L’avenir du bulletin des Amis de Flaubert

Les Amis de Flaubert – Année 1982 – Bulletin n° 61 – Page 3

 

 

L’avenir du bulletin des Amis de Flaubert
Éditorial

On édite des journaux, des revues, des livres de plus en plus. Il semble donc qu’on doit lire davantage, et cependant nous avons l’impression qu’on lit moins d’ouvrages de qualité et de réflexion qu’autrefois. Il n’y a plus la rage de lire chez les adolescents d’aujourd’hui. Combien d’hommes et de femmes étaient devenus instruits par une lecture abondante. Les jeunes sont attirés par d’autres attraits. De plus, les études littéraires n’ont plus la cote primordiale et beaucoup de jeunes, malgré leur penchant, doivent se résigner à se tourner vers les études purement scientifiques pour être davantage assurés de trouver des débouchés et une situation plus certaine. Nous le constatons depuis une quinzaine d’années avec naturellement une pointe d’amertume et nous ne pouvons y remédier. L’évolution de la société a été rapide avec un développement accru de l’égoïsme personnel, professionnel et social. Parler de bénévolat aujourd’hui fait sourire et vieux jeu. Travailler pour rien financièrement est devenu impensable. Pourtant, dans un passé encore récent, il s’est trouvé des gens en petite quantité pour servir des années durant une ou des causes qui leur paraissaient justement utile et nécessaire. Combien de petites sociétés ont vécu ainsi ?

C’est ainsi que notre société a vécu et prospéré matériellement grâce à un petit contingent qui a tenu bon. Il ne faut pas uniquement incriminer la jeunesse. Combien de personnes parvenues à l’année de leur retraite qui pourraient meubler leurs heures creuses et souvent d’ennuis par leur dévouement à de petites sociétés qui ne peuvent vivre et survivre qu’à cette condition de trouver quelques dirigeants dévoués et désintéressés ?

Nous sommes encore, aux Amis de Flaubert, deux ou trois vraiment fidèles qui s’emploient à la faire vivre, presque survivre. Nous ne demandons pas à être plaints. Mais après nous ? Andrieu et moi serons bientôt octogénaires. Nous savons pertinemment qu’un jour l’état de notre santé diminuera ou nous glacera. Depuis quelques années, nous aurions aimé trouver et former quelques jeunes pour continuer une action vieille de plus de trente-cinq ans, et nous ne voyons personne pour s’y intéresser. Ce manque de relais est grave à nos yeux. Notre bulletin paraît régulièrement, mais notre effectif diminue. Les plus âgés toujours fidèles disparaissent sans être suffisamment remplacés ; la crise économique actuelle joue aussi. L’inflation n’a jamais été favorable aux sociétés intellectuelles.

Chaque année, nous tenons à mettre le doigt sur cette dure réalité. Il nous est toujours désagréable de demander des augmentations de cotisations, mais elles nous sont nécessaires pour paraître et durer. Un assez grand nombre le comprend. Montrez-vous donc généreux dans l’envoi de votre cotisation de 1983. C’est la seule satisfaction que nous demandons au regard de notre dévouement.

André Dubuc