Les Amis de Flaubert – Année 1959 – Bulletin n° 15 – Page 55
Autographes de Flaubert et de Maupassant à Dieppe
M. Maurice d’Hartoy, qui connaît tout aussi bien l’œuvre de Flaubert que celle de Maupassant, a exposé cet été à Dieppe, à la librairie Vidière, plusieurs autographes des deux écrivains.
À cette exposition, l’accent est particulièrement mis sur l’étude que M. Maurice d’Hartoy consacra à Guy de Maupassant et où il releva avec la publication de ses « Conseils à une femme de lettres », un aspect peu connu de sa personnalité. Il arriva à l’auteur de « Bel Ami » d’écrire à l’adresse d’une débutante qui lui avait soumis un manuscrit par l’intermédiaire de Jeannine Alexandre-Dumas, fille cadette du romancier une lettre dont l’esprit et le ton s’élèvent au-dessus de la correspondance ordinaire. Moins qu’un manifeste, c’est une prise de position. On y lit des phrases de ce genre :
« Du moment que l’idée d’argent à gagner, même d’économie domestique, se mêle à la fièvre secrète qui fait germer les idées, c’est que cette fièvre n’existe pas. Alors que cette femme fasse n’importe quoi, mais pas de littérature… ».
C’est pour présenter dans un décor d’authenticité que le libraire expose plusieurs manuscrits de Guy de Maupassant et de Gustave Flaubert. II s’agit d’un texte particulièrement intéressant : un poème qu’écrivit Guy de Maupassant alors qu’il était encore élève du Lycée de Rouen. Sur un somptueux papier frappé de ses Initiales surmontées de la couronne de marquis — détail… — le jeune Guy de Maupassant a écrit de sa plume aiguë, une trentaine de vers d’une cruauté désespérée, mais consciente d’elle et finalement vaniteuse.
La jeunesse n’est plus, notre race abattue
En fait une taverne où tout se prostitue.
Celui qui veut entrer doit laisser sur le seuil
Tout ce qui lui restait de courage et d’orgueil.
Deux lettres figurent dans la vitrine : l’une adressée à Guy de Maupassant que l’auteur de Madame Bovary appelle « Mon Bon » et qu’il achève par cette formule : « Comptez sur votre vieux ». L’autre a été envoyée à Tourgueneff entre le 5 et le 10 août 1871 ; Flaubert invite l’écrivain russe dans sa « cabane » de Croisset.