Les Amis de Flaubert – Année 1983 – Bulletin n° 63 – Page 17
Religion et foi dans l’œuvre de Guy de Maupassant
« La religion m’attire beaucoup, car parmi les c… de l’humanité celle-là me semble capitale, c’est la plus large, la plus multiple et la plus profonde », écrit Maupassant à Flaubert en 1878. Était-ce une conviction profonde, ou une simple boutade adressée à un maître à penser dont il connaît tout le scepticisme religieux ? Quoi qu’il en soit, son expérience personnelle, et la récente histoire de la France républicaine sont pour quelque chose dans l’attitude de Guy. La République des Ducs, cléricale et réactionnaire est, en 1877, en train de rendre l’âme, les élections d’octobre causées par le coup d’État manqué du 16 mai s’approchent, et dans un ultime sursaut le régime d’Ordre Moral, qui prépare une restauration monarchique dans une ambiance de pèlerinages à Lourdes, à la Salette, à Paray-le-Monial et ailleurs, tente d’endiguer la vague républicaine. Un mois avant le scrutin, Maupassant, dans une lettre à Flaubert, s’exprime : « Ô Radicaux… délivrez-nous des sauveurs et des militaires qui n’ont dans la tête qu’une ritournelle et de l’eau bénite. » Et pourtant, un an plus tard, en octobre 1878, dans une lettre à sa mère, il constate que Mac Mahon, le « vaincu glorieux mais stupide qui tient nos destins », malgré une Assemblée hostile, est toujours à la Présidence de la République. Et « ce Bayard des temps modernes » — l’expression est de Flaubert — Maupassant la lui emprunte — écartant Léon Gambetta, a formé un ministère autour du très modéré Dufaure, et ne donne aucun signe de vouloir se démettre de ses fonctions discréditées. Et pourtant Pascal Pia (1) parle de Maupassant et de son « accord facile » avec le monde où il a vécu, et conclut : « Tout donne à penser qu’il n’avait jamais souffert d’avoir à vivre dans une France imbue des principes de l’Ordre Moral. »
C’est au petit séminaire d’Yvetot (« on sentait la prière là-dedans comme on sent le poisson un jour de marée », écrit-il plus tard dans Une Surprise) que Guy a connu d’abord la religion, plus précisément « la messe froide de chaque matin, les méditations, les récitations d’évangile ». Il n’y reste pas longtemps, renvoyé pour « irréligion et scandales divers » (lettre à Flaubert, 17 octobre 1879). Dans ses œuvres de jeunesse, il ne manquera pas de se moquer d’église, de religion, de curés : le contraire eût été étonnant. Dans bon nombre de ses contes et romans, il évoque avec une ironie teintée d’amertume ces pensions où l’on « donne de la Foi chrétienne comme de l’histoire et de la musique » (L’Angélus). Et le jeune fonctionnaire s’amuse à mettre sur sa carte de visite : « Attaché au Cabinet de l’Instruction publique, des Cultes, des Beaux-Arts, chargé spécialement de la correspondance du Ministre et de l’Administration des Cultes. »
« Hier j’ai fini ma lecture du Catéchisme de persistance par l’abbé Gaume (2). C’est inoui d’imbécillité », lui écrit Flaubert en 1879, au moment où, pour préparer Bouvard et Pécuchet, il se documente sur les sectes et religions. La fréquentation de l’ermite de Croisset ne fera qu’exacerber, sans doute, chez son jeune protégé un fond de scepticisme déjà bien affermi envers toutes les « arguties théologiques et vaines disputes » (Le Docteur Heraclius Gloss). « Et l’encyclique du Saint-Père, qu’en dites-vous ? » lui demande Flaubert. On se rappelle qu’à Pie IX, auteur du Syllabus errorum (1864) avait succédé Léon XIII : on espérait de lui une attitude plus accueillante envers le modernisme, mais son Aeterni patris allait tomber comme une douche froide en 1879 (3). Qu’en pensait donc Guy depuis deux mois attaché au cabinet d’Agénor Bardoux à l’Instruction publique ? Pas grand’chose sûrement si l’on en croit Pierre Cogny pour qui Maupassant « ne croit ni ne nie et (il) n’a de la question que les très vagues notions qu’il pourrait avoir sur le bouddhisme ou sur la religion musulmane » (4). Certaines pages de ses écrits de voyage pourraient sembler donner raison à M. Cogny : les musulmans qui observent le Ramadan sont « sauvagement fanatiques et stupidement fervents » (Au Soleil) et les pèlerins à Kairouan en Tunisie, quant à eux, se livrent en aveugle à des marabouts « tantôt exaltés, convaincus, tantôt purs saltimbanques exploitant la bêtise et la foi des hommes » (La Vie errante).
On a parfois dit que l’art de Maupassant est intimement lié à sa prédilection pour les formes courtes — contes et nouvelles — choix qui le dispensait de l’obligation de subordonner l’inspiration du moment à une conception philosophique plus large et plus consistante. Ceci aurait eu pour lui tous les avantages, lui permettant de donner tour à tour dans le genre sentimental, burlesque, nostalgique, surnaturel, et donnant ainsi à son œuvre un aspect plus varié, moins doctrinaire et systématique que celle d’un Zola, d’un Flaubert. Si cela est vrai, les constantes, les réseaux d’images et thèmes de prédilection que révèle une lecture attentive de son œuvre, seront d’autant plus révélateurs (5).
C’est dans un recueil d’impressions de voyage que Maupassant évoque son cœur « vieilli, empoisonné d’incrédulité », et du début jusqu’à la fin de son œuvre, la foi et la religion sont présentées sous un jour ironique sinon railleur : que ce soit chez la religieuse dans Boule de suif « cette foi dévorante qui fait les martyrs et les illuminés », ou, chez André Mariolle (Notre Cœur) pour qui la Providence n’est autre chose que « des alternances d’azur et de pluie dues au Hasard, maître sournois des jours et des hommes ». La religion « panthéiste » du Baron de Lamarre, père de Jeanne, « le laissait indifférent aux dogmes » (6), la foi béate de ce « disciple enthousiaste de Jean-Jacques » avec sa naïve croyance en « les lois sereines de la vie » et la bonté naturelle des hommes sera brutalement démentie par les événements. La foi de Mme Guilleroy, dans Fort comme la mort est tout aussi totale : elle croit en Dieu « sans aucun doute, ne pouvant admettre l’existence de l’univers sans l’existence d’un créateur » ; la confiance de l’abbé Marignan (Clair de lune) est aussi ferme, son finalisme aussi exempt de doute : « Tout lui paraissait créé dans la nature avec une logique absolue et admirable. Les pourquoi et les parce que se balançaient toujours. » Dans les campagnes, la foi, si l’on en croit Maupassant, frise la superstition, les fidèles livrés à des « prêtres ignorants… pour qui Belzébuth est article de foi » (Une Vie).
Il faut bien sûr faire la part de l’hyperbole, et de ce que Louis Forestier appelle, à propos de contes comme La Relique « un agnosticisme parfois trop énorme pour être dangereux », mais il est certain que théologie et foi éveillent la méfiance de Maupassant. Il ridiculise volontiers un anthropomorphisme trop naïf dans les idées que l’homme se fait de son créateur : une page éloquente dans Sur l’eau, son journal de bord, tourne en dérision l’image d’un dieu « maladroit qui rate et recommence les premiers êtres, qui écoute nos confidences et les note, du dieu gendarme, jésuite, avocat ». C’est en général cette dernière conception qui prédomine chez les personnages créés par Maupassant. Si Dieu est pour la pauvre et quelque peu ridicule Anglaise dans Miss Harriet une sorte de « philosophe de village, sans grands moyens et sans grande puissance… toujours désolé des injustices commises sous ses yeux », le jeune écolier en Maupassant conçoit son Dieu « comme un maraudeur songe au gendarme, un prisonnier au juge d’instruction » (Une Surprise). Le thème du dieu « inclément et barbare » (Le Baptême), « irascible et formidable » (Sur l’eau) prend de l’ampleur au fil de l’œuvre. Jeanne, dans Une Vie, outrée par l’austérité et par le fanatisme de Tolbiac rejette « le dieu qui pouvait avoir de tels ministres », alors qu’un instituteur conçoit l’idée monstrueuse d’égaler la cruauté de Dieu en assassinant par un moyen particulièrement horrible les enfants dont il a la charge (Moiron). La dénonciation du créateur n’est nulle part plus véhémente que dans L’Angélus (1891) où l’abbé Marvaux prétend que le Christ même se laissa berner par son Père : « Le Christ doit être aussi une victime de Dieu ; il en a reçu une fausse mission, celle de nous illusionner par une nouvelle religion. » (7)
Sa façon de présenter rites et sacrements est très souvent simpliste voire caricaturale. Sensible toujours au profane qui se cache au cœur même du sacré, il savoure toute l’ironie de l’apothéose de Georges Duroy après son mariage sur les marches de l’église de la Madeleine : « Il lui sembla qu’il allait faire un bond du portique de la Madeleine au portique du Palais-Bourbon. » Son Dieu même semble donner sa bénédiction à un opportuniste émérite : « Sur l’autel, le sacrifice divin s’accomplissait ; l’homme-dieu, à l’appel d’un prêtre, descendait sur la terre pour consacrer le triomphe du Baron Georges du Roy. »
Le même cynisme colore le portrait qu’il nous donne des autres sacrements : le baptême — la trame de plusieurs contes l’atteste — n’est qu’un « rite obscur et barbare dénué de toute signification chrétienne » ; ainsi dans Le Baptême un nouveau-né meurt de froid dans une église glacée. Le manuscrit de Mont-Oriol contient une allusion, non retenue dans la version définitive, à la tradition dite des relevailles : Brétigny, en voyant sa maîtresse déformée par sa grossesse, évoque « l’être malade, impur, à qui l’Église ne permet plus d’être la marraine d’un nouveau-né avant d’être purifié » (8). Rien d’étonnant si la confession aussi soit vue d’un œil quelquefois narquois : Moiron, entre autres choses, est un traitement parodique du thème, l’instituteur-assassin berne tout son monde et évite la peine capitale par un mensonge devant son confesseur. Dans Une Vendetta la veuve Saverini, quant à elle « alla se confesser, et communia… avec une ferveur extatique » avant d’avoir sa terrible vengeance. La décision prise par Hautot père de se confesser directement à son fils à qui il avait fait du tort ( qui était de la famille, lui !), et non pas devant le « délégué de Dieu » a, certes, une simple logique. Quant au chroniqueur qui écrivait régulièrement dans les colonnes du Gaulois et de Gil Blas, très sensible à l’air du temps il dénonce plus d’une fois ce qu’il appelle le « droit de jambage moral » exercé de la chaire comme du confessionnal par « les prédicateurs en vogue » avec leur « puérile philosophie de confessionnal » (Galanterie sacrée, nov. 1881). Le qualificatif puéril est d’ailleurs celui que Maupassant emploie le plus souvent pour décrire la religion : Norbert de Varenne, le vieux poète désabusé dans Bel-ami, n’a que faire des religions « avec leur morale puérile et leurs promesses égoïstes », car la mort seule est certaine, dit-il. Et la ferveur des paysans à la messe de Noël est toute centrée sur « un gros enfant Jésus » dont la représentation « puérile » est à la mesure de leur naïve foi.
Quant au mariage, il s’agit, dans les contes rustiques du moins, de véritables noces et rarement de cérémonies religieuses ; en tant que sacrement, ce n’est ni plus ni moins qu’un prêtre qui autorise « en latin, avec une gravité pontificale l’acte solennel et comique qui agite si fort les hommes » (Sur l’eau). Et comme toujours Maupassant de dénoncer partout où il croit la trouver une casuistique qui permet, par exemple, que Georges Duroy se marie à l’église : comme Norbert de Varenne nous l’explique « pour l’Église, il n’était pas marié la première fois ». Compréhension — ou complaisance — qui fait singulièrement défaut dans l’attitude de l’Église envers les suicidés : dans Madame Baptiste on interdit un enterrement religieux à une femme qui, ne supportant pas la honte du viol, met fin à ses jours.
Il suffit finalement de lire les pages où Duroy flaire « le premier souffle de charogne » au chevet de Forestier mourant ; celle où Mme de Guilleroy pleure sa mère décédée ; des contes comme La Morte, Les Tombales (9), La Tombe (« Jamais ! jamais ! nulle part cet être n’existera plus ! ») pour se convaincre que pour Maupassant la mort, c’est « l’éternelle immobilité » (La Veillée). Et la prière ? Michèle de Burne a beau chercher « l’idéale présence du Consolateur divin » (Notre Cœur), et Yvette « quelque protection surhumaine, le secours mystérieux du ciel », la prière n’est qu’un vain et futile appel à « l’aide inconnue qu’on réclame aux heures de larmes et de désespoir » (Yvette).
Autant les conceptions de Dieu et les formes de la foi diffèrent autant les formes de pratique peuvent varier selon la situation sociale du pratiquant, son niveau de culture, son milieu. En nous donnant un portrait en somme assez juste de la pratique dans la société qu’il fréquente et connaît, Maupassant nous livre par la même occasion le fond de sa propre pensée, désabusée et amère. Son curé — que ce soit un Picot ou un Tolbiac — est toujours passé maître dans l’art de la casuistique ; plus il est laxiste, plus sa morale infiniment flexible le résigne facilement aux peccadilles de ses paroissiens, plus il a recours aux « stratagèmes », admis par l’Église. L’abbé Picot sait expliquer à Jeanne comment faire rentrer son mari dans la chambre conjugale délaissée, comment tromper sa vigilance pour que Jeanne se trouve enfin enceinte. La fin justifie les moyens : et, ajoute Picot, pour justifier son expédient, « L’Église ne tolère les rapports que dans le but de la procréation ». Argument de poids auquel n’hésite pas à recourir, elle aussi, une « vieille dévote » dans L’Héritage (« Notre Sainte Mère l’Église défend les mariages stériles ») pour encourager son fils à procréer, sans quoi il ne touchera pas son héritage. Tous n’ont pas besoin de ce genre de complaisance « où excelle quiconque porte un habit d’ecclésiastique » : la religieuse « couturée de petite vérole » et dont le portrait dans Boule de suif plut tant à Flaubert (lettre à Maupassant, 1880) ne s’embarrasse pas des « tâtonnements de la casuistique » ; car « L’Église absout sans peine ces forfaits quand ilssont accomplis pour la gloire de Dieu, ou pour le bien du prochain ». Elle donne sa bénédiction aux voyageurs de la diligence de Rouen : « Sa doctrine semblait de fer ; sa foi n’hésitait jamais », et, forts de la caution de l’Église, ils poussent la malheureuse patriote à se sacrifier sur l’autel de leur égoïsme. La vocation religieuse, dans ces conditions, n’inspire guère confiance : c’est « par dégoût des hommes » que la femme épouse Dieu (La Veillée), sa vocation simple compensation, comme chez l’Anglaise, Miss Harriet, à l’amour sensuel qu’elle n’avait point donné aux hommes. Chez l’homme, la pensée de Maupassant est à peine plus nuancée : si la vocation est au mieux suspecte (Après) (10), et le célibat du prêtre souvent un sujet de plaisanterie, toujours est-il que Maupassant (dans En Wagon, Le Baptême, Le Champ d’Oliviers) brosse des portraits parfois émouvants de la réalité du célibat. Ceci dit, on retient plutôt dans ces portraits un Picot, sa « nature grivoise de prêtre campagnard » qui interroge « avec une gourmandise d’homme qui jeûne » sa paroissienne sur ses déboires conjugaux, et toute cette « astuce inconsciente » que, selon Maupassant, « le maniement des âmes donne aux hommes les plus médiocres appelés par le hasard des événements à exercer un pouvoir sur leurs semblables ».
En général, la pratique religieuse paraît, dans son œuvre, l’apanage et le rite d’une certaine classe, de la « société rentrée, sereine et forte des honnêtes gens autorisés qui ont de la Religion et des Principes » (Boule de suif). Typique du genre, Mme de Méroul (L’Ami Joseph) soutient Pape et Monarchie « avec un dévouement héréditaire, avec un attendrissement de femme bien née ». L’alliance entre l’Église et le Château dans l’Ouest monarchique et catholique demeure forte, mais dans le beau monde parisien que Maupassant commence à fréquenter, le rôle de la religion est plus discret. Beaucoup « se fichent du bon Dieu comme d’une guigne » (Bel-ami) dans le Paris de 1883, mais la Duchesse de Mortemain, elle « protégeait le monde entier, les princes détrônés et même le Tout-Puissant par ses largesses au clergé et ses dons à l’Église » (Fort comme la Mort). Une bourgeoise de province, comme Mme de Guilleroy, promue à une brillante carrière parisienne, et qui avait pratiqué « avec nonchalance » jusqu’à son mariage, s’estime obligée, pour tenir son rang, de s’acquitter plus ostentatoirement de ses « obligations apparentes envers l’Église » en devenant « dame patronnesse de crèches nombreuses et très en vue ». Dans le demi-monde, il est possible, derrière une façade respectable de bonnes œuvres de pratiquer une vie de débauché (La Confession) ; ou bien on peut espérer, comme Mme Samoris, qui « reçoit les sacrements avec recueillement, de façon à ce qu’on le sache » faire oublier I’irrégularité de sa situation conjugale et faire marier avantageusement sa fille (La Baronne).
Rite d’une classe, ou d’un certain sexe ? On peut se le demander, car la religion, chez Maupassant fait vibrer surtout « la corde de poésie que toutes les femmes ont dans l’âme » (Une Vie). Pour elles, l’église, c’est un lieu de rendez-vous, ou du moins un endroit que l’on choisit selon ses préférences personnelles : pour Mme Walter, c’est la Trinité, rue de la Chaussée d’Antin (« cette église fumoir d’une religion du bon goût », écrit Huysmans dans L’Art moderne « devant laquelle on descend de voiture comme devant la porte d’un théâtre ») alors que Mme de Guilleroy préfère la nouvelle église de Saint-Augustin, boulevard Malesherbes, très fréquentée par une certaine bourgeoisie. Lieu d’assignation, hâvre de paix (L’Inutile beauté), Maupassant peut à juste titre demander dans Jour de Fête, « Si on ferme jamais les églises, où iront pleurer les femmes ».
Si dans la bonne société on croit « fermement », avec Mme de Guilleroy et redoute « vaguement », dans les campagnes, chez le paysan, la pratique répond à un respect absolu de l’autorité de l’Église. Ils accourent à la messe (Conte de Noël), « dociles au cri d’airain du clocher », et s’ils reçoivent leur Dieu, dit Maupassant, c’est « pour fléchir sa rigueur ». Cette foi paysanne, faite d’un mélange de superstition et d’agnosticisme, est un thème majeur dans les contes de la série des joyeusetés rustiques ; elle n’implique aucune morale chrétienne pratique (Les Sabots). Et pourtant, dans Une Vie, Jeanne, en révolte contre Tolbiac, s’attire la réprobation unanime des paysans qui tous « auraient reculé devant I’audace d’élever un enfant hors de cette loi commune ».
L’emploi fréquent dans les œuvres courtes d’un narrateur ou d’un porteur de vision qui offre son récit — un souvenir, un fait divers, un incident rapporté par un tiers — à l’appréciation de son auditoire, est intéressant à beaucoup d’égards. Son point de vue apparemment neutre, sa situation à la périphérie des événements qu’il peut juger ou commenter sans parti pris, peut sembler donner un certain poids à ses conclusions. II ne s’agit pas, chez les compagnons de Jules de Banneville (Un Réveillon) de ce « doute lâche qui pousse aux églises les hésitants » (Bel-ami). C’est, nous dit-on, parce que « cette messe de Noël est bien curieuse aux champs » qu’ils quittent le réveillon pour rejoindre les paysans à la messe de minuit. Malgré eux, cette manifestation collective de foi intrigue ces incroyants. Un docteur dans Conte de Noël, lui aussi, nie avoir « une crédulité d’Auvergnat » mais affirme l’efficacité de la foi, parce qu’il l’a vue de ses propres yeux : « Si je ne crois pas à vos croyances, je crois à la foi et je sais qu’elle transporte des montagnes » (11). Un cas de possession a été guéri devant ses yeux, la femme, dit-il, « hypnotisée, pardon ! vaincue par la contemplation de l’ostensoir ». Malgré un réflexe de doute, il est obligé d’accepter le témoignage de ses yeux.
Intérêt malgré lui pour les choses de la Foi chez Maupassant, ou une étude d’un de ces cas d’hypnotisme auquel, depuis qu’il fréquente les cours de Charcot à la Salpêtrière, il portait un vif intérêt ? Quoi qu’il en soit, Maupassant se passionne pour les controverses qui, sous une République dont la philosophie dominante est positiviste, opposent les tenants inconditionnels de la Science et ceux qui, au nom de la religion, semblent tourner le dos au progrès. Un Léopold Bonnin, dans Un Million (1882), élevé religieusement, pratique avec moins de régularité « depuis que la République tendait à la séparation de l’Église et de l’État », et pourtant il s’accroche à un reste de foi : « Je suis religieux, mais religieux à Dieu : je ne suis pas clérical ». Et Maupassant, soucieux de se distancer de l’un comme de l’autre camp, se moque d’une part des conceptions puériles de l’homme de son dieu, et d’autre part des prétentions des Positivistes de tout comprendre grâce au prestige de la Raison et de la Science. On a dit de La Peur que ce conte constitue, avec d’autres dans la série des contes du surnaturel « une critique implicite du Positivisme, de la chasse au mystère à laquelle savants, critiques et artistes se livrèrent avec acharnement » sous la République de Jules Ferry (12). Certes, pour l’auteur du Horla, l’invisible se cache toujours derrière le visible, l’irréel est présent au cœur même du réel : les points d’interrogation dans les titres de tant de contes (Un Fou ?, Lui ?, Qui sait ?) attestent cette ambiguïté du réel. Mais l’intérêt qu’il porte aux travaux de Charcot est corrigé par son scepticisme à l’égard de ceux qui. comme les adeptes de la nouvelle manie du magnétisme, tout en se déclarant « indifférents à toute religion », s’accrochent à « ce dernier reste de merveilleux ». Ils sont devenus « dévots à ce mystère », le défendant au nom de la science (Magnétisme). C’est le reproche que ferait un Positiviste de la plus pure orthodoxie, s’en prenant à l’homme qui, positiviste sur un plan, reste au stade « théologique » ou « métaphysique » sur un autre, et est donc en contradiction avec lui-même.
Avec l’avènement de la République, cléricalisme et anticléricalisme s’étaient opposés avec une virulence croissante ; déjà l’année 1870 avait vu, non seulement la Débâcle, mais, au Concile du Vatican, l’affirmation de la vérité essentielle, littérale, de la version biblique de la Création. Les rapports s’enveniment par la suite, sous Gambetta, et, en plein 1886, dans Mont-Oriol, Maupassant peut s’étonner qu’on puisse encore refuser une explication scientifique… de l’apparition « miraculeuse » de la source qui fera la fortune de l’affairiste Andermatt : « les dames Paille surtout, très dévotes, se demandaient si cette explication d’un phénomène ordonné par Dieu et accompli par ses moyens mystérieux n’avait pas quelque chose d’irréligieux ». Le journaliste et chroniqueur (13) autant que le conteur, au cours des années 80, reviendra à tout propos sur le débat science-religion. En 1881, pour les lecteurs du Gaulois, c’est un morceau sur l’Exposition au Palais de l’Industrie : l’homme résiste toujours à « l’explication mathématique de ses légendes séculaires, de ses poétiques religions », et Maupassant se moque des prétentions du positiviste qui affirme : « J’appelle hystériques les miraculées. Je raisonne, j’approfondis, je me sens délivré des superstitions (…) Le surnaturel baisse comme un lac qu’un canal épuise ; la science… recule les limites du merveilleux » (Adieu mystères, nov. 1881). Le narrateur dans Mon oncle Sosthène avait affirmé la même confiance (« Un temps, c’est un hommage à l’inconnu. Plus la pensée s’élargit, plus les temples s’écroulent »), mais la conversion in extremis du franc-maçon Sosthène par son ennemi le jésuite en dit long sur l’attitude de Maupassant envers la philosophie de ce narrateur-neveu qui est en quelque sorte le dindon de la farce dans l’histoire.
Il ne faut pas s’attendre à une parfaite cohérence dans la « pensée » de Maupassant sur des questions aussi spéculatives, mais il est certain que, malgré sa volonté très nette de brouiller les cartes, il réserve une ironie spéciale à l’école positive. Dans d’autres pages il cloue au pilori de leurs contradictions, avec la même hargne, dévots et bien-pensants, mais il profite aussi de l’occasion de la mort de Victor Hugo pour ridiculiser à nouveau « ces philosophes positifs pour qui les croyances ne sont qu’une question de logique, de science et de raisonnement » (Les grands morts, juin 1885). Et jusqu’à la fin de sa vie il montre la même circonspection à l’égard de la science, et insiste sur le caractère provisoire de ses découvertes, dont le seul mérite est qu’elles « jettent nos esprits vers des hypothèses d’une réalité précise et inattendue qui seront demain des croyances, remplacées plus tard par d’autres » (L’Empereur, juillet 1890).
Bien d’autres questions et controverses religieuses sont traitées, tantôt à fond, tantôt par ricochet, dans l’œuvre de Maupassant, le tout formant une documentation précieuse sur ses convictions propres, si tant est qu’il en avait, en matière de religion. Installé depuis fin 1878 à l’Instruction publique, Maupassant est bien placé pour suivre les réformes dans l’enseignement, et la levée de boucliers causée par Jules Ferry et par Paul Bert dans les milieux cléricaux au début des années 80. Le journaliste comme le conteur savoure les « conflits ineffables », les « luttes désopilantes » entre église et loge maçonnique, curé et instituteur. Il ne pouvait ignorer qu’à l’histoire sainte, enseignée par les prêtres, l’instituteur, ce hussard de la République, substituait l’histoire sainte de la République, avec prise de la Bastille, nuit du 4 août, Valmy, et les soldats de l’an 2. Déjà dans La Maison Tellier (1881) Maupassant plaçait « la maison de Dieu » et l’école communale aussi loin que possible l’une de l’autre, et, dans Une Surprise, l’église « à un bout du pays et la mairie neuve à l’autre ». Il faudra le prosélytisme d’une Anglaise avec son « petit livre de propagande protestante » et son « visage d’illuminée » pour mettre d’accord instituteur et curé : pour l’un c’est une « athée », pour l’autre elle est carrément « hérétique ». N’oublions pas aussi La Bête à Maît’ Belhomme, où l’histoire est construite autour d’un cas rare et comique d’une coopération entre ces « inapaisables rivaux ». La Confession de Théodule Sabot n’est qu’un de plusieurs contes inspirés par la lutte « secrète, acharnée, incessante » du curé retardataire et du libre penseur façon Troisième République. Un cortège (dans Madame Baptiste) rappelle au narrateur qu’une ville comme Loubin devait contenir « au moins une centaine » de ces derniers, et qui « se seraient fait un devoir de manifester au passage d’un enterrement, même civil ». Dans Conflits pour rire, mai 1882, il imagine les difficultés auxquelles seront confrontés les enseignants ; il demande, narquois, sur quelles bases asseoir cette fameuse instruction morale, sinon les références métaphysiques révoquées par les nouveaux dirigeants de l’éducation nationale. Quelle sera au juste cette « morale de nos pères » prônée par Ferry ? Sera-t-il interdit à l’instituteur de parler en classe de « ce recueil d’anecdotes merveilleuses qu’on appelle l’Ancien Testament ? » Et quand il apprendra « aux futurs électeurs à ne pas croire aux baguettes de coudrier des sorciers, leur racontera-t-il le miracle à la Rambuteau de Moïse produisant de l’eau par un moyen qui, aux termes de la Bible, ne semble guère anormal ? »
La fameuse loi sur la presse du 29 juillet 1881, et la virulence des polémiques que cette libéralisation déclenche et facilite, trouve un écho dans l’œuvre du conteur comme du chroniqueur. En pleine épuration républicaine, une « feuille radicale » dénonce « les méfaits du clergé », et ceci donne la trame du Protecteur (1884) ; cette guerre des presses alimente L’Ami Joseph et d’autres contes encore. Un notable mourrait sans « le secours de la religion » et « les mauvais journaux chanteraient victoire pendant six mois », note Maupassant dans Le Marquis de Fumerol. Le « prétendu dîner à charcuterie de Sainte Beuve » (Les Scies, fév. 1882), et dont le souvenir ne manque jamais depuis 1868 d’exciter la presse bien-pensante à l’approche du Vendredi saint, est le type de la vaine dispute sur laquelle Maupassant aime attirer l’attention de ses lecteurs. Mon Oncle Sosthène s’alimente à la même source, avec aussi une confrontation loufoque entre Jésuite et franc-maçon. On se rappelle que Maupassant avait en 1876 refusé de s’associer à la franc-maçonnerie (14), répondant à l’invitation de Catulle Mendès : « Je veux n’être jamais lié à aucun parti politique… à aucune religion ; je veux qu’il me soit permis d’attaquer tous les bons dieux et bataillons carrés. » Et on a vu qu’il préfère renvoyer dos à dos « expulseurs de jésuites à grand orchestre » comme « jésuites expulsés » (Enthousiasme et cabotinage, mai 1881).
C’est avec beaucoup plus de circonspection que Maupassant traite les rapports entre la bourgeoisie catholique et les juifs, qui ont conquis une place de choix dans le monde des affaires et dans la société parisienne : de cette réalité de l’époque il y a fort peu d’échos, si ce n’est dans le personnage de Mme Walter, femme d’un affairiste israélite. Si elle évite d’assister à la prise d’armes de Rival, c’est qu’elle « n’aidait avec son nom que les œuvres entreprises par le clergé », et donc ne peut pas s’associer à un spectacle qui pourrait avoir « une sorte de signification républicaine qui pouvait sembler anticléricale ». Les églises d’ailleurs jouent un rôle important dans sa vie, « lui sont bonnes à tous les usages », écrit Maupassant. « Elles la consolent d’avoir épousé un juif, lui donnent une attitude de protestation dans le monde politique, une allure comme il faut dans le monde distingué. » Le thème du mariage entre juif et chrétien refait surface dans Mont-Oriol : M. de Ravenel cède « sous la pression de l’or accumulé » et laisse sa fille se marier avec le juif — et affairiste, lui aussi ! — Andermatt… mais à la seule condition que les enfants soient élevés dans la religion catholique.
Dans les milieux qu’il fréquentait, Maupassant côtoyait cette société « rentée, sereine et forte, des honnêtes gens autorisés qui ont de la Religion et des Principes » décrite dans Boule de suif. Et son premier roman nous offre un document authentique sur les rapports entre château et autel dans une France encore catholique et royaliste. On sait que Georg Lukacz s’est interrogé, dans sa Théorie du Roman, sur « l’historicité » d‘Une Vie, roman écrit en 1883 et dont l’action est censée se dérouler en 1817, mais qui traduit trop fidèlement les réalités du temps où vivait et écrivait Maupassant (15). Il est certain que la collusion entre château et autel reste flagrante : « L’église et le château se donnant la main, la chaumière nous craindra et nous obéira », dit Tolbiac à Jeanne ; et la Marquise de Coutelier d’expliquer à sa jeune voisine les réalités sociales : il n’y a que des croyants et des non-croyants : « Les uns, même les plus humbles, sont nos amis ; les autres ne sont rien pour nous. » Tolbiac porte le drapeau de l’église, et « quiconque ne suit pas le drapeau est contre lui et contre nous ». Mais nous verrons que cette alliance est mise à rude épreuve par l’intolérance du curé, et, quand il lance malédictions et menaces contre le château, il se voit bientôt « détesté par toute la campagne ».
Par la même occasion, l’extrémisme de Tolbiac et le laxisme qui lui oppose Picot, traduisent le très réel débat dans l’Église entre intransigeants (« le danger pour eux est de confondre l’âpreté de la sécheresse avec la volonté de pureté ») et libéraux (« leur risque est de glisser du compromis à la compromission ») (16). Dans plus d’un conte (voir La Confession) des « principes très raides », si ce n’est « une intolérance complète », donnés dans une institution religieuse sont à l’origine de bien des malheurs. Une vieille bigote (La Veillée) inculque à ses enfants une « intraitable morale », une « religion sans faiblesse » : Son fils, un magistrat (« brandissant sa loi ») et sa fille, sœur Eulalie, apprendront sur son lit de mort qu’elle n’avait pas toujours été une mère exemplaire. À l’affût du moindre signe de cette raideur qu’il déteste, le chroniqueur se déchaîne à propos d’un sermon du père Monsabré qui défrayait la chronique parisienne en avril 1882 : « En pleine chaire de Notre-Dame, on a osé… faire l’apologie de l’Inquisition ! » (Notes d’un démolisseur, mai 1882) (17).
Que cette intransigeance en fût la cause ou la conséquence, peu importe ; la déchristianisation est fort avancée en France en 1880. Les détachés sont plus nombreux que les conformistes, même saisonniers, et les dévots se font rares. Les paysans ne reçoivent les sacrements qu’à Pâques « selon les prescriptions formelles de l’Église » (Une Vie). On célèbre les fêtes principales du calendrier, mais de façon fort peu dévote (Les Rois, L’Héritage).
La plus grande mansuétude — à moins que ce ne soient les abjectes compromissions — d’un Picot sont finalement plus réalistes. Il sait négocier les termes du contrat de mariage de Rosalie, tout comme l’abbé Raffin dans Le Père Amable. Il s’y connaît en finances, après tout, car, dans l’esprit du paysan normand « tout l’effort de la religion consistait à desserrer les bourses pour emplir le coffre du ciel — sorte d’immense maison de commerce » (Le Père Amable). D’ailleurs, voulant pour ses lecteurs du Gaulois « dépoétiser les grands sentiments », Maupassant se moque de la vie conventuelle, « l’enrégimentement de l’égoïsme qui se prive de tout en cette vie pour obtenir davantage dans l’autre » (Pensées libres, déc. 1881). C’est un peu gros, certes, c’est le ton persifleur de la chronique pour Gil-Blas, mais Maupassant tient à son idée au point de resservir le même plat, àpeine modifié, trois ans plus tard (Le Fond du cœur, oct. 1884), dans Gil-Blas précisément.
À travers les multiples situations que nous avons décrites, il est possible de conclure que Maupassant savoure surtout chez les religieux, et dans les choses de la religion, les contradictions, les rapprochements inattendus et comiques, la conjonction entre le sacré et le profane. Dans une lettre à sa mère, en 1881, il parle de « ma nouvelle sur les femmes de bordel à la première communion », et dans L’Armoire il nous donne une autre fille publique dont le fils fait sa communion. Mademoiselle Fifi combine les thèmes de la fille publique et de la religion, tout comme Boule de suif oppose la prostituée patriotique et les bien-pensants pour qui elle se sacrifie. Madame Samoris utilise comme appât pour son commerce malhonnête « un beau Christ » exposé dans un « boudoir pieux où brûlait une lampe d’argent » (La Baronne) ; le juif Walter fait venir le tout Paris pour voir son chef-d’œuvre, « Christ marchant sur les flots »… c’est le genre de paradoxe qui plaît à l’esprit ironique de Maupassant.
Pour conclure, évoquons brièvement le rôle essentiel des images et métaphores puisées dans le domaine religieux et qui se trouvent jusque dans les titres de contes. Certes l’art fut pour Flaubert un sacerdoce, et Maupassant d’évoquer dans un article sur lui ses plumes, son encrier qui étaient « comme les objets du culte pour un prêtre » ; quant au talent de Balzac « on ose à peine critiquer : un croyant oserait-il reprocher à son Dieu toutes les imperfections de l’univers ? » (1889). De Zola, il dira que c’est un révolutionnaire, mais « élevé dans l’admiration de ce qu’il veut détruire… comme un prêtre qui quitte l’autel, comme M. Renan soutenant en somme la religion ». Un personnage parfaitement à son affaire est comme « une dévote dans une chapelle » (Les Tombales). C’est à tout propos que ce genre de comparaison vient sous la plume de Maupassant, l’effet n’étant pas toujours heureux : une Michèle de Burne, véritable femme-idole a besoin de sa « petite église », besoin d’agenouillements et d’un « encensement de tendresse » ; la vie de Mariolle aux mains de sa maîtresse est un long calvaire : elle « l’avait cloué sur une croix, il y saignait de tous ses membres ».
Laissons au chroniqueur et observateur des mœurs du jour le soin de conclure : sceptique, railleur, il méprise au fond toutes les sectes, depuis la plus récente « cette association religioso-militaire… de la jolie générale anglaise » (18) à l’église de M. Châtel (19), sans oublier « l’église de M. Loyson », car « tout cela se vaut à peu près » (Pot pourri, janv. 1883). C’est à nouveau le chroniqueur qui cerne du plus près les véritables sentiments de Maupassant, de cet « humble indifférent » qui, dans Mépris et respects (mars 1885) affirme : « Je ne sais pas… on ne saura jamais. Entre la conception d’un Dieu médiocre qui répugne à ma raison et une négation absolue qui répugne à ma pensée, je m’abstiens. » Ni agnostique ni croyant, Maupassant se contente de ridiculiser chez d’autres les opinions et attitudes extrêmes qui, sous Napoléon III, Ordre Moral ou République avait tant polarisé l’opinion. Car, au fond, « y a-t-il quelque chose de plus drôle que le mépris furieux d’un dévot pour un athée, sinon le mépris frénétique d’un athée pour un dévot ? »
Adrian C. Ritchie
University College of North Wales
Bangor (Grande-Bretagne)
(1) Romanciers, poètes et essayistes du XIXe siècle, Denoël, 1971.
(2) Publié en 1838, à sa 36e édition en 1879, par l’auteur du Ver rongeur des sociétés modernes ou le Paganisme dans l’éducation (1851).
(3) La foi, affirme le pape, ne peut guère attendre de la raison des secours plus nombreux ou plus grands que ceux qu’elle a reçus par saint Thomas. Voir Vacant, Dictionnaire de la Théologie catholique, t. IX, Paris (1926).
(4) Maupassant, l’homme sans dieu (Bruxelles, 1966). Opinion émise aussi par René Doumic l’année même de la mort de Maupassant : « ni rêveur ni mystique, incapable de comprendre toute idée ou trop abstraite ou trop compliquée » (Revue des Deux Mondes, 1893).
(5) Et André Billy de se plaindre, en 1951, dans l’enquête menée par A. Artinian, Pour et contre Maupassant, du peu d’intérêt que les érudits portent à l’œuvre de Maupassant : « comme si l’œuvre ne leur offrait pas une source suffisamment abondante de développements historiques, esthétiques, philosophiques… ».
(6) « Pas besoin de croire à cette niaiserie de la transsubstantiation pour être un honnête homme ».
(7) Un thème majeur des contes fantastiques, c’est la tentative par l’homme de frustrer l’œuvre créatrice de Dieu par la stérilité volontaire (L’Inutile beauté), ou, chez le magistrat dans Un Fou, par le meurtre judiciaire. Voir Marie-Claire Bancquart, Maupassant, conteur fantastique (Minard, Archives des lettres modernes, 1976).
(8) Voir Œuvres complètes, éd. Pascal Pia, Cercle du Bibliophile, Évreux.
(9) Voiraussi, sur La Chevelure et La Relique, Alain Bulslne. « Prosetombale », in Revue des Sciences humaines, oct.-déc. 1975.
(10) Le lecteur de 1887, en pleine période du mouvement « curé sac au dos » contre lesdispenses, sourira en lisant, dans la bouche d’un personnage de Fort comme la mort, queles curés, ce sont des « fils de paysans réfractaires au service militaire ».
(11) Maupassant traite à nouveau les rapports entre la foi et la médecine dans L’Angelus, « somme testamentaire de ses notions métaphysiques », selon A.-M. Schmidt : Romans, AlbinMichel, 1957. On dit souvent qu’il n’y a que la foi qui sauve, et c’est le sujet d’une chronique comico-sérieuse sur Pasteur (Un Miracle, mai 1886). Dans Un Prophète (janv. 1886), s’inspirant d’une lecture de Prêtre de Némi de Renan, Maupassant évoque la vie et la légende du mystique etmartyr italien, David Lazzaretti di Arcidosso.
(12) Voir Anne Richter : Guy de Maupassant ou le fantastique involontaire, in Contes fantastiques complets (Coll. Marabout, 1976).
(13) « La chronique, c’est d’abord l’homme tel qu’il est ; il révèle ses idées les plus intimes, à la limite, il se confie au lecteur » (Gérard Delaisement, Maupassant, Journaliste et chroniqueur, Albin Michel, 1956). Et le fait qu’il remanie souvent ses chroniques pour en faire des nouvelles démontre bien que les unes et les autres doivent être prises ensemble et qu’elles sont d’un même écrivain », écrit H. Juin dans son édition des Chroniques (Union générale des éditions, 1980).
(14) « Usine à élections, utile… à toutes les ambitions politiques parce qu’elle change chacun de ses membres en agent électoral ».
(15) Voir Charles Castella, Structures romanesques et vision sociale chez Maupassant (Lausanne, 1972), pour une discussion des idées de Lukacz.
(16) Adrien Dansette. Histoire religieuse de la France contemporaine, 1951, p.640.
(17) Hippolyte Loyson, anciennement le père Hyacinthe, dont l’odyssée spirituelle et la vie privée faisaient les gorges chaudes des milieux chrétiens, proposa undébat public avec Monsabré. Plus tard, iI devait être à son tour pris à partie (Vérités fantaisistes, oct. 1834) par Maupassantd’avoir condamné Les Blasphèmes de Jean Richepin.
(18) Catherine Booth, fille aînée du fondateur de l’Armée du Salut, qui travailla pendant vingt ans en France.
(19) Ferdinand-François Châtel, primat des Gaules, fondateur de l’Église française.