Les Amis de Flaubert – Année 1971 – Bulletin n° 38 – Page 3

Éditorial

Maintes fois, nous avons attiré l’attention de nos membres sur la condition précaire et toujours difficile de nos petites sociétés savantes locales, dont la plupart, malheureusement, ne subsistent que par le dévouement et l’opiniâtreté de quelques dirigeants, sans lesquels, elles seraient disparues sans bruit. Elles ont toujours vécu difficilement, mais il fut un temps qui semble s’être arrêté avec la guerre de 1914, où une bonne partie de la population instruite et aisée aimait y participer intellectuellement et financièrement. Il y avait peut-être une certaine vanité locale dans son comportement et les mécènes, car il y en eut, ont pratiquement disparu avec la chute de la monnaie, deux guerres, les tiers provisionnels et les droits successoraux. Les départements et les villes ne les subventionnent pas suffisamment pour que les travaux de leurs membres, minutieusement préparés, puissent paraître régulièrement dans des bulletins de moins en moins épais, à mesure que les années s’accumulent. Les chercheurs locaux, qui ne se croient pas des savants, deviennent de moins en moins nombreux. Avec leur travail au compte-gouttes, ils forment un antagonisme avec la société moderne basée sur la puissance de l’énergie et la rapidité de l’exécution. Et pourtant, ce sont peut-être eux les sages et les prévoyants.

Pour notre part, nous avons constaté que, malgré une gestion prévoyante, nos dépenses ont dépassé l’an dernier nos recettes de 200 francs, ce qui est peu, mais est un indice. Ce déficit est uniquement dû à l’augmentation sensible des tarifs d’imprimerie et des frais postaux, de l’ordre de 20 %. Nos deux bulletins, envoi compris, avoisinent 6.000 francs, ce qui représente l’apport de cotisations de 500 membres, effectif jamais atteint. Des subventions nous aident un peu, mais elles n’ont pas varié depuis de nombreuses années. Pourtant, nous croyons être parvenus à publier un bulletin qui rivalise avec d’autres, comme ceux de Proust, Stendhal, Zola, et d’avoir une bonne cote nationale et internationale. Toutes les sociétés savantes, vraiment actives, qui ne se bornent pas à faire de la figuration, vivraient convenablement si elles recevaient d’une manière ou d’une autre 3.000 francs de subventions de leur ville et de leur département. Et l’on peut se demander, si une sorte de recherche scientifique régionale ou interdépartementale ne serait pas souhaitable. Car, à côté des travaux de nos membres, il ne faut pas oublier nos congrès régionaux, et les maîtrises des jeunes, les thèses de doctorat, dont l’impression serait toujours fort utile autant que logique, au lieu de demeurer inconnus des chercheurs. Nos recherches sont une œuvre collective et qui ne prennent de valeur qu’à condition d’être connues de ceux qui s’intéressent à nos questions.

Pour les Amis de Flaubert, nous pensons que nous devrions compter deux cents membres dans la région rouennaise, autant pour le reste de la France et une centaine à l’étranger. Nous relevons seulement une soixantaine de membres dans la région rouennaise, mais nous en comptons plus d’une centaine à l’étranger. Un certain patriotisme local devrait jouer du côté de Flaubert, et c’est surtout par là, que nous voudrions parvenir à un effectif plus élevé et plus logique. Car, il nous semble que tous ceux qui s’intéressent plus ou moins au mouvement intellectuel régional, devraient contribuer par une somme annuelle et globale de 100 francs, à diverses sociétés culturelles qui répondent à leurs préférences. S’il en était ainsi, toutes nos sociétés vivraient convenablement et c’est ce qui importe. Les sociétés modestes que nous sommes ne vivent pas seulement d’encouragements, de l’air du temps : les cotisations de leurs membres et les subventions sont leur oxygène vital. Sans quoi, dans quelques années, elles ne seront plus qu’un souvenir.

Il nous est agréable de publier un article concernant Maupassant dans ce présent numéro. Nous souhaitons qu’il en soit de même dans les suivants, car nous croyons à l’utilité de la variété. Nous pensons à plusieurs, qu’avec Flaubert, tous ceux qui ont été plus ou moins ses amis, même ses adversaires, et ceux qui s’en réfèrent, ont place dans ce bulletin. Multiplier à l’infini les sociétés pour le souvenir d’un auteur est bien, mais nous sommes dans une société où les concentrations de tout genre deviennent nécessaires et vitales. Et pour nous, toute l’époque entre 1830 et 1880 et peut-être jusqu’à 1900, qui a été influencée ou irritée par Flaubert, doit trouver sa place naturelle dans notre bulletin. Tel est notre vœu, notre souci et nos espérances.

André Dubuc