Les tableaux de Joseph Court et Madame Bovary
M. R.-M. Martin, conservateur du Musée de l’Hôtel-Dieu de Rouen, avait, en son temps, posé la question à M. Fernand Guey, conservateur des Musées de Beaux-Arts de Rouen, de savoir si les deux tableaux de Joseph Court — peintre rouennais (1797-1865) — tableaux qui se trouvent à Rouen et sont donnés dans les Biographies et Iconographies flaubertiennes comme représentant Delphine Couturier, épouse Delamare, se rapportaient ou non auprototype de l’héroïne du célèbre roman de Gustave Flaubert.
M. F. Guey, dans une lettre du 4 avril 1950 — que nous publions ci-dessous — a répondu ce qui suit :
VILLE DE ROUEN
MUSÉES DES BEAUX-ARTS
Monsieur F. Guey,
Conservateur des Musées des Beaux-Arts
à Monsieur R. MARTIN, Rouen.
Je ne crois pas devoir vous aider à continuer la fable concernant les tableaux de Court et Mme Bovary.
Voici la réalité :
1° La jeune femme en costume de bal masqué est une Italienne peinte par Court à la fin de 1836 et terminée au début de 1837. Exposée au Salon des Amis des Arts de Rouen, 1837, sous le n° 13, « La Vénitienne au Bal masqué », puis à Paris, au Salon de 1838, sous le n° 355, sous le titre « La Vénitienne ».
2° La jeune femme cousant à la fenêtre ne porte pas le nom de La Bergeronnette. Le tableau fut exposé par Court au Salon de 1844, sous le titre : « Rigolette cherchant à se distraire pendant l’absence de Germain ». « Eugène Sue. Les Mystères de Paris ». Si vous considérez attentivement les deux physionomies exécutées à sept ou huit ans de distance, vous ne manquerez pas, tout d’abord, de constater combien elles diffèrent. La Vénitienne a une forme de tête allongée tout à fait autre que celle de Rigolette, et il n’est pas possible que les deux toiles aient été exécutées d’après la même personne.
D’autre part, Flaubert n’avait que 14 ou 15 ans quand Court exécuta ce premier portrait à Paris. L’autre fut suscité par le roman d’Eugène Sue : Les Mystères de Paris.
Il ne faut donc pas, à l’aide de ces deux portraits, continuer les erreurs de ce brave M. Brunon, qui n’avait certainement pas comparé attentivement ni les figures ni les dates, et pas plus, sans doute, que feue sa maman.
Signé : F. Guey.