Les Amis de Flaubert – Année 1958 – Bulletin n° 13 – Page 42 et 63
Comptes rendus littéraires et Bibliographie
Sommaire :
Les Clés de l’Éducation Sentimentale, p. 42
‒ À propos d’un centenaire ‒ Madame Bovary, p. 43 ‒ Créations en littérature, par Jean Pommier, p. 43 ‒ E. W. Fischer, Une trouvaille : la Spirale de Gustave Flaubert, p. 44 ‒ Centenaire de Madame Bovary ‒ Sa création, p. 45-46 ‒ Un Convive au « Dîner d’Athées » de Barbey d’Aurevilly, p. 46 ‒ Flaubert par Jacques Suffel, p. 46-47 ‒ Madame Bovary, éd. 1957, Préface et Introduction de M. Paul Vernière, p. 47- 49
Journaux et revues qui veulent bien parler de notre bulletin, p. 50
Les Clés de l’Éducation Sentimentale
M. Jacques Suffel, dans un excellent article paru dans Les Nouvelles Littéraires (jeudi 16 octobre 1958) et parlant de l’Éducation Sentimentale, évoque les silhouettes de Mme Maurice Schlésinger, de Mme Delessert, de Suzanne Lagier, qui ont servi de prototypes pour les héroïnes du roman : Mme Arnoux, Mme Dambreuse et Rosanette Bron. Il y est aussi question de Mme Aglaë Sabatier (« la Présidente », car elle recevait chez elle des hommes de lettres au cours de banquets qu’elle présidait avec beaucoup de charme), que Flaubert nomma « l’insensible Présidente » et dont les biographes affirment qu’elle découragea l’amitié, pour ne point dire l’amour du romancier.
À propos d’un Centenaire — Madame Bovary
Dans l’Anneau d’Or, n° 74 (mars-avril 1957), édité à Paris, rue Gustave-Flaubert, n° 9…, M. Pierre-Henri Simon fait, à son tour, un excellent récit anecdotique de la parution de Madame Bovary en 1857. II accompagne ce récit d’extraits de critiques de l’époque, où l’on voit que non seulement les « conservateurs » criaient haro sur le roman, mais certains hommes de lettres, notamment Sainte-Beuve, déconseillaient la lecture de l’ouvrage. Le procès de février 1857 avait bien acquitté Flaubert, mais les attendus du jugement, particulièrement sévères ne cessaient d’impressionner les Bien-Pensants de l’époque.
Créations en Littérature, par Jean Pommier, Éd. Hachette, 1955
C’est avec quelque retard, dont nous nous excusons près de lui, que nous parlons aujourd’hui de cet ouvrage édité à la maison Hachette en 1955 et dans lequel notre savant ami, M. Jean Pommier, qui nous fait l’honneur et l’amitié d’être vice-président de la Société Flaubert, a reproduit les brillantes leçons d’histoire littéraire enseignées au Collège de France. L’opuscule, d’une centaine de pages, contient des Études sur Racine, Chateaubriand, Michelet, Balzac, Musset, Flaubert, Mallarmé.
Laissant à d’autres le soin d’apprécier à leur juste valeur les études d’un Racine et des autres Grands de notre Littérature, contentons-nous de dire combien l’étude sur l’œuvre de Gustave Flaubert nous a paru attrayante.
M. Jean Pommier, qui manie l’exégèse flaubertienne avec autant de talent que de loyauté, a analysé de remarquable façon la création littéraire de Madame Bovary.
Nous ne reviendrons pas sur les détails de cette création que, surtout à l’occasion du Centenaire, de nombreux critiques et gens de lettres ont examinée, analysée et décrite. Le grand mérite de M. Jean Pommier, c’est, « enjambant » en quelque sorte (pourquoi ne pas dire : ce fatras) d’affirmations reconnues aujourd’hui fragiles, d’avoir fixé l’origine du roman dans Flaubert lui-même.
« On voit aussi combien est vraie la fameuse phrase : « Madame Bovary, c’est moi ». Loin qu’il s’agisse d’un roman impersonnel, le livre de 1857 est, en réalité, signé Flaubert presque à chaque page, écrit le savant professeur au Collège de France, qui ajoute :
« Il suit de là que le critique a commis une lourde faute, en cherchant la clef de cette œuvre parmi les faits divers, dans l’histoire d’un ménage normand, les Delamare. Que de temps perdu à visiter Ry, à découvrir la Huchette ! […] Il faut débarrasser une bonne fois l’exégèse de Madame Bovary de tout cet attirail de fausses identifications… » (1)
Ah ! cher Monsieur Pommier, quel malheur que les critiques (même aux noms illustres), les journalistes, les lettrés et peut-être surtout les rédacteurs de Revues (surtout en couleurs !) n’aient pas assisté en 1955, à vos précieuses leçons du Collège de France. Le Centenaire de Madame Bovary eût compris peut-être moins d’illustrations et de clichés parfois, hélas ! truqués ; mais il nous eût donné une bonne édition critique du célèbre roman ce qui eût constitué la seule et véritable manière de glorifier l’homme et l’œuvre avec moins d’ostentation peut-être, mais avec plus de vérité.
(1) M. Jean Pommier cite en référence les Bulletins des Amis de Flaubert (n° 5 et 6) parus en 1954 et en 1955, où la question a déjà été traitée. Nous l’en remercions.
Centenaire de Madame Bovary. — Sa création
Au cours de sa séance du 10 mai 1957, l’Académie des Sciences, Belles-Lettres et Arts d’Angers a entendu une fort intéressante communication de M. le docteur Hébert de la Rousselière sur le centenaire de la parution du roman Madame Bovary.
Cette communication a fait l’objet d’un texte paru dans le Mémoire de l’Académie d’Angers et que nous avons eu plaisir à lire.
Sur un sujet que maintenant tous les Flaubertistes connaissent (mais on a toujours plaisir à en parler à nouveau), M. Hébert de la Rousselière a retracé en termes excellents « l’histoire » de la création du roman, ses difficultés de parution et le procès de février 1857.
Peut-être peut-on (amicalement) faire grief au distingué conférencier d’Angers d’avoir cité en références un numéro de Historia (celui à propos duquel nous avons cru devoir signaler à l’éditeur les quelques …erreurs de texte) et surtout le numéro de Paris-Match du 3 novembre 1956, fourmillant de fautes, d’invraisemblances et de non-sens, à tel point que notre Société a hautement protesté auprès de ce magazine (voir notre numéro 10 des Amis de Flaubert) et aussi d’avoir, si l’on peut dire, sauté à pieds joints sur « l’histoire des Delamarre » (d’ailleurs, Delamare s’écrit avec un r) — Bovary et d’avoir fait sienne, à titre de thèse, la légende des Delamare, de Ry, ou encore l’hypothèse, sans plus, de la dame Pradier, née d’Arcet. Nous sommes persuadés et sans le moindre orgueil que si M. Hébert de la Rousselière avait pu avoir connaissance des travaux d’exégèse auxquels se sont livrés plusieurs de nos amis (voir MM. Bosquet, Herval, Pommier et d’autres), il aurait vu qu’entre la légende et la réalité, il y a un monde et peut-être conclu comme M. Jean Pommier dans son récent ouvrage : Créations en Littérature :
« La critique a commis une lourde faute en cherchant la clef de cette œuvre parmi les faits divers, dans l’histoire d’un ménage normand, les Delamare. Que de temps perdu à visiter Ry, à découvrir la Huchette ! Comme toujours, quand il s’agit de « lieux saints », la légende a fait boule de neige. Il faut débarrasser une bonne fois l’exégèse de Madame Bovary de tout cet attirail de fausses identifications. Emma n’a pas borné ses courses à quelques localités de Basse-Normandie ; elle a accompagné son créateur dans tous les pays où celui-ci cueillait de l’expérience, pour l’en doter et l’en faire vivre. Les emprunts du romancier à l’histoire Delamare n’entrent donc que pour une part restreinte dans la combinaison géniale où Flaubert a utilisé non seulement son expérience, mais aussi maints souvenirs littéraires » (1).
Quoi qu’il en soit, il faut remercier et de grand cœur l’Académie d’Angers, son Président, M. Prestreau, et le conférencier lui-même d’avoir en leur province, si lettrée d’ailleurs, célébré avec beaucoup d’opportunité et de foi le centenaire de Madame Bovary.
Madame Bovary est un roman mondial et c’est bien le rôle des Académies de France de le dire et de le rappeler. Notre Société est heureuse d’en complimenter à ce sujet l’Académie des Sciences, Lettres et Arts d’Angers, ville où d’ailleurs Gustave Flaubert et Maxime du Camp se rendirent jadis en commun.
(l) Jean Pommier, Créations en Littératures, pages 12 et 13, Édit. Hachette, 1955.
Un Convive au « Dîner d’Athées » de Barbey d’Aurevilly
M. André Chastain, un de nos fidèles adhérents, vient d’écrire une remarquable thèse sur Barbey d’Aurevilly et sur le docteur Bernard Blény, évoqué par le romancier dans l’une de ses nouvelles des Diaboliques, intitulée : À un Dîner d’Athées. Disons remarquable, car non seulement le docteur Blény, qui vécut à Valognes et y exerça sa profession de 1809 à 1829, y est admirablement silhouetté, mais l’ouvrage de M. Chastain abonde de notes, dates, informations, références et remarques qui en font un modèle du genre.
Valognes, ce Versailles Normand, y revit ses heures délicieuses de la Restauration, et les personnages du lieu sont dépeints avec une précision unique dans le genre. Je donne en exemple les portraits de M. de Mesnilgrand (chez lequel eut lieu le fameux dîner décrit par Barbey) de Le Carpentier, ce Jacobin qui mangea à toutes les sauces, et du docteur Pontas du Méril, alors maire de Valognes et oncle de Jules Barbey d’Aurevilly.
L’ouvrage est accompagné d’une courte mais savante iconographie.
Il est à lire si l’on veut se documenter, à côté de celle de Flaubert, sur l’œuvre de son rude adversaire, Barbey d’Aurevilly, et il fait le plus grand honneur à M. André Chastain, qui — en sa qualité de Maître des Recherches au Centre de la Recherche Scientifique — a écrit un livre digne de la grande Maison.
JOURNAUX ET REVUES
qui veulent bien parler de notre Bulletin
Paris-Normandie du 10 octobre 1958 :
Dans sa critique littéraire et sous la signature de G. P., le Paris-Normandie veut bien signaler la parution du dernier Bulletin n° 12 et en vanter l’intérêt. Nous l’en remercions sincèrement.
Liberté-Dimanche du dimanche 26 octobre 1958 : Dans son numéro du dimanche 26 octobre 1958 et sous la signature Paul Leroy, la Liberté-Dimanche, éditée à Rouen, reprend, à titre d’information et sous la rubrique : « Message du Souvenir », la requête que notre Société avait adressée à la Municipalité Rouennaise pour l’entretien de la tombe Roquigny-Flaubert, au Cimetière Monumental de Rouen.
Souhaitons vivement que cette requête soit enfin entendue de la Ville de Rouen, et remercions Paul Leroy et la Liberté-Dimanche de nous aider à là faire aboutir.
Flaubert, par Jacques Suffel (Éditions Universitaires)
M. Jacques Suffel, attaché à la Bibliothèque Nationale, vient de publier aux Éditions Universitaires un ouvrage sur Flaubert, d’une réelle valeur. Possédant admirablement son sujet, M. Suffel, qui a déjà écrit de solides études sur Anatole France, a traité ce sujet de main de maître.
Persuadé — et combien a-t-il raison ! — qu’on ne peut juger sainement une œuvre et encore moins l’ensemble d’une œuvre sans connaître à fond la vie de son auteur, M. Jacques Suffel a écrit une Vie de Flaubert comme nous souhaiterions que tous les exégètes en écrivissent. Avec autant d’abondance que de précision, la chronologie flaubertienne, mois par mois, est un des modèles du genre. La vie de Gustave Flaubert est révélée en des pages d’un style alerte et véritablement prenant. On suit le romancier pour ainsi dire pas à pas, et la vie de la famille Flaubert s’y étale au grand jour. C’est une méthode excellente et cela nous repose et nous console de toutes ces petites Préfaces et Introductions ridicules d’étroitesse et de niaiserie — et aussi farcies d’erreurs — que nos chers Éditeurs croient utile de demander à des hommes de lettres qui se copient les uns les autres, ne savent pas grand’chose de Flaubert (je parle de son existence) et ignorent tout de notre province.
Ce travail d’exégèse biographique effectué, l’auteur n’a plus qu’à cueillir le fruit de ses travaux : à savoir l’analyse d’une œuvre qui n’est autre que la vie même de l’écrivain (La Bovary, c’est moi !) à travers l’effort littéraire du grand romancier.
Tous nos compliments à M. Jacques Suffel, excellent chartiste et biographe de la plus haute conscience.
Madame Bovary, édition 1957. Préface et Introduction
de M. Paul Vernière
Voici un ouvrage gentiment présenté, qui semble être une réédition antérieure de quelques années et qui mérite un nouvel hommage à l’œuvre désormais immortelle.
Il n’est malheureusement pas possible d’en dire autant de l’Introduction et de la Préface de M. Paul Vernière.
Tout d’abord, renouvelons nos réserves sur le fait pour certains critiques modernes d’atteler leur plume à un chef-d’œuvre pour le « présenter ». À vrai dire, Madame Bovary, qui est un chef-d’œuvre, n’en a certainement pas besoin.
Passe encore quand cette « présentation » est une œuvre d’exégèse au sens exact du mot, c’est-à-dire de complément à l’œuvre ; mais quand c’est une occasion de donner son avis personnel sur la valeur de l’ouvrage ; ou, pis encore, de l’encadrer d’erreurs manifestes (dates ou lieux) ou d’affirmations gratuites, le fait est profondément regrettable.
La double « présentation » de M. Paul Vernière a malheureusement tout cela.
Parlant de la famille Flaubert, M. Vernière écrit ceci :
« En dehors des vacances que le Docteur Flaubert passait à Yonville avec sa famille, en pleine campagne normande, l’enfance du romancier s’écoula dans l’enceinte du vieil hôpital… »
À Yonville ?… En pleine campagne normande ?
Nous ignorions qu’on avait — enfin ! — situé le bourg de Yonville dont il est fortement question dans Madame Bovary… Qu’il était situé en pleine campagne normande… et que la famille Flaubert y passait les vacances. M. Paul Vernière nous rendrait un bien grand service en nous disant où est Yonville ? Il doit confondre avec Déville-lès-Rouen qui n’est qu’un faubourg industriel de Rouen (et où la famille Flaubert avait effectivement une maison d’été), mais qui ne doit rien à Yonville (et réciproquement) et qui n’est pas plus situé en pleine campagne normande que Clichy n’est situé en pleine campagne de l’Ile-de-France.
Ailleurs. — « Bientôt vient l’âge du collège. Interne en 1832, puis externe à partir de la troisième… »
Erreur (minime il est vrai). Gustave fut interne en 1830 (il avait 9 ans à peine) et externe en 1836. (Voir les Archives de l’actuel Lycée Corneille, ex-Collège royal).
Plus loin. — « Il (Flaubert) ira faire son droit à Paris, à l’automne de 1840. Viennent alors trois années distraites […].. Il fréquente le salon du sculpteur Pradier, où il connaîtra bientôt Louise Colet ».
Erreur de dates et de lieux.
Flaubert fut reçu au baccalauréat le 23 août 1840. Après un voyage aux Pyrénées, à Marseille (où il connut Eulalie Foucaud de Lenglade) et en Corse, il revint à Rouen où il séjourna la fin de l’année 1840, l’année 1841 et les six premiers mois de l’année 1842, tout en prenant ses inscriptions de Droit à la Faculté de Paris et en se rendant de temps à autre à Paris pour y subir ou tenter d’y subir ses examens. Il réussit, péniblement, à obtenir le premier examen de sa licence en droit le 28 décembre 1842, et seulement aux alentours de cette date, s’installa à Paris. Il échoua à son second examen de sa licence en droit en août 1843 et renonça dès lors, en fait, à poursuivre ses Études de Droit, se contentant de ses premiers essais littéraires, et menant à Paris, avec Maxime du Camp et Louis de Cormenin, une existence plutôt quelconque.
C’est en 1843 qu’à Paris, il retrouva la famille Collier et connut les Pradier ; mais c’est seulement en 1846 (exactement juin 1846) qu’il connut Louise Colet.
Les événements dont parle M. Vernière (de la Faculté de Droit à Louise Colet) ne se sont pas déroulés en trois ans, mais en six ans, de 1840 à 1846, et les années « distraites » s’échelonnent même jusqu’en 1849.
Plus loin encore. — « Les deuils l’accablent. Sa sœur aimée, Caroline, meurt à 22 ans… Son père succombe peu après d’un phlegmon à la cuisse ».
Erreur. — C’est Achille-Cléophas Flaubert, le père, qui est décédé le premier, le 15 janvier 1846 ; Caroline Hamard, née Flaubert, sœur de Gustave, est décédée la seconde, le 20 mars 1846.
Plus loin encore. — « Il (Faubert) céda néanmoins aux instances de l’éditeur Michel Lévy, qui lui acheta le roman 500 francs pour 5 ans ».
Erreur. — Le manuscrit de Madame Bovary fut acheté 800 francs pour 5 ans.
Plus loin encore. — « La fille de sa sœur Caroline avait épousé, le 6 avril 1864, un marchand de bois de chauffage et de charpente de Dieppe, Ernest Commanville, et Flaubert avait généreusement financé l’entreprise de son neveu. La faillite de celui-ci, en 1875, entraîne la ruine de l’oncle : 1.200.000 francs engloutis, Croisset menacé… »
Erreur. — Flaubert n’avait aucunement financé l’entreprise de son neveu. Avec quoi l’eût-il fait d’ailleurs, puisque Gustave n’avait touché aucune part de l’héritage paternel demeuré indivis depuis 1846, date du décès de Flaubert père ; et qu’après le décès de sa mère (1872), la quasi-totalité de la fortune indivise des parents Flaubert fut attribuée à sa nièce ?
Commanville ne tomba pas en faillite ; ce fut (au sens juridique du mot) une déconfiture, terminée par des règlements amiables.
Ajoutons que le passif Commanville ne fut pas de 1 million 200.000 francs, mais de 600.000 francs (francs-or, bien entendu), mais que d’heureuses ventes (ferme de Deauville, notamment, vendue 200.000 francs) réussirent à combler une large partie du déficit Commanville.
Plus loin encore. — « Puis il (Flaubert) veut faire élever par la Municipalité de Rouen une fontaine surmontée du buste de Bouilhet ».
Erreur. — Flaubert ne demanda pas à la Municipalité de Rouen d’élever une fontaine à Bouilhet. Ce fut un Comité, présidé par Gustave Flaubert, qui rassembla les fonds, en souscription privée, pour l’érection de cette fontaine. La Ville de Rouen ne déboursa rien et se contenta de refuser l’offre du Comité, en 1873, qui ne demandait qu’un emplacement en Ville — ce qui mit doublement Flaubert en fureur — pour accepter d’ailleurs l’offre en 1879.
Dans le problème des Sources de Madame Bovary, M. Paul Vernière ne manque point d’évoquer le document Pradier dont on parle beaucoup depuis quelques années. Rappelons brièvement que le document Pradier — en l’espèce long récit tronqué et sans date, où une confidente ( ?) de Mme Pradier raconte les déboires de l’illustre épouse du grand sculpteur — consiste en une cinquantaine de pages reçues par Flaubert à une date indéterminée et classées par lui dans les brouillons et notes ayant servi à Bouvard et Pécuchet. Lesdifficultés d’argent de Mme Pradier (qui entraînèrent contre elle la nomination d’un Conseil judiciaire), n’ont aucun rapport avec celles, exposées au roman, de Emma Bovary et qui donnèrent d’ailleurs tant de mal à l’écrivain, renseigné sommairement par le notaire parisien Duplan et par l’avocat rouennais Nion, et nullement par le « document » Pradier.
Quant à l’assimilation des mariages Pradier et Bovary, il faut être prudent. Si Charles Bovary, dans le roman, meurt brusquement, n’en concluons pas que Flaubert a reproduit ici le brusque décès de James Pradier, arrivé effectivement en 1852. M. Jean Pommier a indiqué récemment (Créations en Littérature, édition 1955, page 18), que la chronologie des Scénarios prouve que le décès inopiné de Charles Bovary avait été prévu avant le décès de James Pradier, arrivé en juin 1852.
Que ceux qui nous feront l’amitié de nous lire ne concluent pas en notre sévérité. À maintes reprises, nous avons proclamé que Madame Bovary est un chef-d’œuvre ; nous ne voyons d’autre méthode en l’exégèse d’un chef-d’œuvre, que de se hausser jusqu’à lui pour l’analyser et l’illustrer davantage. Pour reprendre l’expression moderne, il faut se placer « au sommet » et non point au pied ou à côté de l’œuvre qu’on a la prétention de préfacer.
Il est infiniment regrettable que — à l’instar d’autres critiques dont beaucoup portent des noms bien connus — M. Paul Vernière n’ait pas eu la précaution de faire « superviser » son texte avant de le publier À ce sujet, notre Société l’eût volontiers aidé en cet art de vérifier les dates et si cette Société, vieille déjà de plus de cinquante ans, lui eût semblé par trop provinciale, M. Vernière eût trouvé en la Capitale de très savants et surtout de très consciencieux flaubertistes dont les avis lui eussent évité de ces erreurs qui, si elles n’atteignent pas la valeur désormais immortelle d’un roman ayant fait le tour du monde, n’en restent pas moins nettement préjudiciables au dessein même (et c’est peut-être le plus triste) de celui qui, après Flaubert, prend la plume pour en diffuser les œuvres (1).
- Dans la même collection, L’Éducation sentimentale (édition 1957) est amorcée d’une préface qui reproduit exactement – en ce qui concerne Gustave Flaubert, sa vie et mœurs – le texte de celle de Madame Bovary et, par conséquent, répète les mêmes erreurs que celles décelées ci-dessus. Pas de chance !
Au Comité Bovary – Petites notes étudiées
Sous cette simple indication, le Comité Bovary, que préside M. René Vérard, vient de publier, à la ronéo, une très intéressante étude sur les Origines et les Sources de Madame Bovary. L’histoire n’est pas neuve, les polémiques non plus d’ailleurs. Mais le travail du Comité Bovary est sérieux et demande à être lu, et, pour les exégètes, à être commenté.
Il y a, bien sûr, comme en tous travaux de ce genre, des passages meilleurs que d’autres, surtout en la matière où M. René Vérard, l’auteur de ce vigoureux travail, entend bien établir la solidité de la thèse : Yonville = Ry et les Bovary ; les Delamare et aussi Homais = Jouanne fils, car notons en passant qu’en un exposé, d’ailleurs saisissant, l’auteur de ce texte ne s’arrête plus à Jouanne père, comme on le proposait jadis, mais à Jouanne fils qui se rapproche, il faut le reconnaître, singulièrement de Homais. L’étude du Comité Bovary est d’autant plus courageuse et méritoire qu’elle se heurte à l’affirmation de Flaubert lui-même : « Aucun modèle n’a pesé pour moi… C’est une histoire totalement inventée… » affirmation (comme d’autres de l’écrivain) dont le temps a fait, il est vrai, justice, et qu’elle se heurte aussi à l’idée de plus en plus développée par les analystes, à savoir que Madame Bovary est un roman composite (une chimie littéraire comme l’écrivit jadis M. Jean Pommier) avec des éléments de personnages, de caractères et de lieux , pris çà et là par le romancier et assemblés par son créateur.
Mais, ne craignons pas de le répéter, l’œuvre d’exégèse qui nous a été transmise est sérieuse. Nous serons heureux, si nous ne pouvons pas tout publier de ces 72 pages, d’en livrer dans le prochain Bulletin et le plus possible, à la lecture de nos correspondants et de nos amis.
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