètres et d’un séjour de huit jours (le tout gratuitement, bien entendu) offerts par Radio-Lausanne et la Suissair.

Elle a été déboutée de son appel.

Mme Bataillard, avec la plus grande bienveillance, nous a dit néanmoins sa joie d’avoir eu à connaître, lors de ce Concours, plusieurs flaubertistes qui l’ont vraiment et à juste titre félicité de son courage. Nous l’en félicitons à notre tour.

Quant à notre Société, si elle peut aussi se réjouir que le grand nom de Flaubert soit porté sur les ondes, elle doit — n’est-il pas vrai — faire quelques réserves sur ces Concours Littéraires. Après plusieurs questions qui ne laissent place à aucune équivoque, surgissent d’autres questions beaucoup moins précises et presque toujours à double sens, ce qui permet aux « créateurs » ou aux « animateurs » de ces jeux publics de n’être jamais, en ce qui les concerne, ni échec, ni mat.