Les Amis de Flaubert – Année 1974 – Bulletin n° 45 – Page 41
Une lettre de Caroline durant la guerre de 1870
Grâce au Dr Dollfus de Lyons-la-Forêt, bien connu pour son dévouement à l’égard des sociétés culturelles, nous avons pu avoir connaissance d’une lettre adressée à des membres de la famille Levert, qui la conservent. Jusqu’à sa mort, quand elle venait en Normandie, elle s’arrêtait chez eux, pour maintenir une vieille amitié. La lettre dont il s’agit a été adressée à Mme Lemarié, 71, rue Beauvoisine à Rouen, qui venait de perdre son mari.
49, Oakley Street Chelsea, Londres
Dimanche 4 décembre 1870.
Chère Madame,
J’ai appris par mon mari la perte douloureuse que vous venez de faire.
Je vous plains du fond du cœur, pauvre madame, que ce doit être affreux de voir mourir celui avec lequel on a passé toute sa vie ! Depuis longtemps la santé de votre cher mari était bien mauvaise. Mais je suis sûre que vous croyiez le conserver encore de longs mois. Le coup a dû être pour vous bien terrible, je vous le répète.
Chère madame, je vous plains bien sincèrement et je sympathise à vos regrets. Monsieur Lemarié était un de ces hommes qu’on n’oublie pas ; mon mari et moi conserverons toujours de lui le meilleur souvenir. Nous avons passé de bien agréables moments avec lui et vous ; je regrette hélas ! qu’ils ne puissent plus se renouveler.
Ainsi que vous voyez, je suis loin des miens, j’ai quitté Dieppe à peu près au même moment que Marie, mon mari l’a désiré. J’ai obéi, mais mon exil dure bien longtemps. Quand finira-t-il et dans quel état retrouverai-je notre pauvre pays ?
Je vous prie de bien vouloir présenter mes plus affectueuses amitiés à Monsieur et Madame Hazard. Quand vous écrirez à Marie, dites-lui que je pense à elle souvent.
Adieu, bonne et chère madame, recevez l’assurance de mon respectueux attachement.
Votre tante dévouée
Cne Commanville.
Mme Hazard dont il est question dans cette lettre était née Lemarié ; son père était bâtonnier et son mari avocat. Elle était l’arrière-grand-mère de M. Jean Le Vert, président à la Chambre des Comptes, qui a fort bien connu la nièce de Flaubert et qui conserve cette lettre.