Les Amis de Flaubert – Année 1961 – Bulletin n° 19 – Page 82
La Statue de Flaubert à Rouen
On se souvient que la magnifique statue de Gustave Flaubert, sise à Rouen, rue Thiers, au long de l’église Saint-Laurent fut enlevée sur l’ordre conjoint des autorités occupantes et de l’administration française de l’époque.
Cette statue d’un bronze et d’une facture admirables — encore qu’on en ait pris le moulage, lui aussi disparu — n’a jamais été récupérée, mais grâce à la maquette conservée dans la famille du sculpteur Bernstamm, la statue fondue à nouveau sera replacée à Rouen.
Reste l’emplacement. À ce sujet, une très courtoise polémique s’est engagée dans la presse et dans les conditions que voici :
Dans le Liberté-Dimanche du dimanche 4 juin 1961, M. Roger Parment, en sa rubrique Un Rouennais parle aux Rouennais, écrit ceci :
L’heure a sonné de nous ramener la Statue de Flaubert
Corneille devant le futur Théâtre des Arts, Boieldieu place du Gaillardbois, il ne reste plus que Flaubert dans les coulisses de la ville. Au théâtre de la rue, le bronze de Bernstamm ferait pourtant bonne figure.
Le docteur Rambert, adjoint aux Beaux-Arts souhaite vivement que les disponibilités favorisent la réapparition de la superbe effigie de l’auteur de Madame Bovary.
Mais où rétablir cette statue qui cadrait si bien, dans la verdure qui lui servait de décors, avec l’église Saint-Laurent, rue Thiers ?
Pour sa part, le docteur Rambert ne verrait aucun inconvénient à ce que l’œuvre de Bernstamm retrouve son ancien emplacement. Beaucoup de Rouennais — j’en suis — pensent de même. Flaubert n’y verrait sans doute qu’avantage. Car il y a là certaine fontaine Louis-Bouilhet bien faite pour réjouir ses mânes.
Cependant, il faut tenir compte d’avis différents. Les « Amis de Flaubert », toujours dévoués, toujours préoccupés de servir la gloire de leur grand homme, préconisent un transfert de la statue rue Thiers, certes, mais le long du square Verdrel, à l’endroit où existent encore présentement des magasins provisoires.
Ces « baraquements » disparus, on ne restaurera pas les grilles du jardin. On repoussera de quelques mètres les limites de la clôture d’autrefois. Flaubert n’y logerait-il pas avec honneur et confort ?
Il y a aussi des esprits attentifs qui voudraient que la statue soit orientée vers l’Hôtel-Dieu (pavillon natal) et Croisset (habitation). N’est-ce pas aller loin dans le souci de l’hommage ?
à quoi M. Toutain-Revel a écrit le 6 juin pour suggérer que la statue de G. Flaubert fût mise en place non point au long de l’église Saint-Laurent (pour les raisons exposées dans la lettre) mais un peu plus loin, dans le square Verdrel, au long de la rue Thiers et face à la rue du Basnage, d’où un deuxième écho dans le Liberté-Dimanche du 11 juin 1961 et ainsi conçu :
Faut-il réinstaller Flaubert à son ancien emplacement ?
Nous recevons du président des Amis de Flaubert, M. Jacques Toutain-Revel, cette lettre :
« Tout en rendant hommage à la persévérante idée du sympathique adjoint aux Beaux-Arts, le docteur Rambert, nous ne pensons pas que la remise en place au loin de Saint-Laurent soit heureuse. Là, se trouve un monument architectural de spacieuse ordonnance, entouré de beaux feuillages parfaitement bien entretenus et dont on aurait tort, tout au moins maintenant (quand la statue de Flaubert fut posée en 1907 il n’y avait aucun agencement) d’interrompre la belle ligne médiévale par la pose d’une statue moderne.
« Un peu plus loin, face à la rue des Basnages et quand les baraquements auront disparu — espérons, tout respect gardé pour les actuels occupants, que le délai de deux ans envisagé ne sera pas prorogé — il y aura un emplacement possible en quinconce. La grille, inesthétique, aura, nous l’espérons, disparu et le grand Flau sera comme chez lui, entre Bouilhet et Maupassant.
Et puis il regardera avec tendresse et fierté tout à la fois vers l’Hôtel-Dieu et vers Croisset. La réédification de la statue à cet endroit alliera la matérialité au symbole et ce ne sera pas si mal.
« Voilà notre vœu, aidez-nous à le réaliser ».
Pourtant, mon cher président, peu de Rouennais se choqueraient de la restauration de la statue à son ancien emplacement. Surtout s’il faut encore attendre deux ans, surtout si une nouvelle implantation nécessite des travaux relativement importants. Le long de Saint-Laurent, en raison de l’excellent aménagement existant, leur coût sera certainement moins élevé. Or, cela entre en ligne de compte.
Pour ma part — tout en reconnaissant bien sûr la légitimité de votre vœu — je m’en tiens à Saint-Laurent.
Quant à la position entre Bouilhet et Maupassant, l’argument semble difficilement recevable, en ce qui concerne le second nommé qui tournerait le dos à Flaubert. D’ailleurs, il faudra bien, un jour, qu’on rehausse l’hommage de Rouen à l’auteur de Boule de Suif. Dans le cas d’un monument digne de sa gloire universelle, que diriez-vous, précisément, d’un bord de la rue Thiers ?
Nous en sommes là. Souhaitons que la statue de Bernstamm soit prochainement réinstallée.