Les Amis de Flaubert – Année 1969 – Bulletin n° 35 – Page 42
Rousseau et Flaubert
Dans un opuscule publié par la Société de l’Histoire Littéraire de la France sur le colloque d’avril 1968, organisé par elle sur les éditions de correspondances (A. Colin Paris), nous avons relevé dans la communication de R. A. Leigh, sur celle de Rousseau (p. 21) :
« Rousseau, je l’ai souvent dit, et je m’excuse de le répéter ici appartient à la même famille d’artistes que Flaubert. Non seulement il y a une immense distance chez lui comme chez Flaubert, entre ses ouvrages de jeunesse et ceux de sa maturité mais même quand il était parvenu à la célébrité, écrire, pour Rousseau comme pour Flaubert, a toujours été un véritable supplice. On peut même dire que la célébrité a aggravé chez lui une certaine psychose de styliste, en créant dans le public une attente à laquelle il craignait de ne pouvoir répondre. Son style est une véritable conquête, une victoire remportée de haute lutte sur une matière ingrate. Et même cette éloquence sonore qui est un des styles de Rousseau, et qui nous donne parfois l’impression d’une facilité excessive, fut au contraire le plus souvent comme arrachée au prix de mille efforts et d’un travail acharné à un flot turbulent de mots et d’idées qui charriaient tout indistinctivement les trouvailles, comme les scories, les redondances, les tâtonnements, les inélégances, les rimes internes, les échos syllabiques, les répétitions de mots, les clichés, les fautes contre le rythme et contre l’harmonie, deux qualités que, comme on le sait, Rousseau prisait pardessus tout »
(Dr Ralph Leigh du Trinity College de Cambridge).