Mulot, un ami de Bouilhet

Les Amis de Flaubert – Année 1976 – Bulletin n° 48 – Page 39

 

Un ami de Bouilhet

Le 18 février 1880, quelques mois avant Flaubert, mourait Pascal-Désiré Mulot, enlevé rapidement par une péripneumonie. Il était le fils d’un modeste employé des Douanes. Il était né à Rouen et y mourut sans avoir quitté la ville.

Pendant près de quarante ans, il fut employé chez un marchand de vin du nom de Bertheaume. Son aménité parfaite et la droiture de son caractère lui avaient acquis l’estime générale et lui avaient permis, malgré son peu d’instruction générale, de parvenir à un emploi flatteur. Pascal Mulot était, à ses heures, un poète sage de vrai mérite et l’ensemble de ses ouvrages aurait mérité un volume si les recueils de poésie comme ceux d’aujourd’hui ne connaissaient guère de souscripteurs ni d’acheteurs. Il avait été un ami de Bouilhet et l’une de ses dernières sorties, huit jours auparavant, avait pour but le monument projeté de ce poète ou plutôt la fontaine qui se trouve près de la bibliothèque municipale, dont Bouilhet avait été directeur de 1867 à 1869. Le président du comité était Gustave Flaubert.

Mulot était également très lié avec le docteur F.-A. Pouchet, qui rompit des lances avec Pasteur à propos des générations spontanées très controuvées alors, mais qui, avec le temps, sont revenues en faveur depuis quelques années. Le Journal de Rouen, du 19 février 1880, rappelle à sa mort l’amitié qui liait Mulot à Pouchet : « Dans le temps même où le hardi défenseur des générations spontanées tenait attentive l’Europe savante, par ses belles expériences, alors que toutes les réactions s’acharnaient contre l’infatigable investigateur de la formation des êtres, et quand Pouchet allait peut-être s’attrister de l’injustice des uns et de l’indifférence des autres, il reçut une lettre timbrée de Rouen : c’était la belle écriture de Pascal Mulot. Elle contenait cette pièce de vers :

La Vérité

La Vérité marche en silence.

Elle a ses heures de sommeil

Mais elle songe à qui l’offense

Quand vient le temps de son réveil.

Elle est plus froide que la pierre

Elle est plus forte que l’airain,

Au-dessus du siècle en poussière

Elle dresse un front souverain.

Colomb, Pascal et Galilée

L’annoncèrent à nos aïeux.

Ceinte d’une robe étoilée

Newton la surprit dans les cieux.

Elle parle avec le prophète

Elle souffre avec le martyr

Et sur la Lyre du poète

Sa noble loi sait retentir.

Elle apparaît pleine de gloire

Après de justes outrages

Elle déroule dans l’histoire

La liste de ses forfaits cachés.

Noirs conseillers de tyrannie

Elle expose pour vous punir

Vos noms couverts d’ignominie

Aux longs regards de l’avenir.

La Vérité marche en silence

Elle a ses heures de sommeil.

Mais elle écrase qui l’offense

Quand vient le temps de son réveil.

Pouchet éprouva une telle joie de la pièce qu’il voulut aussitôt réunir une dizaine de ses amis, auxquels il en fit la lecture. »

D’autres poésies de Mulot ont paru dans la Revue de Normandie et dans le Pommier, almanach qui eut quelques années d’existence.