Les Amis de Flaubert – Année 1964 – Bulletin n° 24 – Page 50
Le père de Arsène Lupin et Flaubert
Maurice Leblanc (1864-1941), fils d’un armateur rouennais qui commerçait surtout avec l’Écosse, rapporta à René Trintzius (Journal de Rouen, 7 novembre 1933) ses souvenirs d’enfance :
— N’avez-vous pas connu Flaubert ?
— J’ai mieux connu Maupassant plus tard. Pourtant, le père de Flaubert avait accouché ma mère et le père de l’Éducation Sentimentale me faisait sauter sur ses genoux. Pour aller le voir, on prenait un extraordinaire bateau vert à étages qui s’appelait l’Union. Les vieilles gravures en représentent de semblables sur le Mississipi ou l’Orénoque. Un violoneux charmait les lenteurs de la traversée. Il fallait deux heures pour aller à la Bouille et le voyage de Croisset paraissait interminable. J’avais dix ans.
— Et que disait Flaubert à vos dix ans ?
— Les propos qu’il disait aux adultes m’intéressaient davantage. Un jour, à la Bouille, au restaurant déjà célèbre pour sa matelote d’anguilles, il se jeta comme le Brichot de Proust dans une cascade d’étymologie. À ce moment, ses recherches que Georges Dubosc a popularisées depuis, étaient préoccupation toute nouvelle. Et la belle voix de Flaubert nous parlait de hon et de har (bâbord et tribord) qu’on retrouve dans Honfleur et Harfleur, de Dieppedalle (de deep, profond et de dalle, vallée) et plus généralement de la désinence, telle qu’on la retrouve un peu partout. Flaubert devait trouver une joie immense à justifier ainsi, ce qu’il appelait son origine barbare.