Nécrologie d’Edmond Ledoux

Les Amis de Flaubert – Année 1962 – Bulletin n° 20 – Page 41

 

Nécrologie

Edmond Ledoux

Quoique n’appartenant plus à notre Société depuis plusieurs années, mais lisant toujours notre Bulletin avec infiniment de plaisir, M. Edmond Ledoux est décédé en novembre dernier, à l’Hôtel-Dieu de Rouen, où il avait été transporté trois semaines auparavant.

Originaire de Neufchâtel-en-Bray, où ses parents étaient commerçants, cet octogénaire avait d’abord commencé des études de droit et ensuite de médecine, qu’il avait dû interrompre pour des raisons de santé, puis par la guerre de 1914.

Il y a une cinquantaine d’années, il avait été stagiaire à l’étude notariale de Me Ozanne, apparenté au Dr Franklin-Grout, le second mari de la nièce de Flaubert. C’est à cette époque que commença sa passion flaubertienne, qui devait durer jusqu’à l’heure de sa mort. Il a donc réuni, au cours de sa longue vie, une documentation unique sur les articles consacrés à Flaubert et à ses amis, que la Société a eu la sagesse d’acquérir, pour qu’elle soit conservée, au profit de tous.

Lorsque M. Louis Bertrand songea à se dessaisir de la Bibliothèque de Flaubert que lui avait léguée par testament Mme Franklin-Grout, il l’offrit à l’Institut de France. M. Ledoux s’efforça alors de la faire revenir à Rouen, ne fût-ce qu’à titre de dépôt. Depuis 1952, les 800 volumes restants sont exposés à la mairie de Canteleu, à quelques pas du pavillon de Croisset. La municipalité lui marqua sa satisfaction en le nommant conservateur de cette collection. Il s’y rendait, chaque jeudi, après-midi, avec une vive satisfaction. C’était pour lui un honneur mérité d’avoir été choisi.

Il avait aussi inventorié et daté la correspondance de Flaubert offerte à l’Institut de France par sa nièce, qui complète la collection de Lovenjoul, déposée à Chantilly et dont le catalogue imprimé vient de paraître.

M. Ledoux était l’un des plus fidèles habitués de la Bibliothèque Municipale de Rouen. Il y passait des après-midis entières, prenant sans arrêt des notes. Le souvenir de cette figure originale, à l’esprit fort indépendant, restera longtemps dans la mémoire de ceux qui la fréquentent habituellement.

Nous avions souhaité que ses héritiers, des cousins éloignés et âgés, offrissent ses papiers et ses notes à la Bibliothèque Municipale, répondant à un désir secret, malheureusement non écrit, du disparu. En les achetant, notre Société a eu un double but : les conserver et les faire revenir à la Bibliothèque qu’il a tant aimée.

Nous saluons donc avec une vive émotion et un profond regret le départ de ce chercheur rouennais, que des circonstances personnelles avaient un peu écarté de notre Association, mais dont la ténacité dans les recherches était discrètement admirée de tous. Une vie intellectuelle constamment dirigée vers l’œuvre de Flaubert est un exemple si rare qu’il méritait d’être rappelé dans ce Bulletin, voué à son étude.

 

André Dubuc