Les Amis de Flaubert – Année 1961 – Bulletin n° 18 – Page 20
Extraits du Journal des Goncourt
Ils sont regroupés par années : 1857-1860 — 1861-1862 — 1863-1870
1871-1876 — 1877-1879 — 1880-1887 — 1888-1894
ANNÉE 1880
Dimanche de Pâques, 28 mars
Aujourd’hui, nous partons, Daudet, Zola, Charpentier et moi pour aller dîner et coucher chez Flaubert, à Croisset.
Zola est gai comme un clerc de commissaire-priseur qui va faire un inventaire ; Daudet, comme un échappé de ménage qui s’apprête à courir une bordée ; Charpentier, comme un étudiant qui entrevoit une série de bocks à la cantonade, et moi, je suis très heureux d’embrasser Flaubert.
Le bonheur de Zola est troublé par une grande préoccupation, la préoccupation s’il pourra, en ce train rapide, pisser à Paris, à Mantes, à Vernon. Le nombre de fois que l’auteur de « Nana » pisse ou, du moins, tente de pisser est inimaginable.
Daudet, qui a un peu de porter du déjeuner monté à la cervelle, se met à parler de Chien-Vert, de ses amours avec cette femelle folle, enragée, détraquée, dont il a hérité de Nadar. Des amours fous, suintant l’absinthe et, de temps en temps, dramatisés par des coups de couteau, dont il nous montre la marque sur une de ses mains. Il nous peint, en pasquinant, cette femme dont il n’a pas le courage de se détacher et à laquelle il reste noué un peu par la pitié qu’il a de sa beauté disparue et d’une dent de devant qu’elle s’est cassée avec un sucre d’orge. Quand il s’est marié, quand il a fallu rompre avec elle, il nous dit l’avoir menée sous le prétexte d’un dîner à la campagne, en plein bois de Meudon, redoutant ses emportements dans une maison, dans un endroit habité. Là, au milieu des arbres sans feuilles, quand il lui a dit que c’était fini, la femme s’est roulée à ses pieds dans la boue, la neige, avec des mugissements de jeune taureau, entremêlés de : « Je ne serai plus méchante, je serai ta domestique… » Puis, après cela, un souper où elle mangea comme un maçon, dans une espèce d’effarement stupide. Ce récit est coupé par un épisode d’amour avec une jeune et charmante créature, nommée Rosa, dont il nous retrace une nuit de passion dans une chambre, à Orsay, au milieu de sept à huit compagnons qui au matin, jetèrent un peu de froid dans l’emportement et la poésie de leur amour en pissant chacun longuement dans leur pot de chambre
« Nous y voici, tenez, après le pont ». C’est la voix de Zola, qui nous annonce sa propriété à Médan. J’aperçois, dans un éclair, une construction à la tournure féodale, qui semble bâtie dans un carré de choux.
Maupassant vient nous chercher en voiture à la gare de Rouen, et nous voici reçus par Flaubert en chapeau calabrais, en veste ronde, avec son gros derrière, dans son pantalon à plis et sa bonne tête affectueuse.
C’est vraiment très beau, sa propriété, et je n’en avais gardé qu’un souvenir assez incomplet. Cette immense Seine sur laquelle les mâts de bateaux, qu’on ne voit pas, passent comme dans un fond de théâtre ; ces grands beaux arbres aux formes tourmentées par les vents de la mer ; ce parc en espalier, cette longue allée-terrasse en plein midi, cette allée péripatéticienne, en font un vrai logis d’homme de lettres, — le logis de Flaubert — après avoir été, au 18e siècle, la maison d’une compagnie de Bénédictins.
Le dîner est très bon ; il y a une sauce à la crème d’un turbot qui est une merveille. On boit de beaucoup de vins de toutes sortes, et toute la soirée se passé à conter de grasses histoires, qui font éclater Flaubert en ces rires qui ont le pouffant des rires de l’enfance. Il se refuse de lire de son roman, il n’en peut plus, il est esquinté. Et l’on va se coucher en des chambres assez froides et peuplées de bustes de famille.
Le lendemain, on se lève tard, et l’on reste enfermés à causer, Flaubert déclarant la promenade un échignement inutile. Puis on déjeune et l’on part.
Nous sommes à Rouen, il est deux heures ; nous serons à Paris à cinq, heures ; la journée est perdue. Je propose de rester, de battre les marchands d’antiquités, de faire un petit dîner fin et de ne revenir que le soir. On accepte, à l’exception de Daudet, qui a un dîner de famille et qui a peut-être entrevu une voyageuse bizarre dans la salle d’attente.
Nous n’avons pas fait cinquante pas que nous nous apercevons que les boutiques sont fermées ; nous n’avions pas songé que nous étions le lundi de Pâques. Enfin, une marchande de curiosités à demi-entrebâillée. Je lui marchande une petite paire de chenets ; elle me la fait 3.000 francs.
Nous revoilà dans la rue, où bientôt nous nous trouvons si fatigués, que nous entrons dans un café, où nous jouons deux heures et demie au billard, nous asseyant tour à tour sur les angles, en disant : « Quel four ! »
Enfin six heures et demie ! Nous nous rendons dans le grand hôtel pour le dîner fin : « Quel poisson avez-vous ? » — « Monsieur, il n’y a pas aujourd’hui un seul morceau de poisson dans la ville de Rouen ». Et le solennel maître d’hôtel nous propose des côtelettes de veau.
Des chenets à 3.000 francs comme occasion et un dîner composé d’un méchant poulet grillé, voilà ce que nous a rapporté notre journée de Rouen ; et par là-dessus, la rentrée dans la capitale de tous les Rouennais de Paris a amené un retard de deux heures au train. Oh ! Province ! je jure que jamais plus je ne chercherai un bibelot chez toi !
Samedi 8 Mai.
« Est-ce que vous allez dimanche chez M. Flaubert ? » venait de me dire Pélagie, quand la petite a mis sur la table une dépêche qui contenait ces deux mots : « Flaubert mort ! ».
Ç’a été, pendant quelque temps, un trouble de mon individu, dans lequel je ne savais pas ce que je faisais et dans quelle ville je roulais en voiture. J’ai senti qu’un lien, parfois desserré, mais inextricablement noué, nous attachait secrètement l’un à l’autre ? Et aujourd’hui, je me rappelle avec une certaine émotion la larme tremblante au bout d’un de ses cils, quand il m’embrassa en me disant adieu, au seuil de sa porte, il y a six semaines.
Au fond, nous étions les deux vieux champions de l’école nouvelle et je me trouve bien seul aujourd’hui.
Mardi 11 Mai.
Je suis parti hier avec Popelin pour Rouen. Nous étions à quatre heures à Croisset, dans cette triste maison où je ne me suis pas senti le courage de dîner.
Mme Commanville nous a parlé du cher mort, de ses derniers instants de son livre, qu’elle croit incomplet d’une dizaine de pages (3).
Puis au milieu de la conversation, brisée et sans suite, elle nous a raconté une visite qu’elle avait faite dernièrement pour forcer Flaubert à marcher, une visite à une amie demeurant de l’autre côté de la Seine et qui avait, ce jour-là, son dernier né posé sur la table du salon dans une charmante barcelonnette rose, visite qui faisait répéter à Flaubert tout le long du retour : « Un petit être comme celui-ci dans une maison il n’y a que cela au monde ».
Ce matin, Pouchet m’entraîne dans une allée écartée et me dit : « Il n’est pas mort d’un coup de sang, il est mort d’une attaque d’épilepsie… Dans sa jeunesse, vous le savez, il avait eu des attaques. Le voyage d’Orient l’avait pour ainsi dire guéri… il a été seize ans sans plus en avoir. Mais les ennuis des affaires de sa nièce lui en ont redonné… Et samedi, il est mort d’une attaque d’épilepsie congestive… Oui, avec tous les symptômes, de l’écume à la bouche… Tenez, sa nièce désirait qu’on moulât sa main, on ne l’a pas pu : elle avait gardé une si terrible contraction… Peut-être, si j’avais été là, en le faisant respirer une demi-heure, j’aurais pu le sauver… »
« Ç’a été tout de même une sacrée impression d’entrer dans ce cabinet… Son mouchoir sur la table à côté de ses papiers, sa pipette avec sa cendre sur la cheminée, le volume de Corneille, dont il avait lu des passages la veille, mal repoussé sur les rayons de la bibliothèque ».
Le convoi se met en marche, nous grimpons par une montée poussiéreuse à une petite église, — l’église où Mme Bovary va se confesser au printemps et où l’un des crapauds tancés par le curé Bournisien était en train de faire de la voltige sur la crête du mur de l’ancien petit cimetière (4).
C’est exaspérant, dans ces enterrements, la présence de tout ce monde du reportage, avec ses petits papiers dans le creux de la main, où il jette des noms de gens et de localités, qu’il entend de travers, et plus exaspérant encore, la présence de ce Laffite du Voltaire qui, 40.000 francs dans sa poche, convoie le cadavre pour faire une affaire dessus. Parmi les journalistes arrivés ce matin, j’aperçois Burty, qui est venu se glisser dans ces funérailles, comme il se glisse dans toutes les choses de la vie qui rapportent. Il est même arrivé à obtenir de tenir pendant quelques instants un des glands du corbillard, qu’il tenait avec un de mes gants noirs qu’il m’avait empruntés.
On resort de la petite église et on gagne le cimetière monumental de Rouen, sous le soleil, par une route interminable. Dans la cohue insouciante et qui trouve l’enterrement long, commence à sourire l’idée d’une petite fête. On parle des barbues à la normande et des canetons à l’orange de Mennechet, et Burty prononce le mot de bordel avec des clignements d’yeux de matou amoureux.
On arrive au cimetière, un cimetière tout plein de senteurs d’aubépine et dominant la ville ensevelie dans une ombre violette, qui la fait ressembler à une ville d’ardoise.
Et l’eau bénite jetée sur la bière, tout ce monde assoiffé dévale vers la ville avec des figures allumées et gaudriolantes. Daudet, Zola et moi, nous repartons, refusant de nous mêler à la ripaille qui se prépare pour ce soir et revenons en parlant pieusement du mort.
Un détail qui peint Daudet : ce matin, il venait à peine de s’asseoir en chemin de fer, quand Hérédia le voit mettant gravement ses gants noirs. Se voyant regardé, Daudet de rire : « Déjà ? Ça vous étonne, hein ? Mais voilà, pour moi, le chemin de fer, c’est la partie de plaisir, la joie des vacances…. et ces gants noirs sont chargés de me rappeler où je vais ».
Vendredi 14 Mai.
Oh ! le triste et navrant enterrement qu’a eu mardi Flaubert, — et ce qui va suivre … Le gendre-neveu, qui a ruiné Flaubert, n’est pas seulement un malhonnête homme commercialement parlant, mais un escroc, reprenant une pièce de vingt francs, qu’il avait été chargé par le mort de porter au serrurier, — mais un voleur au jeu. Et la nièce, les petits boyaux (4 bis) de Flaubert, Maupassant dit qu’il ne peut se prononcer sur elle. Elle a été, est et sera un instrument inconscient entre les mains de sa canaille de mari, qui a sur elle la puissance que les coquins ont sur les honnêtes femmes.
Enfin, voici ce qui s’est passé après la mort de Flaubert. Commanville parle tout le temps de l’argent qu’on peut tirer des œuvres du défunt, a des revenez-y si étranges aux correspondances amoureuses du pauvre ami, qu’il donne l’idée qu’il serait capable de faire chanter les amoureuses survivantes. Et force caresses à Maupassant mêlées d’espionnage, d’une surveillance de véritable agent de police. Cela jusqu’au lundi où il disparaît, où il a besoin d’aller à Rouen, pendant que Maupassant met dans la bière avec Pouchet le corps de Flaubert déjà en décomposition. Le soir de l’enterrement, aussitôt après le dîner où dînaient de Hérédia et Maupassant et où, par parenthèse, Commanville se coupait très élégamment sept tranches de jambon, il mène Maupassant dans le petit pavillon du jardin et là le retient une grande heure, le tenant par les mains dans de fausses effusions de tendresse, le gardant littéralement prisonnier, — lui, malin, qui voulait s’en aller, se doutant de quelque chose. Pendant ce, Mme Commanville prenait à part, sur un banc du jardin, Hérédia, lui disait que Maxime Du Camp ne lui avait pas même envoyé un télégramme, que d’Osmov était un hanneton, que Zola et Daudet ne l’aimaient pas, enfin que moi, elle me regardait comme un galant homme, mais qu’elle ne me connaissait pas, que dans ces tristes circonstances, elle avait besoin du dévouement d’un homme du monde, qui la représentât, et la défendît contre les gens de sa famille ; et cette femme que Maupassant n’avait pas vue pleurer une seule fois, se mettait à fondre en larmes dans un tendre abandon qui rapprochait si étrangement sa tête de la poitrine de Hérédia, qu’il disait avoir eu la pensée que si dans le moment il avait fait un mouvement, elle se serait jetée dans ses bras. Et la scène continuait et la femme dégantait et laissait prendre sa main sur le dossier du banc, si près de la bouche de Heredia, qu’elle semblait solliciter un baiser Est-ce de l’amour vrai cela, tout à coup dans l’âme déchirée et amollie d’une femme, pour un homme qu’elle voit et recherche depuis longtemps ? N’est-ce pas plutôt une espèce de comédie amoureuse imposée par le mari à sa femme pour avoir à merci une âme honnête et jeune, que la perspective troublante de la possession pourrait amener à tremper dans les filoutages contre l’autre branche héritière ?
Ah ! mon pauvre Flaubert ! Voilà autour de ton cadavre des machines et des documents humains, dont tu aurais pu faire un beau roman provincial !
Vendredi 19 novembre
Une phrase qui est tout Taine. Le petit Maupassant lui demandant de faire partie de la Société pour l’érection d’une statue à Flaubert : « Je veux bien, mais je n’irai pas, je dois vous prévenir que je n’ai jamais le temps de me déranger ».
ANNÉE 1881
Mardi 4 Janvier.
Par moments, le style de Gautier et de Flaubert me semble un riche mais lourd drap de mort sur une œuvre.
Samedi 12 Février.
Reprise ce soir de notre dîner Flaubert, Zola, Daudet (5).
Jeudi 17 Février.
La conversation est sur l’esprit. Zola demande un exemple d’homme spirituel.
Et après une conversation où il argutie sur l’esprit parlé, sur l’esprit écrit, il finit par dire :
« Non, l’esprit, je ne sais pas ce que c’est ; je cherche et je ne trouve pas.
» Cette négation de l’esprit, je l’avais rencontrée chez Flaubert, et c’est très commun en littérature qu’on ne reconnaisse pas — et cela très sincèrement — les qualités qui nous font défaut ».
Mardi 16 Mars.
Bouvard et Pécuchet : la singulière conception ! Chercher laborieusement, pendant cinq ans, six ans, tout ce qu’il y a de bête dans les livres pour en faire le sien.
Samedi 6 Avril.
Aujourd’hui, à la sortie de la séance pour l’érection d’un monument à Flaubert, je vais dîner avec Tourguéneff et de Maupassant chez une vieille amie de Flaubert, Mme Brainne, dont l’ample beauté produit sur moi un peu de l’intimidation de femmes géantes de baraques (6).
Vendredi 18 Novembre.
Ces Mémoires, que Du Camp publie dans la « Revue des Deux Mondes », je les trouve bien tristement renseignantes sur les romantiques. Il y a une lettre de Flaubert sur un ami mort, un cri de douleur de l’âme qui a bien dû lui coûter — moi qui connais son mode de travail — quarante-huit heures de peine laborieuse… Et des scènes où Du Camp et Flaubert déclament des passages de livres saints au chevet d’une mourante et où se font, devant le cadavre, des invocations à Job ! Ah ! quels blagueurs de vrais sentiments, de vraies affections (7).
ANNÉE 1882
Samedi 26 Août.
J’avais un ami. Il tomba malade : je le soignai. Il mourut : je le disséquai ». Cette phrase d’un médecin du XVIIIe siècle, Du Camp aurait dû la prendre pour l’épigraphe de ses mémoires sur l’épilepsie de son ami (8).
ANNÉE 1883
Vendredi 5 Janvier.
Au bout de bien des années, je revois ce soir d’Osmoy, le vieux d’Osmoy, avec de longs cheveux gris et quelque chose de sénile dans l’intelligence. Quand il est sorti, comme Mme Daudet s’étonne de sa ressemblance avec l’auteur de Madame Bovary, le peintre Beaulieu affirme que Flaubert, Bouilhet, d’Osmoy étaient trois frères fabriqués par le marquis d’Osmoy. Il y avait, en effet, une certaine ressemblance ou plutôt un certain air de famille entre ces trois hommes, sauf la capacité de la boîte cérébrale qui était beaucoup plus ample chez Flaubert. Maintenant, je vais le dire, la mère de Flaubert n’avait pas du tout la physionomie d’une bourgeoise qui a fait son mari cocu.
ANNÉE 1885
Jeudi 29 Octobre.
Empêché de dormir cette nuit par un article de l’halluciné Hennequin sur Flaubert, par toutes les objections, les restrictions, les atténuations qu’apporte mon cerveau insomnieux au délire de l’admiration du critique (9). Car Flaubert a tout ce que l’application enragée donne de talent, mais il ne rencontre jamais le au-delà, il ne surprend jamais par l’imprévu, par l’inattendu de l’imagination de génie, ce n’est au fond, qu’un fort en thème, un fort-en-thème tout à fait supérieur mais rien de plus… Et je suis persuadé que dans cinquante ans, il sera jugé comme je le juge ici. En l’étudiant sans religion, on verra que les choses déjà faites, il les a faites avec plus de patience avec plus de ténacité, avec plus de sens, mais qu’il n’a jamais travaillé que dans le vieux, et n’a rien, absolument rien, apporté à la littérature du siècle
ANNÉE 1886
Samedi 10 Avril.
A quatre heures, j’entre par hasard chez Charpentier, où je trouve Zola, et je lui parle de son livre (10) avec l’intention de lui laisser voir de ma pensée sur le bouquin, mais avec tous les ménagements de la parole qu’on se doit entre confrères de la même chapelle.
[…]
Nous sommes dans le salon, je dis deux ou trois choses qui sont contredites par Zola, je me sens devenir nerveux et me voici emballé avec Zola dans une discussion sur l’esprit.
L’esprit n’est rien pour Zola. Et il ajoute :
« Au reste, vous le savez, Flaubert n’aimait pas l’esprit ».
Depuis longtemps, la continuité et la brutalité de la contradiction de Zola me donnaient l’envie de lui décocher un mot désagréable, mot qui n’eût pas l’air cependant trop personnel ; et au fond de moi, je le remercie de m’en fournir l’occasion sur le dos de Flaubert, et je lui dis : « Oui, c’est vrai ce que vous dites de Flaubert… C’était un homme de génie, mais sans aucun esprit… et Dieu, qui est souverainement bon, a permis que les auteurs aient le plus complet mépris pour les qualités qu’ils n’ont pas… »
Mercredi 26 Mars.
Je suis en train de lire La Petite Rocque (11), ami de Lorrain, qui m’apporte un exemplaire sur papier de Hollande de Très Russe. Nécessairement, conversation sur Maupassant, qu’interrompt Lorrain en disant : « Pardon, je suis très mal avec lui, je sors même à l’instant d’une affaire qui vient d’être arrangée… Dans « Folembrey », je n’ai pas voulu le faire, c’est un personnage fabriqué avec des machines caractéristiques de plusieurs individus, comme le personnage de Bel Ami (12).
Le soir, dînant avec Maupassant chez la Princesse, il me dit qu’il n’est pas venu dimanche parce qu’il a été toute la journée en conciliabule avec des témoins… qu’il voulait se battre au pistolet, sérieusement. Et il ajoute que la phrase : des haras Flaubert-Zola le visait absolument, et que, du reste, il tenait de femmes qui l’avaient entendu de leurs oreilles, que c’était de lui que Lorrain avait déclaré avoir fait le portrait (13). « Enfin, il a préféré m’écrire ! » s’écrie Maupassant avec un certain mépris colère.
Vendredi 20 Août.
Le petit Houssaye, en dînant ce soir avec moi aux Ambassadeurs, constatait avec une certaine amertume l’amoindrissement de la gloire de Gautier, en train de disparaître sous la gloire de Flaubert — de Flaubert qui ne fut qu’une contrefaçon de Gautier, non pas absolument dans ses livres, mais dans sa personne morale et intellectuelle.
Samedi 11 Septembre.
En relisant l’Éducation Sentimentale, je suis frappé combien les types ne sont pas les types, mais bien des caricatures de types, par l’exagération, l’outrance, le prêt à leur compte de tout ce qui est imprimé d’une manière générale et universelle. C’est ainsi que s’il peint un républicain, on n’y trouvera pas un républicain comme un M. Bourjot, absolument dessiné, d’après nature, d’après mon cousin le républicain, mais on y trouvera un républicain par la bouche duquel sortiront toutes les bêtises et toutes les exagérations du parti (14).
Flaubert fabriquera une drolatique et intelligente amplification de rhétorique sur le républicain, mais pas un type de républicain vu et observé dans la proportion de la vérité.
Dimanche 12 Septembre.
Dans l’Éducation Sentimentale, une merveilleuse scène que la dernière visite de Mme Arnoux à Frédéric, et la sublime scène que ce serait, si au lieu des phrases très joliment faites, mais des phrases de livres comme celle-ci : « Mon cœur comme de la poussière se soulevait derrière vos pas » (15), c’était tout le temps de la langue parlée, de la véritable langue d’amour ayant cours dans la vie.
Vendredi 8 Octobre.
Ah ! la difficulté de dire un millionième de la vérité ! Toute cette hypocrisie de la société… de ces gens de cercle, la plupart des maquereaux, de sales coulissiers, d’infects cochons. Ah ! vraiment par moments, je suis las de tout cela, je suis pris d’envie d’entrer dans la tranquillité d’une fin de vie bourgeoise : oui, je vais écheniller mon journal de tout ce qu’il a d’âpre, et je n’irai que jusqu’en 1870, je n’irai pas au-delà de la mort de mon frère.
La lettre que j’ai écrite au Figaro est mal faite, parce qu’elle a été écrite dans une trop grande rage sourde ; mais pour ceux qui savent lire entre les lignes, ils en percevront l’immense ironie. C’est moi et Flaubert qui sommes les malpropres, les crapuleux, les voyous moralement chics (16).
Vendredi 10 Décembre.
Mme Commanville, qui m’annonce qu’elle va pouvoir publier la correspondance amoureuse de Flaubert avec Mme Colet, me dit que c’est à une condition, c’est que, partout, le tu sera remplacé par vous.
Samedi 11 Décembre.
Si quelqu’un fait un jour ma biographie, qu’il se persuade qu’il serait d’un haut intérêt, pour l’histoire littéraire et la réconfortation des victimes de la critique des siècles futurs, de donner sur chacun de nos livres les extraits les plus violents, les plus forcenés, les plus négateurs de notre talent, et des premiers jusqu’aux derniers livres. C’est bien dommage qu’un tel livre n’ait pas été fait pour tous les hommes de talent de ce siècle, à commencer par les éreintements sur Chateaubriand, à continuer par ceux sur Balzac, Hugo, Flaubert, etc.
Jeudi 23 Décembre.
Tous les sculpteurs ont une matérialité d’ouvriers marbriers et ils nous surprennent quand on les trouve comme Chapu se livrant à une petite machinette qui semble un objet de sucre pour confiseur. C’est ainsi que nous trouvons Chapu fignolant une VÉRITÉ, écrivant, assise sur la margelle d’un puits, sous le médaillon de Flaubert.
Vendredi 31 Décembre.
Pour mes étrennes paraît un article du « Gil Blas », signé Santillane, où, à propos de la représentation de Flaubert, les rancunes de Santillane et d’autres semblent avoir été mises en commun. Je manque absolument de tact dans les choses de la vie, je n’ai aucun talent, l’Académie que je veux fonder après ma mort est une indigne réclame personnelle ; enfin, je suis le dernier des amis si je ne donne pas de ma poche les 3.000 francs qui manquent à la souscription de Flaubert, tout cela persillé de petites perfidies s’efforçant de me montrer au public comme un monsieur très roublard.
ANNÉE 1887
Lundi 3 Janvier.
Le 1er janvier, il a paru dans le « Gil Blas » un article signé Santillane, au sujet de la représentation demandée à Porel pour compléter la souscription pour le monument de Flaubert, article me reprochant la mendicité de la chose et me faisant un crime de ne pas compléter à moi tout seul les 3.000 francs qui manquent. Aujourd’hui, quelle a été ma surprise, un mois s’étant à peine écoulé depuis l’aimable lettre que Maupassant m’avait adressée après la première de Renée Mauperin, de lire dans le « Gil Blas » une lettre dudit où il appuie de l’autorité de son nom l’article de Santillane ! Je lui envoie sur le coup ma démission dans cette lettre.
« 3 Janvier 1887.
» Mon cher Maupassant,
» Votre lettre imprimée dans le « Gil Blas » de ce matin — le « Gil Blas » datant du lendemain, porte le 4 — apportant l’autorité de votre nom, au dernier article de Santillane, un des plus hostiles qui aient jamais été écrits contre moi, — c’est l’opinion de mes amis ne me laisse qu’une chose à faire : c’est de vous faire parvenir ma démission de président et de membre de la Société du Monument de Flaubert.
» Vous n’ignorez pas ma répulsion pour les Sociétés et leurs honneurs et vous devez vous rappeler que je n’ai accepté que sur vos instances cette présidence, qui m’a causé mille ennuis et mis en contradiction avec moi-même et ma profession de foi sur la statuomanie à propos de la statue de Balzac.
» Maintenant, voici l’historique de la représentation demandée par moi.
» Je recevais, le 10 septembre dernier, annoncé par une lettre de vous, un extrait des délibérations du Conseil Général de la Seine-Inférieure, de la session d’août, où M. Laporte, membre du conseil s’exprimait ainsi :
« La souscription pour le monument à élever à la mémoire de Gustave Flaubert s’élève actuellement à la somme de 9.650 francs, y compris les 1.000 francs votés par le Conseil Général et qui ont été mandatés le 30 mars 1882. Cette somme, qui est déposée dans une banque de Rouen, est insuffisante. Mais on espère trouver facilement au moyen d’une représentation dans un théâtre de Paris ou pour toute autre voie, le complément nécessaire, soit à peu près 2.000 francs ».
» Et l’on me priait de hâter autant qu’il était en mon pouvoir l’édification du monument. N’étant pas assez riche pour fournir à moi seul les fonds manquants, n’ayant reçu d’aucun membre de la Société la demande de compléter entre amis la somme de 2.000 francs, répugnant à rouvrir une souscription qui, depuis plusieurs années n’avait pas seulement réuni 9.000 francs, je me rendais au vœu du Conseil Général et je demandais le mois dernier une représentation au Théâtre Français.
» Sur cette demande, aucune réclamation de la famille ou d’un membre de la Société.
» Le directeur du Théâtre Français me répondait par un refus motivé sur les statuts de la Comédie Française.
» Alors, dans un dîner chez Daudet, je proposais à Daudet de compléter la souscription, en donnant, Daudet, Zola, vous et moi, chacun 500 francs, proposition rapportée dans « Le Temps » par un de ses rédacteurs qui dînait avec nous.
» Et la résolution allait être prise définitivement, et j’allais vous demander, ainsi qu’à Zola, 500 francs lorsque, dans un autre dîner chez Daudet, ou se trouvait Porel, on parlait de la représentation du Théâtre Français tombée dans l’eau. Sur mes regrets, Porel nous offrait alors galamment son théâtre, et, instantanément, nous improvisions à nous trois la représentation annoncée dans les journaux que je trouve pour ma part, joliment imaginée comme représentation d’amitié et de cœur et dont l’argent n’avait rien à mes yeux de plus blessant pour la mémoire de Flaubert que l’argent d’une souscription du public.
« Maintenant, cette représentation n’ayant pas lieu, je tiens à la disposition de la Société la somme de 500 francs pour laquelle j’avais annoncé vouloir contribuer au monument de Flaubert, regrettant, mon cher Maupassant, que vous ne m’ayez pas écrit directement, enchanté que j’aurais été de me décharger en ces affaires délicates, où je n’ai été que l’instrument de vouloirs et de désirs qui n’étaient pas toujours les miens, de toute initiative personnelle.
» Agréer quand même, mon cher Maupassant, l’assurance de mes sentiments affectueux ».
Dimanche 9 Janvier.
Paul Margueritte me racontait aujourd’hui qu’au Sénat, où il avait été voir un ami de son père, il avait été mis en rapport avec Anatole France. L’ex-gagiste au service de Lemeure et de Lévy, tout en l’amusant de la promesse assez problématique d’un article dans la Revue des Lettres et des Arts, lui avait dit : « Oui, oui, c’est entendu, Flaubert est parfait, tout à fait parfait, et je n’ai pas manqué de le proclamer… Mais, au fond, sachez-le bien, il lui a manqué de faire des articles sur commande… Ça lui aurait donné une souplesse qui lui manque » (17).
Mercredi 2 Février.
Visite matinale d’Alidor Delzant, qui vient pour causer de la biographie qu’il veut faire de mon frère et de moi, à l’imitation du livre qu’il vient d’écrire sur Saint-Victor (18).
Jeudi 17 Mars.
Mme Commanville vient me lire la préface que, sur mon conseil, elle a écrite pour mettre en tête de la Correspondance de Flaubert (19). Elle me paraît curieuse, intéressante, cette petite biographie par des dessous intimes qu’elle seule pouvait apporter sur la vie de l’homme qui l’a élevée.
Jeudi 14 Avril.
On parcourt chez Daudet, avant dîner, cet article du « Journal des Journaux », signé B. Maurice, d’où Flaubert a tiré l’idée de son roman de Bouvard et Pécuchet. Il ne peut y avoir de doute… les deux bonshommes qui recopient… la vie plate comme le Canal Saint-Martin… et tout enfin. C’est bien curieux que Flaubert n’ait pas été arrêté, qu’un jour où l’autre cette espèce de ; plagiat serait découvert (20).
À suivre : 1888-1894
(1) Voir pour les débuts, le Bulletin des Amis de Flaubert, n° 13, 14, 15, 16, 17.
(2) Rosa reste une inconnue. Quant à Chien-Vert, elle paraît bien s’identifier avec cette Marie Rieu dont J.-H. Borneque, a retrouvé si souvent le nom dans les carnets intimes d’Alphonse Daudet et qui en voit la dédicataire des Amoureuses (1859) et l’inspiratrice involontaire, de Sapho. Daudet a montré un jour à Antoine « la maison où il a connu, la bougresse dont il a fait Sapho » dans le passage dae l’Élysée des Beaux-Arts (Mes Souvenirs sur le Théâtre-Libre, 1924,p. 29). Or c’est là que demeuraient Jean de Boys et Charles Bataille, chez qui Marie Rieu venait voisiner, en cydalise et chez qui Daudet la connut dès son premier hiver parisien (1857-1858). Il n’y a rien là qui contredise l’indication de Goncourt, selon laquelle il en aurait « hérité » de Nadar : elle pouvait fort bien être la maîtresse de celui-ci et faire la connaissance de Daudet chez ses deux voisins. Cette liaison avec celle que Borneque appelle « l’amante, la bacchante et l’esclave » était selon lui, égayée de courses en banlieue, et traversée d’éclats de jalousie (« des scènes éclatèrent, parfois pire »). Elle aurait subsisté malgré des ruptures et infidélités de Daudet jusqu’à son mariage en 1867. (J.-H. Borneque, Les Années d’Apprentissage d’A. D., 1951, p. 125-127, 200, etc.). Il semble que le passage inédit de Goncourt concorde avec ces indications. Il apporte en plus un surnom pittoresque qui nous remet en mémoire le Monstre Vert ou le Chien Vert de Banville indication rayée après coup sur le Ms. pour éviter une confusion entre la maîtresse de Banville et celle de Daudet (cf. T. II, p. 62 et p. 71). Cf. aussi « Chien Jaune », dans les notes de Sapho « éd. définitive », p. 166.
(3) Bouvard et Pécuchet sera publié dans la « Nouvelle Revue » du 15 décembre 1880 au 1er mars 1881, et en librairie en mai 1881. Cf. ici p. 48, n. 1 sur le dernier chapitre inachevé.
(4) Allusion au chapitre VI de Madame Bovary.
(4 bis). Ces mots sont reproduits tels qu’insérés au Journal des Goncourt, mais que signifient-ils ?
(5) Sur ce premier dîner qui eut lieu le vendredi 5 mai 1870, voir Tome XI p. 89 du « Journal des Goncourt ». — Bulletin Flaubert n° 16, page 52.
(6) Il s’agit ici du Monument Flaubert, de Chapu, à Rouen, qui sera inauguré le 23 novembre 1890.
(7) Il s’agit ici des Souvenirs Littéraires de Maxime du Camp, parus dans la Revue des Deux Mondes en 1881 et en librairie en 1882-1883. L’ami dont s’agit est Alfred Le Poittevin (lettre du 7 avril. 1848). L’autre scène est celle de la veillée funèbre au chevet de la grand’mère de Maxime Du Camp, en 1819 ; le passage lu n’est pas de Job, mais la résurrection de Lazare dans l’Évangile de Saint Jean.
(8) Du Camp, dans ses Souvenirs Littéraires, IV-7, tome II, p. 345, parle en effet, dans ses mémoires de l’accident d’octobre 1843 arrivé près de Pont-Audemer (il faut lire en réalité Pont-l’Évêque, janvier 1844), à Gustave Flaubert. Cet accident eut les suites dont Du Camp, fut témoin.
(9) C’est l’article Gustave Flaubert, Étude Analytique, paru dans la Revue Contemporaine, 1885, tome III, pages 137- 174, et réédité dans les Études de Critique Scientifique, quelques Écrivains Français, 1890, p. 1-68. Analyse subtilement élogieuse, qu’il s’agisse de la « concision choisie, et rapide » de Flaubert, des « admirables femmes de ses romans », de son symbolisme, etc… Mais Hennequin, à tort ou à raison, reste inquiet devant « cet art où les mots précèdent et déterminent obscurément les idées » et qui fait perdre peu à peu à Flaubert « le sentiment et la faculté de la liaison ». D’autre part, la conclusion de l’article prend Goncourt avec Huysmans et Flaubert comme types des créateurs « les plus artistes » artistes », de ceux-là .qui pensent et suggèrent plus qu’ils ne disent. Enfin, Goncourt oublie qu’il traitait mieux Hennequin quand celui-ci publiait sur lui le vibrant essai, qui a pris place aussi dans les Études de Critique Scientifique.
(10) L’Œuvre.
(11) De Guy de Maupassant,
(12) Également de Guy de Maupassant.
(13) Dans Très Russe, Jean Lorrain montre une aventurière du grand monde, Mme Litvinoff, excitant le désir jaloux du poète Mauriat et recourant pour cela à un « écrivain à femmes », le vantard Beaufrilan, ainsi présenté : « Il a tout un passé de vieilles hystériques, bas-bleus d’alcôves, éprises du beau mâle qu’il se glorifie d’être… C’est l’étalon modèle, littéraire et plastique du grand haras Flaubert-Zola et Cie, vainqueur à toutes les courses de Cythère… » (page 100). Cela paraissait bien viser Maupassant et sa réputation donjuanesque.
(14) Dans L’Éducation Sentimentale, les types républicains sont bien plus divers que ne le dit Goncourt qui doit songer ici aux discours de l’ami Sénécal — lequel finit d’ailleurs comme agent de police aux ordres de Louis-Napoléon
(15) L’Éducation Sentimentale, 3e partie, chap. VI (édition Conard, p. 600-606).
(16) Voici le texte de la lettre de Goncourt insérée dans le Figaro du 8 octobre : « J’ai été étonné d’apprendre que quelques personnes nommées dans mon Journal sur le Café Riche ont été blessées de mon appréciation sur la conversation d’alors. Mais cette conversation, je la vois générale, appartenant aussi bien à ceux qui ne sont pas nommés qu’à moi et à mon frère, qui, nous l’avouons, avons été là avec Flaubert quelquefois assez sadiques en paroles. Le fait est que je n’ai cherché à être désagréable à personne et que, les noms cités comme noms d’habitués du café sont des noms qui m’ont été, bien au contraire, rappelés par un souvenir bien amical ! ».
(17) En addition en 1886 — « Et peut-être le critique du « Temps » a-t-il raison ». Anatole France est, appelé en 1886 à diriger Les Lettres et les Arts, revue mensuelle luxueusement imprimée par Boussoll et Valedon et qui disparaîtra en 1889. Il y appelle Barrés, Lemaître, F. Masson, Leconte de l’Isle, Heredia, Du Camp, etc…
(18) Les Goncourt, d’Alidor Delzant, première étude d’ensemble, sur la vie et l’œuvre des deux frères, paraîtra en 1889.
(19) Voir ci-dessus, page
(20) Flaubert s’est Inspiré pour Bouvard et Pécuchet d’une nouvelle de Barthélémy Maurice, les Deux greffiers, parue successivement dans la Gazette des Tribunaux (14 avril 1841), le Journal des Journaux (mai 1841) et surtout l’Audience. (7 février 1858) où Flaubert a lu l’histoire d’Andréas et de Robert retirés à la campagne et finissant l’un par dicter et l’autre par copier la prose du Journal des Huissiers. Daudet et ses amis gardèrent assez bien le secret de cette source, que Mme Daudet et Céard révélèrent seulement en 1911 à René Dumesnil qui la divulgua dans la Revue de Paris du 16 août 1912. Cf. Bouvard et Pécuchet, éd. Dumesnil, 1945, tome I, page 1 (Les Belles-Lettres, Paris) la description du canal Saint-Martin, au bord duquel se rencontrent les deux personnages de Flaubert et tome II, appendice p. 292, dans le texte de Maurice, la phrase sur la vie des deux greffiers, « uniforme et paisible comme l’eau du canal Saint-Martin. »