Samedi 15 mars, 9h, Hôtel des Sociétés savantes, 190 rue Beauvoisine 76000 Rouen Journée organisée par Ashvini Chandrakumar Entrée libre et gratuite
9h. Accueil 9h15. Ashvini Chandrakumar : Présentation de la journée
« DE LA MUSIQUE AVANT TOUTE CHOSE » (Paul Verlaine, « Art poétique »)
9h30. Damien Dauge : Flaubert et l’hypothèse d’un modèle musical 10h. Elisabeth Himber : Maupassant et Schopenhauer : pour une symphonie du tragique… « Peindre à mille vibrations le coup reçu » 10h30. Pause 11h. Pierre Fleury : Étude génétique du rythme de la phrase chez Flaubert 11h30. Pierre Albert Castanet : À propos de quelques déclinaisons musicales de Madame Bovary au XXe siècle
12h30. Déjeuner In situ, allée Delacroix (sur réservation)
« OH ! LA POHÉSIE, QUELLE PENTE ! » (Flaubert à Louise Colet, 1er-2 octobre 1852)
14h30. Yvan Leclerc : Pourquoi Flaubert n’a pas écrit de poésie 15h. Ashvini Chandrakumar : Au Soleil, Sur l’eau et La Vie errante : l’accomplissement poétique de Maupassant 15h30. Pause 15h45. Catherine Botterel : « La Chevelure » de Maupassant, une nouvelle « Ballade des Dames du temps jadis » de Villon : une poétique de l’entre-deux, entre fantastique et expression du « je » 16h15. João Daniel Martins Alves : Traduction commentée de Guy de Maupassant poète
Lectures par Joël Dupressoir et Clément Krieg
« C’est l’oreille qui engendre le musicien, l’œil qui fait naître le peintre. Tous concourent aux sensations du poète », Guy de Maupassant, « La Nuit », L’Écho de Paris, 10 janvier 1890.
Assemblée générale de l’association des Amis de Flaubert et de Maupassant
28 septembre 2024
Rapport moral Vie de l’association des Amis de Flaubert et de Maupassant pour l’année 2023-2024
Bilan
Notre programme
de la saison 2023-2024 a été équilibré sur les deux
auteurs, grâce au thème mis au programme pour tous les musées de
la Métropole de Rouen, celui du fleuve, ou plutôt des fleuves au
pluriel, mais évidemment au premier plan celui qui coule à Rouen.
Quand nous avons appris ce choix, nous nous sommes dit que notre
association pouvait le reprendre à son compte, puisque nos deux
auteurs ont un rapport spécial à la Seine, un rapport personnel et
passionnel, physique avec le fleuve. D’où l’idée d’organiser
deux journées, une pour chacun des auteurs, journées rythmées par
des lectures, assurées le plus souvent par l’association « Le
Lire et le Dire » de Canteleu, et aussi par d’autres
lectrices et lecteurs de notre association.
D’abord une journée consacrée à Flaubert parce qu’il a vécu la plupart
du temps à Croisset pendant la deuxième moitié de sa vie. Il contemple la Seine de son cabinet de travail, au premier étage de la
maison, et il s’y baigne. La journée d’étude consacrée à Flaubert, « la Seine sous mes fenêtres », en novembre,
s’est terminée par une visite de l’exposition « Miroirs de la Seine : chez Flaubert et au-delà »,
présentée au Musée Flaubert et d’histoire de la médecine, sous la conduite de Jean-Baptiste Chantoiseau.
Cette journée sur Flaubert et la Seine à Croisset a précédé de
quelques mois la sortie du troisième et dernier hors-série des Cahiers Flaubert-Maupassant
issus du bicentenaire. Après « Flaubert au collège »,
dirigé par Joëlle Robert, et « Flaubert politique »,
dirigé par François Vannoosthuyse et Yvan Leclerc, le n° 43
est sorti au printemps : « Les Flaubert et leur maison à
Croisset », dirigé par Guy Pessiot, résultat de quatre années
de travail avec une dizaine de collaborateurs, conçu comme un vrai
livre, et un beau livre, avec une iconographie abondante et souvent
inédite, qui raconte toute l’histoire de la propriété et de la
maison, depuis les origines jusqu’à aujourd’hui, et même
au-delà, puisqu’à la reconstruction physique, un peu comme
Flaubert voulait ressusciter Carthage dans Salammbô,
s’ajoute la perspective d’une reconstitution numérique
virtuelle, déjà entamée par les élèves de l’école
d’architecture de Rouen. Ce volume, comme les précédents, a reçu
l’aide du CNL, à la fois soutien financier (1.885 euros)
et caution scientifique pour la qualité de notre travail éditorial,
assuré par le comité de lecture des AFM.
Maupassant aussi a vécu au bord de la Seine, d’une manière plus discontinue
que Flaubert, à Argenteuil, Bezons, Sartrouville et Triel, dans la
Seine et sur la Seine plus souvent que lui, en canot ou en yole,
entre 1873 et 1883, marin d’eau douce avant de devenir marin en
haute mer. Pour Flaubert, nous étions sur place, à Rouen, in situ,
à Croisset, à côté. Mais pour Maupassant, il fallait se déplacer,
remonter la Seine jusqu’à la sortie de Paris. D’où
l’organisation d’un week-end complet, sur le modèle des deux
journées organisées en mai 2023 à Médan : une journée
d’études à Rouen pour les textes et les images, en particulier le
film de Renoir, Partie de campagne, que nous avons eu le privilège de voir dans une version restaurée
grâce à Jean-Baptiste Chantoiseau, puis une sortie en car sur les
lieux : on part en voyage avec arrêts chez Tourgueneff à
Bougival (Catherine Guidoux, présidente de l’ATVM, « Association
des Amis d’Ivan Tourguéniev, Pauline Viardot et Maria Malibran »,
et Anne Faudais, Christine Dezaunay, chef de cabinet du maire), le
musée de la Grenouillère à Croissy, déjeuner à Chatou, dans
l’île des impressionnistes, visite de l’Atelier Sequana (avec
mes retrouvailles de « Madame », le canot de Maupassant
reconstruit à l’identique, inauguré le 3 octobre 2015,
Joëlle Robert étant alors la marraine du bateau).
Maupassant nous a fait voyager plus loin que les boucles de la Seine à la
sortie de Paris : jusqu’en Angleterre. Il y a séjourné
pendant la première quinzaine d’août 1886, à Londres, Oxford et
au château
de Waddesdon, où il a été invité à une fête par Ferdinand
de Rothschild, rencontré à Paris ou à Étretat. Dans une
lettre à Maupassant envoyée avant le voyage, Paul Bourget
qualifiait Waddesdon de « palais d’Aladin » :
« Good bye, my boy. Saluez pour moi Ferdinant de R… (prononcez
Rotschaïlde) et l’éléphant extravagant qui est dans le couloir
du bas de son château. / Yours truly. / Paul Bourget. » L’éléphant extravagant est
toujours là…
Les archives du château conservent trois lettres inédites de Maupassant
au baron, dont nous avons pu prendre copie, et qui figureront dans
l’édition en cours de la Correspondance. Catriona
Seth nous a ouvert les portes du château pour une visite privée.
Grâce à elle, nous avons pu connaître la vie d’un collège
d’Oxford, le Lady Margaret Hall,
dans un décor d’Harry Potter. Ce voyage a également été
l’occasion de rencontrer des collègues anglais qui travaillent sur
Maupassant et sur Flaubert, lors d’une table ronde à la Maison
Française d’Oxford. Nous avons essentiellement parlé de la
représentation des Anglais et des Anglaises chez Maupassant, de sa
pratique de la langue, des langues en général, et de la traduction
de ses œuvres.
Les
textes de cette table ronde se retrouvent au sommaire des Cahiers 44, et
le voyage fournit les images de la couverture : une photo du
château, une lettre à en-tête et un portrait de Maupassant en
1886, l’année de son voyage. Ce numéro est pour l’essentiel
consacré à Maupassant, avec quatre dossiers : « Maupassant
et l’éducation » (Françoise Mobihan), le site « Maupassant
par les textes » de Thierry Selva, « Maupassant en
Angleterre », « Varia » ; un cinquième
dossier reprend les communications de la journée organisée par
Gilles Cléroux pour le bicentenaire de la naissance de Maxime
Du Camp (1822), avec une iconographie neuve. Ce volume apporte
son lot d’inédits : des lettres de Maupassant et à son sujet
(cinq lettres de Laure, entre 1862 et 1866, qui permettent d’établir
avec certitude que Maupassant a été élève du collège du Havre à
partir d’avril 1866), quatre poèmes édités et commentés par
Ashvini Chandrakumar, et deux devoirs de philosophie.
Nous
aimerions arrêter là la lecture du sommaire de ce numéro 44
de nos Cahiers,
mais il se prolonge, hélas, par des hommages rendus à deux membres
du conseil d’administration qui nous ont quittés cette année.
C’est l’envers sombre d’une année riche et joyeuse. D’abord
Hubert Hangard, en début d’année. Il a été président du
consortium des Sociétés savantes, membre de la Société Libre
d’émulation de Rouen, trésorier de l’Association des Amis de
Flaubert et de Maupassant. Nous l’avons souvent entendu parler de
ses recherches sur les aspects historiques, économiques, juridiques
de la famille Flaubert. Avec Daniel Fauvel, il a publié quatre
volumes de Fortune et infortune des Flaubert¸
et des guides touristiques et littéraires sur les lieux qui ont
appartenu à la famille Flaubert (La ferme d’Achille Cléophas Flaubert à Saint-Maclou-de-Folleville,
La maison de campagne des Flaubert à Déville-lès-Rouen,
La ferme et le moulin de Gruchy de Montville-Anceaumeville des
Flaubert).
Dans les Cahiers,
Daniel Fauvel lui rend hommage pour un aspect que l’on connaissait
moins ici : deux romans et un livre d’histoire sur le lieu où
il habitait, Hénouville.
L’hommage
à Marlo Johnston, qui nous a quittés en juillet, prend la forme
d’un livre d’or collectif, avec les témoignages personnels de
Joëlle Robert, Yannick Marec, Antonia Fonyi, Gilles Cléroux,
Christoph Oberle, Michel Lambart, Yvan Leclerc. Toutes et tous
saluent la femme généreuse de son savoir et érudite, qui a passé
vingt ans de sa vie à écrire la biographie de Maupassant qui fait
référence, sortie chez Fayard en 2012 : 1 300 pages de
faits vérifiés dans les archives, écrites directement en français.
Cette œuvre d’une vie force l’admiration. Des membres des AFM
se sont rendus à Cambridge au début du mois de septembre pour
témoigner à sa famille et à ses amis de notre admiration et de
notre affection. Plusieurs d’entre nous ont remarqué que Marlo
était morte le 6 juillet, le même jour que Maupassant. Elle
n’a pas choisi la date, mais c’est un clin d’œil du destin
pour celle qui a si longtemps vécu avec son auteur jusqu’au
dernier jour de leur anniversaire désormais commun. Nous aurons une
nouvelle occasion de lui rendre hommage en 2026, quand paraîtra le
premier volume de la Correspondance
de Maupassant, à laquelle elle travaillait.
Élection
du nouveau conseil d’administration
Les
statuts prévoient une durée de trois ans pour le CA. Nous
remercions chaleureusement les membres de l’ancien CA
(2021-2024) pour leur présence et pour tout ce qu’ils ont fait, en
particulier Jean-Luc Brière, trésorier pendant 6 ans.
Ce CA
a eu la charge et l’honneur de s’occuper des événements liés
au bicentenaire de la naissance de Flaubert, en 2021.
Composition du nouveau CA (21 membres)
Botterel Catherine
Cathelin Florence
ChandrakumarAshvini
Cléroux Gilles
Dubois Arlette
Dupressoir Joël
Duthion Bénédicte
Fiquet Nicolas
Himber Élisabeth
Husson-Lefèbvre Corinne
Le Brun Annie
Leclerc Yvan
Letertre Jacques
Mobihan Françoise
Pessiot Guy
Robert Joëlle
Robert Yvon
Rose Marie-Françoise
Rouyer Philippe
Selva Thierry
Vanoosthuyse François
Programme de la saison 2024-2025
Ce
programme est équilibré sur les deux auteurs, avec deux journées
pendant lesquelles il sera question de Flaubert et de Maupassant,
rapprochés par une thématique commune. La première journée, le
30 novembre : « Flaubert et Maupassant et le monde du
vivant, animal et végétal ». On se demandera si les deux
auteurs manifestent une sensibilité particulière au monde
non-humain, à l’écosystème qui les entoure. Pour aller vite :
étaient-ils écologistes avant l’heure ? L’idée nous est
venue après la rencontre avec George Guitton, auteur du Phoque
de Flaubert,
qui a attiré notre attention sur le fait que la SPA était née
au milieu du XIXe siècle, en réponse aux souffrances animales,
celle des chevaux en particulier. La deuxième journée commune aux
deux auteurs aura lieu le 15 mars, au moment du Printemps des
poètes, un sujet proposé par Ashvini Chandrakumar : « la
plume et la lyre », poésie et musique, la pratique du vers
étant le privilège de Maupassant. Flaubert n’est pas poète, mais
il a réfléchi aux rapports entre prose et poésie. « Flaubert
et le poétique » : non pas la poétique, science des
formes littéraires, depuis Aristote jusqu’à Genette, mais le
poétique, c’est-à-dire le fait poétique. Côté Flaubert, on
songera également aux poètes de son entourage : Alfred
Le Poittevin, Louis Bouilhet et Louise Colet.
De
Louise Colet, il sera exclusivement question le 17 mai 2025,
pendant une journée organisée par Joëlle Robert, « Louise
Colet, femme de lettres », en elle-même, et pas seulement en
relation et dans sa relation avec Flaubert, mais telle qu’on l’a
découverte assez récemment dans ses Mementos,
et dans toute la diversité de sa production littéraire. Le dernier
voyage lui sera en partie consacré : à Servanes
(Bouches-du-Rhône). Nous en profiterons pour passer à Marseille,
dans l’ancienne rue de la Darse, pour voir la plaque apposée sur
l’ancien Hôtel de la Darse (aujourd’hui une bijouterie),
retrouvé par nos soins, avec l’aide de Myriam Deledalle. C’est
là que Flaubert a rencontré Eulalie Foucaud de Langlade, pendant
son voyage en Corse en 1840.
En
ce qui concerne le patrimoine matériel, rappelons que nous avons
participé à la pose d’une plaque, en septembre dernier, au 240
rue du Faubourg Saint-Honoré, à Paris.
Flaubert
aura une journée à lui tout seul, consacrée à La
Tentation de saint Antoine,
organisée par Joël Dupressoir, journée qui aurait dû se tenir
l’année dernière, mais qui a dû être reportée en raison de
l’indisponibilité d’une intervenante. Nous serons à Canteleu, à
côté de la bibliothèque de Flaubert (merci à la municipalité,
Annie Le Brun, Caroline Lizer, de nous y accueillir) : on
aura sous les yeux la gravure de Callot. Il sera question du texte
de Flaubert, mais aussi d’iconographie, d’histoire de l’art,
d’histoire des religions, et même de musique, puisqu’il existe
un mélodrame adapté de l’œuvre de Flaubert.
L’autre
voyage sera également consacré à Flaubert (les deux voyages de
l’année écoulée étaient consacrés à Maupassant), pour visiter
l’exposition sur Salammbôau
musée national du Bardo à Tunis (avec une section archéologique
plus fournie qu’à Rouen et Marseille) et le site de Carthage.
Daniel Fauvel avait organisé un voyage de huit jours en 1996 sur
différents lieux tunisiens. La date a été choisie en fonction des
disponibilités de Myriam Deledalle, commissaire de l’exposition.
Nous commencerons à organiser ce voyage courant octobre.
Les AFM
ne géreront pas l’aspect financier. Nous indiquerons un vol
d’avion, un hôtel, et chacun réservera à titre individuel.
*
Les deux
rapports, moral et financier, sont adoptés à l’unanimité
des membres présents et représentés. Le nouveau conseil
d’administration est élu à l’unanimité.
Se faire tirer le portrait, à Rouen, au temps de Flaubert et de Maupassant.
Du daguerréotype à la pellicule souple Kodak (1840-1893) par Guy Pessiot
AUTOUR DE FLAUBERT ET DE MAUPASSANT DANS LE FONDS WITZ DE LA BIBLIOTHÈQUE VILLON DE ROUEN
Présentation du fonds Witz de la Bibliothèque Villon de Rouen par Guy Pessiot
Quelques proches et relations de Flaubert dans le fonds Witz de la Bibliothèque Villon de Rouen par Sandra Glatigny
Robert Pinchon par Gilles Cléroux
Faux portraits de Maupassant jeune ? par Marlo Johnston et Guy Pessiot
DESSINS
Portraits de l’écrivain Maupassant par Gilles Cléroux
80 portraits de Flaubert par Maxime Adam-Tessier par Baptiste-Marrey, Joëlle Robert, Alain Ferry, Yvan Leclerc
FIGURES DE L’ÉCRIVAIN ET PORTRAITS LITTÉRAIRES
La médiatisation des écrivains au XIXe siècle par Élisabeth Parinet
Du portrait comme amitié : autour de Flaubert et de la portraitomanie par Adeline Wrona
Les portraits de Flaubert et de Maupassant dans le Journal des Goncourt par Stéphanie Champeau
Éditorial par Yvan Leclerc
Réunir en albums les riches iconographies de Flaubert et de Maupassant, voilà un rêve ancien qui deviendra peut-être un jour réalité. C’était déjà l’ambition des albums de la Bibliothèque de la Pléiade, qui a consacré un volume à chacun de nos auteurs[1], mais le petit format de la collection, la qualité datée des reproductions de l’Album Flaubert, paru il y a quarante-cinq ans, et le tirage limité de ces volumes recherchés par les bibliophiles, laissent ouverte la possibilité de nouveaux projets.
Flaubert et Maupassant ont été si souvent représentés qu’on ne saurait envisager une collection iconographique exhaustive : certes, les photographies de Flaubert sont en nombre limité, celles de Maupassant beaucoup plus nombreuses, mais si l’on étend les portraits des deux écrivains aux tableaux, aux dessins et aux statues, on entre alors dans une production très volumineuse dont il serait difficile de rendre compte en totalité.
Ce numéro intitulé « Albums », inclus dans la série des Cahiers Flaubert-Maupassant, a l’ambition plus modeste de ne présenter que quelques portraits choisis, mais en les situant dans le contexte de l’invention de la photographie et de la médiatisation de l’écrivain. Il bénéficie également de la récente numérisation et de l’exploration systématique de l’exceptionnel fonds Witz conservé à la Bibliothèque Villon de Rouen.
Sur deux générations successives, Flaubert et Maupassant ont vécu la naissance et la démocratisation d’une nouvelle manière de représenter les personnes. Guy Pessiot expose cette histoire, à la fois technique et sociale, telle qu’elle s’est développée à Rouen, à partir de 1842 et jusqu’à la fin du XIXe siècle. Thiébaud Witz a été le troisième photographe à y exercer son activité, continuée par sa veuve et son fils. Une partie des photos provenant de cette maison est entrée dans les collections de la Bibliothèque Villon en 1992, à l’initiative de Marie-Françoise Rose, ainsi que le rappelle Guy Pessiot dans la présentation de ce fonds.
Parmi les personnes qui ont posé devant l’appareil des Witz, on ne trouve pas trace de Flaubert ni de Maupassant, mais des membres de la famille et des amis, dont Sandra Glatigny précise les identités : Caroline Commanville et aussi le grand amour de sa vie, le préfet Ernest Le Roy, ou encore le fidèle Edmond Laporte. On y rencontre également une photo de Robert Pinchon (commentée par Gilles Cléroux), le complice de la pièce peu convenable À la feuille de rose, maison turque, avant d’être le sérieux bibliothécaire de Rouen. Grâce aux registres qui permettent d’identifier les photos du fonds Witz, Marlo Johnston et Guy Pessiot, aidés par Virginie Beaunier et Catherine Hubbard, peuvent démontrer que certains portraits donnés comme représentant Maupassant sont des faux. Ainsi avance-t-on dans la connaissance, par cumul du nouveau et par correction et soustraction de ce qu’on a tenu jusqu’ici pour vrai.
On connaît les réserves de Flaubert à l’égard de la photographie : « Ce n’est jamais ça qu’on a vu », disait-il. Le portrait dessiné ou peint lui paraissait au contraire dégager l’idée, ou l’idéal de la personne, fût par une caricature, qui est encore une manière d’aller à l’essentiel, au trait caractéristique. Flaubert et Maupassant ont été bien servis par les dessinateurs : Gilles Cléroux commente une série de dessins et de gravures qui ont assuré la diffusion privée et publique de de l’auteur d’Une vie. Du côté de Flaubert, Maxime Adam-Tessier est sans doute l’artiste le plus inspiré, variant son sujet comme Monet la cathédrale. Le dépôt de ses 80 portraits à la Ville de Rouen est l’occasion de reprendre ici des textes naguère publiés en brochure, dus à son ami Baptiste-Marrey, à Joëlle Robert, Alain Ferry et Yvan Leclerc.
« Nos œuvres appartiennent au public, mais pas nos figures » : Élisabeth Parinet, auteur d’un livre consacré à l’Histoire des auteurs, rappelle cette formule de Maupassant, que Flaubert aurait pu cosigner, dans une étude où elle situe les positions des deux écrivains vis-à-vis de la diffusion de leurs portraits, écrits et graphiques, par rapport à la médiatisation croissante au XIXe siècle, liée au développement de la presse et aux progrès techniques favorisant la reproduction des images, pour le plus grand plaisir des journalistes indiscrets et des lecteurs voyeurs. Adeline Wrona poursuit cette réflexion sur le statut de l’écrivain au temps de l’iconographie triomphante en interrogeant « le double régime du portrait » dans la correspondance de Flaubert : il rejette la « portraitomanie » industrielle qui vise la publicité, mais il affectionne le portrait à usage intime, dès l’instant où il reste dans le cadre de l’échange privé entre deux figures singulières. C’est de portraits textuels, littéraires, qu’il est enfin question dans l’étude de Stéphanie Champeau : elle réunit les deux individus « normands », provincial donc lourd pour l’aîné, écrivain de second rang et individu peu recommandable pour le cadet, tels qu’ils sont épinglés dans le Journal des Goncourt. S’il y eut des « portraits-charges », comme on disait au XIXe siècle, « frappés au coin de la cruauté » autant que des caricatures par le crayon, c’est bien sous la plume acérée des deux frères qu’on peut les trouver.
Les articles regroupés dans ce volume proviennent en majeure partie de la journée sur le portrait organisée le samedi 21 mai 2016 par Sandra Glatigny et Gilles Cléroux, en collaboration avec la Bibliothèque municipale de Rouen.
[1]Album Flaubert, avec une iconographie présentée et commentée par Jean Bruneau et Jean A. Ducourneau, Gallimard, 1972 ; Album Maupassant, avec une iconographie choisie et présentée par Jacques Réda, Gallimard, 1987.