Les Amis de Flaubert – Année 1981 – Bulletin n° 59 – Page 43
Vie de la Société
Nécrologie
Grâce à une étudiante hongroise venue en France pour mettre au point une thèse sur George Sand et qui vint en août dernier à Rouen, pour connaître le pavillon de Croisset, ultime reste de l’habitation de Flaubert, nous avons appris la mort à Budapest de M. Giergai, l’un des meilleurs connaisseurs européens de l’œuvre de Flaubert. Il enseigna longtemps la littérature française à l’université de Budapest, la ville où il passa la plus grande partie de son existence. Il était âgé de 85 ans et continuait à s’intéresser de près à notre bulletin.
II avait traduit la plupart des romans de Flaubert dans sa langue natale. II a donné dans notre bulletin plusieurs articles dont l’un sur Flaubert et le philosophe Spinoza. C’est également lui qui a écrit le long article sur Flaubert dans le dictionnaire Encyclopedia Universalis. La France était vraiment sa seconde patrie.
Jeune étudiant, il avait connu la France d’avant 1914. N’ayant pu rentrer dans son pays au début de la guerre, il connut la même aventure que tous les hommes des nations belligérantes qu’ils aient été Allemands, Autrichiens, Hongrois. Il passa ainsi les quatre années de la guerre dans un camp assez libre du Midi de la France où il continua ses études. Il en avait conservé un bon souvenir, ce qui lui avait sans doute donné ce caractère calme devant les événements. Depuis 1945, il avait pu venir deux ou trois fois à Rouen voir quelques-uns de ses étudiants qui avaient fui la Hongrie après 1956. C’est alors que nous l’avons connu à la bibliothèque de Rouen, penché sur les manuscrits de Flaubert. Avec Lucien Andrieu, nous l’avions conduit dans tous les lieux flaubertiens, ce qui l’avait touché. Nous nous rappellerons toujours de sa venue au Cimetière monumental où il avait pris une pensée sauvage poussée sur la tombe de Flaubert qu’il cueillit délicatement et mit pieusement dans son portefeuille. De tels gestes émeuvent. Il avait conservé la grâce de la Hongrie d’avant 1914 et il envoyait aux bibliothécaires femmes de la bibliothèque de Rouen qui l’avaient aidé, des fleurs en remerciement. Un jour, il m’avait confié qu’il regrettait beaucoup la vie viennoise d’avant 1914. Il devait appartenir à une des grandes familles de Hongrie.
Saluons donc bien bas son souvenir au moment de sa disparition. Il aimait profondément sa patrie, était un fervent francophile et un grand connaisseur de la langue française et de ses romanciers. La nouvelle de sa mort affectera tous les flaubertistes à travers le monde.