Les Amis de Flaubert – Année 1961 – Bulletin n° 19 – Page 59
Poème de jeunesse
Par Gustave Flaubert
Un Dimanche arrêté devant la Madeleine
Je regardais la foule au dedans se presser
Il semblait à la voir recueillie sereine
Qu’à la source de vie elle s’en vint puiser.
Je ne sais pas pourquoi je me mis à la suivre
Mais oubliant le but qui m’attirait ailleurs
J’entrai dans une enceinte où l’âme se délivre
Des choses de la terre et des vieilles douleurs.
Quand on eut dit la messe et que du saint asyle
Le peuple s’en alla, je ne le suivis pas
Seul, je me promenai le long du péristyle
N’entendant pas le bruit que l’on faisait en bas.
Il me vint à l’esprit chose étrange sans doute
Qu’à tout je m’oubliais dans l’incrédulité
Que j’avais pris peut-être une mauvaise route
Et que si je souffrais je l’avais mérité.
Les rayons du soleil illuminaient les dalles
Mon œil se dilatait plein de sérénité
Il me semblait sortir des ténèbres fatales
Où depuis { si longtemps } le doute m’a jeté.
{ que je vis }
Pendant que du Seigneur je regardais l’église
Pensant que son appui peut-être m’eût sauvé,
Un œuf d’oiseau tombé des festons de la frise
S’ouvrit près de mes pieds brisé par le pavé.
Je ne sais pas pourquoi cela navra mon âme
Mais je sentis au cœur comme le froid acier.
De l’espérance en moi soudain mourut la flamme
Et du temple désert je sortis sans prier.
G. F.
Ce poème a figuré, voici quelques années, au Catalogue d’un grand marchand d’autographes parisien, sous la mention : « Poème de jeunesse de G. Flaubert » – ce que l’écriture confirme nettement.
Mais À QUELLE DATE le poème a-t-il été écrit ? Et de quelle Madeleine s’agit-il ? Car il en est une à Paris que Gustave Flaubert eût pu fréquenter pendant son séjour à Paris (Novembre 1841 – Décembre 1843) et une à Rouen qui, toute proche de l’Hôtel-Dieu, était la paroisse de la famille Flaubert, et qui toutes les deux ont un péristyle et un fronton Grecs.
Simple curiosité du point de vue littéraire, il n’en apporte pas moins une nouvelle preuve de l’importance que le problème religieux avait déjà pour le futur évocateur de Saint Antoine
Le texte de ce poème nous a été communiqué par M. Gaston Bosquet que nous remercions vivement.
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