Les Amis de Flaubert – Année 1963 – Bulletin n° 22 – Page 43
Admiration de Juliette Adam pour Salammbô
Un souvenir de 1862
« … Le grand événement littéraire des derniers jours de l’année est l’apparition de cette Salammbô de Flaubert, dont on parle depuis si longtemps, car tous ses amis en ont entendu des extraits.
» Mme Sand, pour la première fois, n’attend pas une de mes lettres pour m’écrire. Et elle me parle de Salammbô. « Il faut lire cela, me dit-elle, c’est une œuvre superbe, de celles qui marquent à tout jamais dans un temps.
» Je le répète à tous : « C’est un livre de siècle ». Croyez-vous que cet affreux Edmond de Goncourt, après une lecture de plusieurs morceaux de Salammbô, chez moi, est allé répétant partout que c’est du faux Orient algérien-tunisien, trop travaillé avec des phrases de gueuloir. Lisez-le et écrivez-moi vos impressions ».
» Je lis Salammbô avec admiration pour l’ampleur et la puissance des tableaux, pour la vérité des reconstitutions, malgré toutes les inepties qui s’impriment sur des détails dont Flaubert, avec ses scrupules, doit être sûr, et je le lis en même temps avec la crainte de mal traduire cette admiration à George Sand. Jamais je n’aurais pu juger Salammbô si je n’avais connu le midi et ses journées éblouissantes qui, seules, peuvent faire comprendre la vie africaine au dehors et le mystère de l’ombre dans les temples.
» J’écrivis à Mme Sand mon émotion de nature, d’art, d’histoire. J’ai toute mon enfance préféré Carthage à Rome, que je haïssais, moi, gallo-grecque.
» Mme Sand me répondit très vite qu’elle a aimé ma lettre et l’a fait aimer à Flaubert… »
Juliette Adam (Juliette Lamber)
(Mes premières armes littéraires et politiques, p. 383).