Les Amis de Flaubert – Année 1961 – Bulletin n° 18 – Page 55
Les Cheminots et Gustave Flaubert
Gustave Flaubert, au robuste appétit, adorait les cheminots et en usait volontiers. N’écrivait-il pas dans Madame Bovary que le pharmacien « Homais en avait rapporté de Rouen pour sa femme, six, enveloppés dans son mouchoir pour les tenir au chaud, probablement ».
« Madame Bovary, ajoute notre célèbre romancier, aimait beaucoup ces petits pains lourds en forme de turban que l’on mange pendant le carême avec du beurre salé, dernier échantillon des nourritures gothiques qui remonte peut-être au siècle des Croisades et dont les Normands s’empiffraient autrefois, en croyant voir sur les tables, à la lueur des torches jaunes, entre les brocs d’hydromel et les gigantesques charcuteries, des têtes de Sarrasins à dévorer ».
Ce Flaubert avait bien de l’imagination et, s’il tenait tant à parler du cheminot dans son roman, c’était, avait-il écrit à son ami Louis Bouilhet, « parce que mon livre serait incomplet sans les dits turbans puisque j’ai la prétention de peindre Rouen. Je m’arrangerai donc pour qu’Homais raffole des cheminots ».
Jean-Baptiste Corot, qui s’illustra par ses paysages, raffolait aussi des cheminots et tout jeune, alors qu’il suivait les cours du Lycée de Rouen, il en avait pris le goût. Par la suite, lorsque Bouilhet, avec qui il était resté en excellents rapports d’amitié, allait lui rendre visite à Paris, il ne manquait jamais de lui en apporter une douzaine.
Liberté-Dimanche, Dimanche 27 Novembre 1960.