Les Amis de Flaubert – Année 1963 – Bulletin n° 23 – Page 32
Une lettre de Flaubert
(Amis de Flaubert)
On a vendu le 22 novembre 1962, une partie des autographes de la collection Alfred Dupont à l’hôtel Drouot dont une lettre de Flaubert, portant le n° 39, au catalogue. Elle était adressée à un cousin et envoyée de Paris, en 1856, année de Madame Bovary.
« …sache, ô Cousin, que hier j’ai vendu un livre (titre ambitieux) moyennant la somme de deux mille francs, et je vais continuer ! J’en ai d’autres qui suivront. L’année 1857 pliera sous le poids de trois volumes composés par ton serviteur, qu’il a « plaisir à composer lui-même » comme le lavement de Diafoirus… Le marché est fini, je paraîtrai dans la Revue de Paris pendant six numéros de suite, à partir de juillet. Après quoi je revendrai mon affaire à un éditeur qui la mettra en volume. Ainsi avant le jour de l’an j’aurai l’honneur de t’offrir un produit de ma muse. Je suis tellement assommé par le dit produit, à force de le relire, gratter et regratter, que je n’ai pas deux idées debout dans la cervelle. Mon copiste me fait des fautes superbes, il m’écrit « garçon de glace » pour « garçon de classe » et « légumes de l’Adriatique » pour « lagunes », bref je deviens idiot… Il ne me manque plus qu’« une paire de sabots et un écu de six francs » pour faire fortune. Car tu sais qu’on doit arriver dans la capitale (voir toutes les biographies des grands manufacturiers) avec une paire de sabots et un écu de six francs…
Autre chose que j’ai oubliée. Le futur millionnaire doit avant tout entrer dans la ville, visiter une chapelle de la Vierge, quelque part, et la prier de bénir ses entreprises commerciales… et… »
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