Les Amis de Flaubert – Année 1970 – Bulletin n° 36 – Page 42
Échos
Flaubert et Conan Doyle
Problèmes policiers inventés( ?) par Conan Doyle : cendres de cigarettes, taches de boue, direction du vent, heure où l’horloge s’est arrêtée, etc. ; avec ces données, on est prié de trouver ceci et cela.
Muller et Reboux, dans leur célèbre recueil parodique À la manière de… (Grasset 1910), n’ont pas manqué d’introduire un Conan Doyle dans leur galerie. Ils terminent leur abracadabrant pastiche par l’énoncé d’un problème sur quoi Sherlock Holmes a besoin de méditer longuement, et qui concerne un bateau de commerce : on connaît le gréement et le tonnage de ce bateau, on connaît la nature de sa cargaison, « il s’agit de trouver l’âge du capitaine ».
Pour cet énoncé, Muller et Reboux n’auraient-ils pas relu une lettre écrite par l’étudiant Gustave Flaubert à sa sœur Caroline, 18 mai 1841 ? « Un navire est parti de Boston chargé de coton ; il jauge deux cents tonneaux ; il fait voile vers le Havre ; le grand mât est cassé ; il y a un mousse sur le gaillard d’avant ; les passagers sont au nombre de douze ; le vent souffle N.E.E., l’horloge marque trois heures un quart de l’après-midi ; on est au mois de mai… On demande l’âge du capitaine »
Il est trois heures un quart de l’après-midi, parce que Flaubert a dû jeter un coup d’œil sur sa pendule au moment de tracer ces mots et que sa pendule marquait trois heures un quart, et on est en mai, puisqu’il écrivait à sa sœur le 16 de ce mois. Mais quelle récente lecture avait pu inciter Flaubert à cette fantaisie ?
Gérard-Gailly.