Les Amis de Flaubert – Année 1965 – Bulletin n° 27 – Page 41
Sur Bouilhet
Le Nouvelliste de Rouen publia, le 22 octobre 1869, cet article, quelques mois après la mort de Louis Bouilhet :
« Un poète célèbre au théâtre, mort il y a peu de temps, a laissé, raconte Le Figaro, la plus grande partie de sa petite fortune — 80.000 F (or) environ — à un jeune homme qu’on croit généralement son neveu, mais qui pourrait bien être son plus proche parent.
Or, le poète avait deux sœurs, ses héritières naturelles, deux sœurs dévotes qui, tout en aimant beaucoup leur frère étaient désolées de ne pas le voir se livrer au genre de poésies qui a illustré Louis Racine et Jean-Baptiste Rousseau. Il était donc à craindre que les œuvres posthumes du poète — et notamment un drame dont on parle beaucoup et un très curieux recueil de pièces détachées — fussent condamnées au feu !…
Il était de même à redouter que les œuvres acclamées dudit poète n’eussent pas de longtemps d’éditions nouvelles, ce qui eût été un deuil pour les lettrés.
Mais le jeune légataire a spontanément offert aux deux sœurs d’échanger son legs en argent contre les propriétés littéraires du défunt.
Cette conduite est d’autant plus belle que le jeune homme n’a pas de fortune. Trouvez donc beaucoup de gens disposés à faire de tels sacrifices à la gloire de leur… oncle !
Heureusement, pour le jeune homme qu’un ami du poète — qui est lui-même auteur de deux romans fort connus — a reporté sur le légataire une grande partie de l’affection qu’il avait pour le testateur ».
Pour que le journal rouennais ait repris l’écho parisien, il doit y avoir quelque vraisemblance, quand on sait que le directeur du Nouvelliste était un familier de Flaubert, qui préfaça les Dernières chansons de Bouilhet. À un spécialiste de Bouilhet de nous en faire savoir davantage.