Assemblée générale du 28 septembre 2024

Assemblée générale de l’association des Amis
de Flaubert et de Maupassant
28 septembre 2024

Rapport moral
Vie de l’association des Amis de Flaubert
et de Maupassant
pour l’année 2023-2024

Bilan

    Notre programme de la saison 2023-2024 a été équilibré sur les deux auteurs, grâce au thème mis au programme pour tous les musées de la Métropole de Rouen, celui du fleuve, ou plutôt des fleuves au pluriel, mais évidemment au premier plan celui qui coule à Rouen. Quand nous avons appris ce choix, nous nous sommes dit que notre association pouvait le reprendre à son compte, puisque nos deux auteurs ont un rapport spécial à la Seine, un rapport personnel et passionnel, physique avec le fleuve. D’où l’idée d’organiser deux journées, une pour chacun des auteurs, journées rythmées par des lectures, assurées le plus souvent par l’association « Le Lire et le Dire » de Canteleu, et aussi par d’autres lectrices et lecteurs de notre association.

    D’abord une journée consacrée à Flaubert parce qu’il a vécu la plupart du temps à Croisset pendant la deuxième moitié de sa vie. Il contemple la Seine de son cabinet de travail, au premier étage de la maison, et il s’y baigne. La journée d’étude consacrée à Flaubert, « la Seine sous mes fenêtres », en novembre, s’est terminée par une visite de l’exposition « Miroirs de la Seine : chez Flaubert et au-delà », présentée au Musée Flaubert et d’histoire de la médecine, sous la conduite de Jean-Baptiste Chantoiseau.

    Cette journée sur Flaubert et la Seine à Croisset a précédé de quelques mois la sortie du troisième et dernier hors-série des Cahiers Flaubert-Maupassant issus du bicentenaire. Après « Flaubert au collège », dirigé par Joëlle Robert, et « Flaubert politique », dirigé par François Vannoosthuyse et Yvan Leclerc, le n° 43 est sorti au printemps : « Les Flaubert et leur maison à Croisset », dirigé par Guy Pessiot, résultat de quatre années de travail avec une dizaine de collaborateurs, conçu comme un vrai livre, et un beau livre, avec une iconographie abondante et souvent inédite, qui raconte toute l’histoire de la propriété et de la maison, depuis les origines jusqu’à aujourd’hui, et même au-delà, puisqu’à la reconstruction physique, un peu comme Flaubert voulait ressusciter Carthage dans Salammbô, s’ajoute la perspective d’une reconstitution numérique virtuelle, déjà entamée par les élèves de l’école d’architecture de Rouen. Ce volume, comme les précédents, a reçu l’aide du CNL, à la fois soutien financier (1.885 euros) et caution scientifique pour la qualité de notre travail éditorial, assuré par le comité de lecture des AFM.

    Maupassant aussi a vécu au bord de la Seine, d’une manière plus discontinue que Flaubert, à Argenteuil, Bezons, Sartrouville et Triel, dans la Seine et sur la Seine plus souvent que lui, en canot ou en yole, entre 1873 et 1883, marin d’eau douce avant de devenir marin en haute mer. Pour Flaubert, nous étions sur place, à Rouen, in situ, à Croisset, à côté. Mais pour Maupassant, il fallait se déplacer, remonter la Seine jusqu’à la sortie de Paris. D’où l’organisation d’un week-end complet, sur le modèle des deux journées organisées en mai 2023 à Médan : une journée d’études à Rouen pour les textes et les images, en particulier le film de Renoir, Partie de campagne, que nous avons eu le privilège de voir dans une version restaurée grâce à Jean-Baptiste Chantoiseau, puis une sortie en car sur les lieux : on part en voyage avec arrêts chez Tourgueneff à Bougival (Catherine Guidoux, présidente de l’ATVM, « Association des Amis d’Ivan Tourguéniev, Pauline Viardot et Maria Malibran », et Anne Faudais, Christine Dezaunay, chef de cabinet du maire), le musée de la Grenouillère à Croissy, déjeuner à Chatou, dans l’île des impressionnistes, visite de l’Atelier Sequana (avec mes retrouvailles de « Madame », le canot de Maupassant reconstruit à l’identique, inauguré le 3 octobre 2015, Joëlle Robert étant alors la marraine du bateau).

    Maupassant nous a fait voyager plus loin que les boucles de la Seine à la sortie de Paris : jusqu’en Angleterre. Il y a séjourné pendant la première quinzaine d’août 1886, à Londres, Oxford et au château de Waddesdon, où il a été invité à une fête par Ferdinand de Rothschild, rencontré à Paris ou à Étretat. Dans une lettre à Maupassant envoyée avant le voyage, Paul Bourget qualifiait Waddesdon de « palais d’Aladin » : « Good bye, my boy. Saluez pour moi Ferdinant de R… (prononcez Rotschaïlde) et l’éléphant extravagant qui est dans le couloir du bas de son château. / Yours truly. / Paul Bourget. » L’éléphant extravagant est toujours là…

    Les archives du château conservent trois lettres inédites de Maupassant au baron, dont nous avons pu prendre copie, et qui figureront dans l’édition en cours de la Correspondance. Catriona Seth nous a ouvert les portes du château pour une visite privée. Grâce à elle, nous avons pu connaître la vie d’un collège d’Oxford, le Lady Margaret Hall, dans un décor d’Harry Potter. Ce voyage a également été l’occasion de rencontrer des collègues anglais qui travaillent sur Maupassant et sur Flaubert, lors d’une table ronde à la Maison Française d’Oxford. Nous avons essentiellement parlé de la représentation des Anglais et des Anglaises chez Maupassant, de sa pratique de la langue, des langues en général, et de la traduction de ses œuvres.

    Les textes de cette table ronde se retrouvent au sommaire des Cahiers 44, et le voyage fournit les images de la couverture : une photo du château, une lettre à en-tête et un portrait de Maupassant en 1886, l’année de son voyage. Ce numéro est pour l’essentiel consacré à Maupassant, avec quatre dossiers : « Maupassant et l’éducation » (Françoise Mobihan), le site « Maupassant par les textes » de Thierry Selva, « Maupassant en Angleterre », « Varia » ; un cinquième dossier reprend les communications de la journée organisée par Gilles Cléroux pour le bicentenaire de la naissance de Maxime Du Camp (1822), avec une iconographie neuve. Ce volume apporte son lot d’inédits : des lettres de Maupassant et à son sujet (cinq lettres de Laure, entre 1862 et 1866, qui permettent d’établir avec certitude que Maupassant a été élève du collège du Havre à partir d’avril 1866), quatre poèmes édités et commentés par Ashvini Chandrakumar, et deux devoirs de philosophie.

    Nous aimerions arrêter là la lecture du sommaire de ce numéro 44 de nos Cahiers, mais il se prolonge, hélas, par des hommages rendus à deux membres du conseil d’administration qui nous ont quittés cette année. C’est l’envers sombre d’une année riche et joyeuse. D’abord Hubert Hangard, en début d’année. Il a été président du consortium des Sociétés savantes, membre de la Société Libre d’émulation de Rouen, trésorier de l’Association des Amis de Flaubert et de Maupassant. Nous l’avons souvent entendu parler de ses recherches sur les aspects historiques, économiques, juridiques de la famille Flaubert. Avec Daniel Fauvel, il a publié quatre volumes de Fortune et infortune des Flaubert¸ et des guides touristiques et littéraires sur les lieux qui ont appartenu à la famille Flaubert (La ferme d’Achille Cléophas Flaubert à Saint-Maclou-de-Folleville, La maison de campagne des Flaubert à Déville-lès-Rouen, La ferme et le moulin de Gruchy de Montville-Anceaumeville des Flaubert). Dans les Cahiers, Daniel Fauvel lui rend hommage pour un aspect que l’on connaissait moins ici : deux romans et un livre d’histoire sur le lieu où il habitait, Hénouville.

    L’hommage à Marlo Johnston, qui nous a quittés en juillet, prend la forme d’un livre d’or collectif, avec les témoignages personnels de Joëlle Robert, Yannick Marec, Antonia Fonyi, Gilles Cléroux, Christoph Oberle, Michel Lambart, Yvan Leclerc. Toutes et tous saluent la femme généreuse de son savoir et érudite, qui a passé vingt ans de sa vie à écrire la biographie de Maupassant qui fait référence, sortie chez Fayard en 2012 : 1 300 pages de faits vérifiés dans les archives, écrites directement en français. Cette œuvre d’une vie force l’admiration. Des membres des AFM se sont rendus à Cambridge au début du mois de septembre pour témoigner à sa famille et à ses amis de notre admiration et de notre affection. Plusieurs d’entre nous ont remarqué que Marlo était morte le 6 juillet, le même jour que Maupassant. Elle n’a pas choisi la date, mais c’est un clin d’œil du destin pour celle qui a si longtemps vécu avec son auteur jusqu’au dernier jour de leur anniversaire désormais commun. Nous aurons une nouvelle occasion de lui rendre hommage en 2026, quand paraîtra le premier volume de la Correspondance de Maupassant, à laquelle elle travaillait.

Élection du nouveau conseil d’administration

    Les statuts prévoient une durée de trois ans pour le CA. Nous remercions chaleureusement les membres de l’ancien CA (2021-2024) pour leur présence et pour tout ce qu’ils ont fait, en particulier Jean-Luc Brière, trésorier pendant 6 ans. Ce CA a eu la charge et l’honneur de s’occuper des événements liés au bicentenaire de la naissance de Flaubert, en 2021.

    Composition du nouveau CA (21 membres)
    Botterel Catherine
    Cathelin Florence
    ChandrakumarAshvini
    Cléroux Gilles
    Dubois Arlette
    Dupressoir Joël
    Duthion Bénédicte
    Fiquet Nicolas
    Himber Élisabeth
    Husson-Lefèbvre Corinne
    Le Brun Annie
    Leclerc Yvan
    Letertre Jacques
    Mobihan Françoise
    Pessiot Guy
    Robert Joëlle
    Robert Yvon
    Rose Marie-Françoise
    Rouyer Philippe
    Selva Thierry
    Vanoosthuyse François

Programme de la saison 2024-2025

    Ce programme est équilibré sur les deux auteurs, avec deux journées pendant lesquelles il sera question de Flaubert et de Maupassant, rapprochés par une thématique commune. La première journée, le 30 novembre : « Flaubert et Maupassant et le monde du vivant, animal et végétal ». On se demandera si les deux auteurs manifestent une sensibilité particulière au monde non-humain, à l’écosystème qui les entoure. Pour aller vite : étaient-ils écologistes avant l’heure ? L’idée nous est venue après la rencontre avec George Guitton, auteur du Phoque de Flaubert, qui a attiré notre attention sur le fait que la SPA était née au milieu du XIXe siècle, en réponse aux souffrances animales, celle des chevaux en particulier. La deuxième journée commune aux deux auteurs aura lieu le 15 mars, au moment du Printemps des poètes, un sujet proposé par Ashvini Chandrakumar : « la plume et la lyre », poésie et musique, la pratique du vers étant le privilège de Maupassant. Flaubert n’est pas poète, mais il a réfléchi aux rapports entre prose et poésie. « Flaubert et le poétique » : non pas la poétique, science des formes littéraires, depuis Aristote jusqu’à Genette, mais le poétique, c’est-à-dire le fait poétique. Côté Flaubert, on songera également aux poètes de son entourage : Alfred Le Poittevin, Louis Bouilhet et Louise Colet.

    De Louise Colet, il sera exclusivement question le 17 mai 2025, pendant une journée organisée par Joëlle Robert, « Louise Colet, femme de lettres », en elle-même, et pas seulement en relation et dans sa relation avec Flaubert, mais telle qu’on l’a découverte assez récemment dans ses Mementos, et dans toute la diversité de sa production littéraire. Le dernier voyage lui sera en partie consacré : à Servanes (Bouches-du-Rhône). Nous en profiterons pour passer à Marseille, dans l’ancienne rue de la Darse, pour voir la plaque apposée sur l’ancien Hôtel de la Darse (aujourd’hui une bijouterie), retrouvé par nos soins, avec l’aide de Myriam Deledalle. C’est là que Flaubert a rencontré Eulalie Foucaud de Langlade, pendant son voyage en Corse en 1840.

    En ce qui concerne le patrimoine matériel, rappelons que nous avons participé à la pose d’une plaque, en septembre dernier, au 240 rue du Faubourg Saint-Honoré, à Paris.

    Flaubert aura une journée à lui tout seul, consacrée à La Tentation de saint Antoine, organisée par Joël Dupressoir, journée qui aurait dû se tenir l’année dernière, mais qui a dû être reportée en raison de l’indisponibilité d’une intervenante. Nous serons à Canteleu, à côté de la bibliothèque de Flaubert (merci à la municipalité, Annie Le Brun, Caroline Lizer, de nous y accueillir) : on aura sous les yeux la gravure de Callot. Il sera question du texte de Flaubert, mais aussi d’iconographie, d’histoire de l’art, d’histoire des religions, et même de musique, puisqu’il existe un mélodrame adapté de l’œuvre de Flaubert.

    L’autre voyage sera également consacré à Flaubert (les deux voyages de l’année écoulée étaient consacrés à Maupassant), pour visiter l’exposition sur Salammbôau musée national du Bardo à Tunis (avec une section archéologique plus fournie qu’à Rouen et Marseille) et le site de Carthage. Daniel Fauvel avait organisé un voyage de huit jours en 1996 sur différents lieux tunisiens. La date a été choisie en fonction des disponibilités de Myriam Deledalle, commissaire de l’exposition. Nous commencerons à organiser ce voyage courant octobre. Les AFM ne géreront pas l’aspect financier. Nous indiquerons un vol d’avion, un hôtel, et chacun réservera à titre individuel.

*

    Les deux rapports, moral et financier, sont adoptés à l’unanimité des membres présents et représentés. Le nouveau conseil d’administration est élu à l’unanimité.

Le Président Le Trésorier
Yvan Leclerc Jean-Luc Brière

« Flaubert, manuscrits et genèse ». Samedi 18 décembre 2021

« Flaubert, manuscrits et genèse »

Dans le cadre du programme : « Flaubert, 200 ans, toujours vivant ! »

Journée en liaison avec l’exposition présentée à la Bibliothèque patrimoniale Villon, « Gustave Flaubert, la fabrique de l’œuvre »

Matinée à l’Hôtel des sociétés savantes, 190 rue Beauvoisine, Rouen

Début à 9h30

Anne-Bénédicte Levollant et Catherine Hubbard : présentation de l’exposition

Yvan Leclerc : Montrer les manuscrits de Flaubert

Joëlle Robert : Premières publications en 1837 dans Le Colibri

Madame Bovary

Jean-Yves Mollier : Le coup de tonnerre de Madame Bovary, édité par Michel Lévy

Anne-Bénédicte Levollant : Une édition pirate de Madame Bovary

Bouvard et Pécuchet

Stéphanie Dord-Crouslé, Bouvard et Pécuchet, work in progress

Après-midi, Bibliothèque patrimoniale Villon

À partir de 14h30 : visite commentée de l’exposition, réservée aux adhérents de l’Association des Amis de Flaubert et de Maupassant.

Inscriptions auprès de Catherine Hubbard : catherine.hubbard@rouen.fr

En fonction des jauges en vigueur : groupe de 12 personnes maximum, au jour de cet envoi.

Cahiers Flaubert Maupassant n° 34, 2017

ÉDITORIAL
par Yvan Leclerc

PORTRAITS

Se faire tirer le portrait, à Rouen, au temps de Flaubert et de Maupassant.
Du daguerréotype à la pellicule souple Kodak (1840-1893)
par Guy Pessiot

AUTOUR DE FLAUBERT ET DE MAUPASSANT DANS LE FONDS WITZ DE LA BIBLIOTHÈQUE VILLON DE ROUEN

Présentation du fonds Witz de la Bibliothèque Villon de Rouen
par Guy Pessiot

Quelques proches et relations de Flaubert dans le fonds Witz de la Bibliothèque Villon de Rouen
par Sandra Glatigny

Robert Pinchon
par Gilles Cléroux

Faux portraits de Maupassant jeune ?
par Marlo Johnston et Guy Pessiot

DESSINS

Portraits de l’écrivain Maupassant
par Gilles Cléroux

80 portraits de Flaubert par Maxime Adam-Tessier
par Baptiste-Marrey, Joëlle Robert, Alain Ferry, Yvan Leclerc

FIGURES DE L’ÉCRIVAIN ET PORTRAITS LITTÉRAIRES

La médiatisation des écrivains au XIXe siècle
par Élisabeth Parinet

Du portrait comme amitié : autour de Flaubert et de la portraitomanie
par Adeline Wrona

Les portraits de Flaubert et de Maupassant dans le Journal des Goncourt
par Stéphanie Champeau

Éditorial par Yvan Leclerc

Réunir en albums les riches iconographies de Flaubert et de Maupassant, voilà un rêve ancien qui deviendra peut-être un jour réalité. C’était déjà l’ambition des albums de la Bibliothèque de la Pléiade, qui a consacré un volume à chacun de nos auteurs[1], mais le petit format de la collection, la qualité datée des reproductions de l’Album Flaubert, paru il y a quarante-cinq ans, et le tirage limité de ces volumes recherchés par les bibliophiles, laissent ouverte la possibilité de nouveaux projets.

Flaubert et Maupassant ont été si souvent représentés qu’on ne saurait envisager une collection iconographique exhaustive : certes, les photographies de Flaubert sont en nombre limité, celles de Maupassant beaucoup plus nombreuses, mais si l’on étend les portraits des deux écrivains aux tableaux, aux dessins et aux statues, on entre alors dans une production très volumineuse dont il serait difficile de rendre compte en totalité.

Ce numéro intitulé « Albums », inclus dans la série des Cahiers Flaubert-Maupassant, a l’ambition plus modeste de ne présenter que quelques portraits choisis, mais en les situant dans le contexte de l’invention de la photographie et de la médiatisation de l’écrivain. Il bénéficie également de la récente numérisation et de l’exploration systématique de l’exceptionnel fonds Witz conservé à la Bibliothèque Villon de Rouen.

Sur deux générations successives, Flaubert et Maupassant ont vécu la naissance et la démocratisation d’une nouvelle manière de représenter les personnes. Guy Pessiot expose cette histoire, à la fois technique et sociale, telle qu’elle s’est développée à Rouen, à partir de 1842 et jusqu’à la fin du XIXe siècle. Thiébaud Witz a été le troisième photographe à y exercer son activité, continuée par sa veuve et son fils. Une partie des photos provenant de cette maison est entrée dans les collections de la Bibliothèque Villon en 1992, à l’initiative de Marie-Françoise Rose, ainsi que le rappelle Guy Pessiot dans la présentation de ce fonds.

Parmi les personnes qui ont posé devant l’appareil des Witz, on ne trouve pas trace de Flaubert ni de Maupassant, mais des membres de la famille et des amis, dont Sandra Glatigny précise les identités : Caroline Commanville et aussi le grand amour de sa vie, le préfet Ernest Le Roy, ou encore le fidèle Edmond Laporte. On y rencontre également une photo de Robert Pinchon (commentée par Gilles Cléroux), le complice de la pièce peu convenable À la feuille de rose, maison turque, avant d’être le sérieux bibliothécaire de Rouen. Grâce aux registres qui permettent d’identifier les photos du fonds Witz, Marlo Johnston et Guy Pessiot, aidés par Virginie Beaunier et Catherine Hubbard, peuvent démontrer que certains portraits donnés comme représentant Maupassant sont des faux. Ainsi avance-t-on dans la connaissance, par cumul du nouveau et par correction et soustraction de ce qu’on a tenu jusqu’ici pour vrai.

On connaît les réserves de Flaubert à l’égard de la photographie : « Ce n’est jamais ça qu’on a vu », disait-il. Le portrait dessiné ou peint lui paraissait au contraire dégager l’idée, ou l’idéal de la personne, fût par une caricature, qui est encore une manière d’aller à l’essentiel, au trait caractéristique. Flaubert et Maupassant ont été bien servis par les dessinateurs : Gilles Cléroux commente une série de dessins et de gravures qui ont assuré la diffusion privée et publique de de l’auteur d’Une vie. Du côté de Flaubert, Maxime Adam-Tessier est sans doute l’artiste le plus inspiré, variant son sujet comme Monet la cathédrale. Le dépôt de ses 80 portraits à la Ville de Rouen est l’occasion de reprendre ici des textes naguère publiés en brochure, dus à son ami Baptiste-Marrey, à Joëlle Robert, Alain Ferry et Yvan Leclerc.

« Nos œuvres appartiennent au public, mais pas nos figures » : Élisabeth Parinet, auteur d’un livre consacré à l’Histoire des auteurs, rappelle cette formule de Maupassant, que Flaubert aurait pu cosigner, dans une étude où elle situe les positions des deux écrivains vis-à-vis de la diffusion de leurs portraits, écrits et graphiques, par rapport à la médiatisation croissante au XIXe siècle, liée au développement de la presse et aux progrès techniques favorisant la reproduction des images, pour le plus grand plaisir des journalistes indiscrets et des lecteurs voyeurs. Adeline Wrona poursuit cette réflexion sur le statut de l’écrivain au temps de l’iconographie triomphante en interrogeant « le double régime du portrait » dans la correspondance de Flaubert : il rejette la « portraitomanie » industrielle qui vise la publicité, mais il affectionne le portrait à usage intime, dès l’instant où il reste dans le cadre de l’échange privé entre deux figures singulières. C’est de portraits textuels, littéraires, qu’il est enfin question dans l’étude de Stéphanie Champeau : elle réunit les deux individus « normands », provincial donc lourd pour l’aîné, écrivain de second rang et individu peu recommandable pour le cadet, tels qu’ils sont épinglés dans le Journal des Goncourt. S’il y eut des « portraits-charges », comme on disait au XIXe siècle, « frappés au coin de la cruauté » autant que des caricatures par le crayon, c’est bien sous la plume acérée des deux frères qu’on peut les trouver.

Les articles regroupés dans ce volume proviennent en majeure partie de la journée sur le portrait organisée le samedi 21 mai 2016 par Sandra Glatigny et Gilles Cléroux, en collaboration avec la Bibliothèque municipale de Rouen.

[1] Album Flaubert, avec une iconographie présentée et commentée par Jean Bruneau et Jean A. Ducourneau, Gallimard, 1972 ; Album Maupassant, avec une iconographie choisie et présentée par Jacques Réda, Gallimard, 1987.