Les Amis de Flaubert – Année 1978 – Bulletin n° 53 – Page 3
Parution d’ouvrages sur deux amitiés de Flaubert
Éditorial
Maxime Du Camp
Malgré les difficultés actuelles de l’édition et de la chute des ventes de livres longuement élaborés, il faut se réjouir des téméraires et des audacieux qui tiennent à publier des ouvrages importants. Ainsi, nous sont parvenus deux livres qui devraient intéresser nos lecteurs, puisque l’un est consacré à la publication des lettres de Maxime du Camp à Flaubert et l’autre à l’étude approfondie de l’amitié fervente de George Sand pour l’ermite de Croisset.
Le premier est édité en Italie, les lettres sont naturellement publiées en français, les notes nombreuses en italien, ce qui est regrettable pour ceux qui ne sont pas familiarisés avec cette langue. Ces 142 lettres s’échelonnent de 1844 à 1880 et sont annotées par deux fervents flaubertistes : Giovanni Bonaccorso qui a publié des articles dans notre bulletin et Rosa Maria di Stefano. Souhaitons que le sujet intéresse un jour un éditeur français, afin que ces notes soient à la portée des francophones. Cet ouvrage paraît important, car la lecture de ces lettres rectifie une opinion ancienne, mais maintenue, à propos de Maxime du Camp.
Flaubert et Du Camp n’avaient pas la même conception de vie littéraire. Du Camp, Parisien mondain, a fini à l’Académie Française, ce qui fit sourire Gustave au moment. Il est certain que Du Camp n’avait pas le talent de Flaubert. Ses livres sont oubliés, sauf peut-être ses Souvenirs Littéraires que l’on reprend justement à cause de ce qu’il dit de son compagnon de Bretagne et d’Orient.
Il a semblé, après la mort de Flaubert, qu’il avait mal agi, en déclarant que Flaubert était sujet à des attaques d’épilepsie depuis sa jeunesse, ce qui d’ailleurs se chuchotait à Rouen, depuis toujours, mais n’avait jamais été écrit de son vivant. Sa nièce Caroline a réagi avec vigueur et Maupassant également. Si bien que l’opinion s’est faite que Maxime du Camp avait voulu abaisser après sa mort, son ancien ami. L’épilepsie est une maladie, comme une autre, et non pas une maladie honteuse. Or, on considérait en 1880, que l’épilepsie était à mettre sur le même pied que la folie et qu’il valait mieux ne pas en parler, pour garder l’honneur des individus et des familles. La lecture de ce livre et de ces lettres dont quelques-unes sont fortement égrillardes et inattendues, que les hommes d’aujourd’hui n’écriraient pas à leurs plus proches amis, la conception de la femme objet charnel, montrent à notre avantage, la transformation sensible des mœurs. Ce que l’on tire de cet ensemble de lettres, dont quelques autres ont été égarées ou brûlées volontairement, c’est que leur amitié a été constante et fraternelle depuis 1844 à 1880.
Le genre de vie parisienne de Maxime ne plaisait pas à Gustave, son amour des honneurs encore moins, mais cette publication réhabilite celui qui les a écrites. Maxime du Camp n’a pas voulu ternir Flaubert, mais seulement dans ses Souvenirs Littéraires apporter un témoignage précis et réel. Nous devons tous nous réjouir de cette publication.
George Sand
L’autre ouvrage, celui de Claude Tricotel, a trait à l’histoire de l’amitié Flaubert -Sand sous le titre de : Comme deux troubadours. Avant tout, l’auteur a recherché tous les éléments qui ont constitué cette solide admiration réciproque : histoire événementielle littéraire sans doute, mais ce genre n’est pas à dédaigner, si aujourd’hui des critiques intéressés par la psychanalyse le pensent suranné. Travail de préparation de longue haleine, Claude Tricotel, a pu compulser les carnets de George Sand et notre ami George Lubin, qui continue avec ténacité la publication de sa correspondance, lui a été une aide constante. En exergue, cette citation de Flaubert à George Sand : nous sommes « deux vieux troubadours, croyant à l’amour, à l’art, à l’idéal, et chantant quand même, alors que le monde siffle et baragouine. Nous sommes les jeunes fous de cette génération. Ce qui va nous remplacer s’est chargé d’être vieux, blasé, sceptique à notre place… ». La lecture est agréable et elle nous apprend au fil des pages, des observations et des informations que nous ignorions. Aussi, pensons-nous que ce livre, sagement mûri, sera fort utilisé par tous ceux qui se penchent sur la vie de ces deux écrivains.
Nous nous plaignons dans le précédent bulletin de la baisse sensible des ouvrages et des articles consacrés à travers le monde à Gustave Flaubert, mais la publication de ceux-ci nous rassure et nous en font espérer d’autres.
André DUBUC
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Il est bon d’aviser nos fidèles correspondants, que l’avance d’articles est complètement épuisée et que nous sommes inquiets pour la publication du prochain bulletin afin qu’il paraisse avec un nombre de pages égal à celui-ci. Nous espérons que Français et Étrangers, nous adresseront bientôt des articles qu’ils ont en réserve ou en cours de préparation, et que des professeurs insisteront auprès de leurs étudiants en maîtrise pour nous donner, sous forme d’articles, le résumé de leurs travaux.