Les Amis de Flaubert – Année 1982 – Bulletin n° 60 – Page 42

Une interview de Maupassant.

La nouvelle maison d’édition Thot réimprime un livre introuvable, paru en 1891, dont le titre est Enquête sur l’évolution littéraire. Son auteur est Jules Huret, journaliste à l’Écho de Paris, qui proposa à son directeur Valentin Simond de donner des articles avec des entretiens chez les meilleurs littérateurs d’alors. C’est ainsi que Jules Huret rencontra Maupassant, d’ailleurs difficilement car ce dernier avait des migraines violentes. Paris lui pesait et il devait partir le lendemain pour la Côte d’Azur. Maupassant avait dépassé la quarantaine et il ne lui restait plus que quatre ans à vivre.

Il lui disait : « J’écris quand cela me fait plaisir, mais en parler, non. Je ne connais plus, d’ailleurs, aucun homme de lettres : Je suis resté bien avec Zola, avec Goncourt, malgré ses Mémoires. Je les vois rarement d’ailleurs ; les autres jamais, je ne connais que Dumas fils, mais nous ne faisons pas le même métier… et nous ne parlons jamais littérature… Il y a tant d’autres choses !… »

L’évolution de sa maladie finale commençait à se manifester lourdement, il n’y avait plus pour lui que le yachting à cause de la solitude sur une mer au climat plus clément que les bords de la Manche et qui l’intéressait de plus en plus. « Tenez, la preuve que je ne vous mens pas, c’est qu’on est venu il n’y a pas si longtemps m’offrir l’Académie… On m’a apporté vingt-huit noms sûrs, j’ai refusé, et les croix, et tout cela ; non vraiment, je ne m’y intéresse pas. »

Avis de lassitude en somme, lent retrait du monde littéraire, mais aussi conformité d’opinion avec ce qu’il avait vu et entendu au cours de sa vie et qui l’avait maintenant déçu.