Le musée Flaubert de l’Hôtel-Dieu de Rouen

Les Amis de Flaubert – Année 1960 – Bulletin n° 16 – Page 66

 

Le musée Flaubert de l’Hôtel-Dieu de Rouen

Depuis 1957, le Musée Flaubert de l’Hôtel-Dieu de Rouen est sans Conservateur, le service de garde et de visite étant assuré par les soins, d’ailleurs très dévoués, d’une préposée, Mme Jabret.

Notre Société, saisie trop souvent par hasard, des visites qui ont eu lieu, notamment en 1957 et 1958, lors du Centenaire de Madame Bovary, s’est, à maintes reprises, faite la réceptionnaire et le guide de ces visites, heureuse évidemment de rendre service à de vaillants flaubertistes, mais tout de même un peu déconcertée par le silence des autorités dirigeantes en pareille matière (il s’agit de Flaubert !).

Par ailleurs, Mme Jabret, préposée, pour les raisons qu’elle a bien voulu porter à notre connaissance, a cessé ses fonctions à fin février 1960.

Depuis 1957, date de la démission de notre ami R.-M. Martin, qui fut longtemps le dévoué Secrétaire général de notre Société, celle-ci a attiré l’attention des autorités hospitalières et municipales sur cette question de conservation dont l’importance ne devrait échapper à personne et encore moins à ceux qui ont la garde, la conservation et l’entretien d’un Musée créé en 1923.

Lettres, démarches et visites n’ont donné aucun résultat.

Devant la situation de fait — janvier 1960, — le Président de la Société des Amis de Flaubert a cru devoir adresser à M. le Président de la Commission administrative des Hospices Civils de Rouen, la lettre suivante :

« Rouen, 26 janvier 1960.

» Monsieur le Président de la Commission Administrative

des Hospices Civils,

1, rue de Germont, Rouen.

» Monsieur le Président,

» Il a été porté à la connaissance de la Société des Amis de Flaubert, depuis quelque temps déjà, que la préposée actuellement au service du Musée Flaubert de l’Hôtel-Dieu de Rouen cesserait son service à fin février prochain, qu’elle ne serait pas remplacée, et qu’au surplus, le Musée Flaubert et de l’École de Médecine fermerait ses portes pour un temps indéterminé en vue d’une réfection et de réorganisation de ce Musée.

» Qu’il me soit permis, Monsieur le Président, de réitérer près de vous et près de MM. les Membres de la Commission Administrative des Hospices, les préoccupations, à ce sujet, de notre Société, puisque, d’une part, l’intérêt que notre Société porte à ce Musée est l’un de ses buts statutaires et que, d’autre part, la renommée qui s’attache à ce Musée intéresse au plus haut point nos adhérents et tous les flaubertistes du monde.

» À ce sujet, qu’il me soit permis aussi de rappeler respectueusement, que dès le départ de M. R.-M. Martin, qui fut Conservateur de ce Musée jusqu’en 1947, notre Société, par mon intermédiaire, s’est cru autorisée à saisir de la question, par l’obligeant intermédiaire de M. le Directeur des Hospices Civils, l’Administration Hospitalière.

» À ce sujet, deux lettres ont été envoyées par nous en dates respectives des 18 octobre 1957 et 24 décembre 1957 ; plusieurs entretiens les ont précédées, encadrées et suivies ; il n’est pas à notre connaissance que nos suggestions, faites à titre absolument objectif d’ailleurs et sans qu’il soit porté la moindre atteinte à la tutelle administrative, aient été suivies d’effets.

» Aujourd’hui, nos préoccupations à ce sujet demeurent les mêmes et vous ne m’en voudrez pas, Monsieur le Président, si, à nouveau, je me permets d’attirer votre bienveillante attention sur le Musée Flaubert et sur le rôle de notre Société, si, bien entendu, vous l’y autorisez.

» En effet le Musée Flaubert de l’Hôtel-Dieu a été complété par les soins, tout d’abord, de M. R.-M. Martin, qui fut non seulement le Conservateur du Musée, mais le Secrétaire Général de notre Société et eut l’occasion de recevoir en ses deux fonctions de nombreuses délégations.

» De plus, notre Société s’est trouvée mêlée à d’importantes réunions, manifestations et réceptions, conférences et autres, qui ont eu lieu précisément, au Musée Flaubert de l’Hôtel-Dieu et ont eu un retentissement indéniable.

» Par ailleurs, des dons ont été recueillis au Musée Flaubert de l’Hôtel-Dieu (notre Société et moi-même personnellement avons eu l’occasion de le faire) d’y participer, et le classement de ses objets s’est fait avec le concours de la Société.

» Enfin il n’est pas superflu de rappeler que trois Expositions, en 1950, 1952 et 1957, ont eu lieu au Musée de l’Hôtel-Dieu et organisées par les soins de la Société.

» Notre Société est très particulièrement désireuse de voir le Musée Flaubert ouvert comme il l’était antérieurement ; et au cas de réorganisation ou de réaménagement de ce Musée, elle se permet de rappeler au souvenir de l’Administration hospitalière son existence et ses activités.

» Elle se met à l’entière disposition de cette Administration dans le cas où le passé de notre Société, fondée en 1913, et le rôle qu’elle a pu jouer dans le mouvement flaubertiste seraient de nature à intéresser la Commission Administratives des Hospices.

» Qu’il me soit permis, Monsieur le Président, en terminant cette lettre, de réitérer que notre proposition de collaboration éventuelle ne doit diminuer en rien l’autorité de l’Administration hospitalière, puisque le Musée Flaubert fait partie intégrante de l’édifice hospitalier et que cette même offre de collaboration n’est faite exclusivement que dans un but d’illustrer une des plus grandes mémoires de la littérature française.

» Notre Société serait heureuse, le cas échéant, d’apporter à un réaménagement éventuel du Musée Flaubert toutes ses connaissances et

tout son bon vouloir.

» Dans l’attente éventuelle de votre réponse,

» Je vous prie d’agréer, Monsieur le Président, l’expression de mes

sentiments les plus distingués et dévoués.

Le Président : Jacques Toutain-Revel

 

À cette lettre du 26 janvier 1960, M. le Directeur du Centre Hospitalier Régional de Rouen a fait la réponse suivante :

CENTRE HOSPITALIER REGIONAL DE ROUEN

« Rouen, le 29 janvier 1960.

» Monsieur le Président,

» J’ai l’honneur d’accuser réception de la lettre que vous avez adressée le 26 janvier à M. le Président de la Commission Administrative du Centre hospitalier.

» Les questions dont vous voulez bien l’entretenir ont déjà été, pour la plupart, examinées par la Commission administrative.

Je ne manquerai pas, néanmoins, de remettre votre lettre du 26 janvier au Président de la Commission administrative, lors de la prochaine séance de celle-ci.

Veuillez agréer, Monsieur le Président, l’expression de mes sentiments les plus distingués.

Le Directeur.

 

Parallèlement à cette Correspondance, la Société des Amis de Flaubert envoyait à la presse le communiqué suivant :

À LA CONSERVATION DU MUSÉE FLAUBERT DE L’HÔTEL-DIEU
« La Société des Amicales de Flaubert,

» Attachée depuis de longues années au Souvenir du grand écrivain et de sa famille, a appris avec regret, que faute, semble-t-il, de personnel en assurant la conservation, la fermeture imminente et pour un temps indéterminé du Musée Flaubert et de l’École de Médecine à l’Hôtel-Dieu de Rouen.

» Ce Musée, créé en 1923, contient en ses neuf salles, plus de 1.500 objets (tableaux, estampes, meubles), dont beaucoup proviennent de dons, a été le théâtre d’importantes Expositions, manifestations et réunions et toujours été l’objet des visites de nombreux touristes.

» Au cas mis en avant de réorganisation intérieure, la Société des Amis de Flaubert émet le vœu que rien ne soit retranché des salles qui constituent actuellement le Musée et des objets exposés.

» La Société réitère à ce sujet ses offres et suggestions, émet le vœu que la Conservation du Musée soit effective et régulièrement assurée.

»  À l’approche notamment de la saison touristique, la Société des Amis de Flaubert s’autorise à souhaiter que dans une ville où le nom des trois Flaubert est demeuré particulièrement vivant, les Sociétés littéraires, artistiques et touristiques se joindront à elle pour obtenir le maintien intégral d’un des plus glorieux souvenirs de notre Cité ».

Ce communiqué a paru dans les journaux suivants :

Paris-Normandie, Liberté-Dimanche (avec un écho préalable paru le dimanche 24 janvier 1960), Tout-Rouen, Le Courrier Cauchois (avec un écho préalable paru le samedi 30 janvier 1960), Le Monde, Le Figaro Littéraire, Arts, Le Soir (Bruxelles).
Différentes lettres sur le même sujet ont été envoyées à M. le Maire de Rouen, M. l’Adjoint aux Beaux-Arts, M. Dusseaulx, adjoint ; M. le Conservateur du Musée des Beaux-Arts de Rouen ; la Société des Monuments Rouennais ; le Syndicat d’Initiatives. Et le Président des Amis de Flaubert a eu la possibilité de voir des personnalités ci-dessus pour les entretenir à ce sujet.

La seule indication recueillie à ce jour est qu’effectivement, l’administration hospitalière de Rouen aurait décidé la réorganisation à peu près totale de ce Musée (on parle même d’agrandissement) sans que nul — en dehors de quelques initiés — soit, semble-t-il, vraiment au courant de ces projets.

Il n’apparaît pas, tout au moins à ce jour, qu’on envisage même la nomination d’un Conservateur.

Notre Société n’a pas à tenir rigueur, bien sûr, de n’être point sociétaire, même à part partielle, de la vie même du Musée Flaubert. Ce qu’elle a fait pour la mémoire et l’œuvre du grand écrivain et de sa famille, l’activité qu’elle a pu déployer, comme rappelé ci-dessus, au Musée de l’Hôtel-Dieu, l’enrichissement Indéniable de ce Musée par les mains de la Société, n’ont pas à entraîner la moindre mansuétude, mais qu’on le veuille ou non, elle est le trait d’union tout naturel — c’est d’ailleurs un de ses buts statutaires — entre ce qui reste de la demeure des Flaubert et l’ardente piété que témoignent envers cette demeure tous ceux (et ils sont nombreux aussi bien de France que de l’étranger) pour lesquels la présence de Flaubert signifie tout de même quelque chose.

C’est dans ce but qu’elle a cru devoir intervenir. Elle réitère ici que son souhait le plus cher (et nous voulons croire que cette pensée sera tout de même favorablement accueillie) est que rien ne vienne interrompre le culte de la reconnaissance et du souvenir qu’on doit avoir envers un des plus grands noms de la littérature française.

J. Toutain-Revel

                                                       des Amis de Flaubert

 

Correspondance. — Notre article était déjà composé quand nous avons reçu, en date du 26 février 1960, la lettre suivante :

CENTRE HOSPITALIER RÉGIONAL DE ROUEN

« Rouen, le 26 février 1960.

» Monsieur le Président,

» La Commission Administrative du Centre Hospitalier Régional de Rouen, réunie le 17 février, a pris connaissance de votre lettre du 26 janvier.

» Elle partage votre opinion sur l’intérêt que présente pour notre ville le Musée Flaubert et d’Histoire de la Médecine.

» Une Commission spéciale le visitera très prochainement, et en vous remerciant de votre excellente offre de collaboration, je ne manquerai pas de vous tenir au courant des mesures que nous envisageons en faveur de ce Musée.

» Veuillez agréer, Monsieur le Président, l’expression de mes sentiments les plus distingués ».

Le Maire de Rouen

Président de la Commission Administrative

du Centre Hospitalier Régional.

Terminons cette information en précisant que notre Société sera toujours heureuse « d’être tenue au courant des mesures que nous envisageons en faveur de ce Musée ».

Elle souhaite vivement la nomination d’un Conservateur.